Au Gaec de la Branchette, près de 1,4 million de litres de lait bio pilotés au plus juste
En Ille-et-Vilaine, les cinq associés du Gaec de la Branchette produisent 1,360 million de litres de lait bio avec 180 vaches. Si travailler en commun a tout son intérêt, la gestion technique d’un grand troupeau, notamment celle liée à son pâturage, est particulièrement exigeante.
En Ille-et-Vilaine, les cinq associés du Gaec de la Branchette produisent 1,360 million de litres de lait bio avec 180 vaches. Si travailler en commun a tout son intérêt, la gestion technique d’un grand troupeau, notamment celle liée à son pâturage, est particulièrement exigeante.
Bio peut rimer avec grand troupeau mais au prix d’une maîtrise technique impeccable. Au Gaec de la Branchette, à Argentré-du-Plessis, les cinq associés conduisent, avec trois salariés, un troupeau de 180 vaches et une activité de transformation de leur blé en pains et viennoiseries (3 à 4 ha), sur 187 hectares. « Ce qui est en dessous des 56 vaches de la moyenne nationale quand on ramène les moyens de production à l’actif, tempère Christophe Lemesle, l’un des cinq associés. Depuis toujours, avec mes frères et ma belle-sœur, puis mon neveu, nous avons souhaité travailler ensemble. » Après quelques années en conventionnel, les agriculteurs débutent en juin 1999 la conversion vers la bio. Ce changement de mode de production s’est appuyé sur le constat que, d’un côté, leurs pratiques - avec beaucoup de pâturage, peu de traitements - étaient proches de la bio, alors que, d’autre part, la valorisation de leur lait plafonnait. « La demande en produits bio commençait à décoller, se souvient l’éleveur. Comme Lactalis, notre laiterie, venait de lancer une gamme bio, nous avons fait le pari d’y aller. »
Pari réussi, puisque vingt et un ans plus tard, l’exploitation livre 1,360 million de litres et se sent bien dans ses pratiques. « L’agriculture bio correspond à notre philosophie de travail, à notre vision d’une agriculture pour une consommation locale avec le moins d’impacts négatifs possibles sur notre environnement », résume Christophe Lemesle. La crise du Covid-19 et les perspectives intéressantes en termes d’évolution du marché le confortent dans son choix.
Des vaches produisant 7 500 litres et au maximum dehors
Avant leur passage en bio, les associés du Gaec de la Branchette avaient déjà un bon niveau d’étable. Par souci d’efficacité et grâce au bon potentiel de leurs vaches, ils ont souhaité rester sur une production assez élevée par vache. « Qu’une vache fasse 5 000 ou 7 500 litres, elle occupera une place en bâtiment, demandera quasiment le même temps de traite, les mêmes charges d’IA, explique Christophe Lemesle. Pour payer nos annuités et nos salariés, notre point d’équilibre est à une production de 1,3 million de litres et 180 vaches. »
Les associés du Gaec de la Branchette ont eu la chance d’avoir un parcellaire très groupé, dans une région où la pousse de l’herbe est bonne. « Notre exploitation est très favorable au pâturage, reconnaît Christophe Lemesle. Nous avons 98 hectares accessibles avec la stabulation au milieu. Pour accéder aux parcelles les plus éloignées, les vaches ont 1,5 km à marcher. » L’herbe pâturée assure donc le gros de la ration avec des vaches au maximum dehors. « En 2018, les conditions hivernales étaient bonnes, les vaches ne sont restées que quatre semaines en bâtiment, se souvient l’éleveur. En général, dès fin janvier-début février, elles assurent un premier déprimage. » Au-delà des exigences réglementaires de la production biologique, cet engagement vers un maximum de pâturage et d’autres, comme la plantation de haies ou le recours à l’homéopathie, s’inscrivent dans la charte « bio engagés » de Lactalis. « C’est une démarche de progrès, qui est reconnue dans la négociation des prix. Par exemple, pour 2020, les prévisions sur le prix pour les éleveurs en OP qui respectent la charte se font, pour moitié, sur un prix à 495 €/1 000 l et, pour moitié, sur le prix de marché. »
S’il reconnaît sans hésiter l’intérêt d’un pâturage important pour la santé et le bien-être des animaux, Christophe Lemesle ne cache pas le côté parfois stressant de cette pratique, surtout face aux aléas climatiques et à la nécessité de maintenir une production élevée. « Nous avons encore des emprunts à rembourser, des salariés à payer, il nous faut du lait », analyse-t-il. « En bio, les rendements des cultures sont plus aléatoires : les maladies, les ravageurs sont aussi plus difficiles à contenir. Il faut donc adapter ses marges de sécurité en fonction. Si les vaches ne trouvent pas ce qu'il faut, le verdict arrive vite par le niveau du tank. »
Adapter les marges de sécurité
Les associés s’astreignent donc à une gestion très pointue pour optimiser la valorisation de la ressource en herbe, qu’elle soit pâturée ou stockée. « C’est plus exigeant en suivi quotidien, en adaptation, qu’une ration annuelle maïs/soja, estime Christophe Lemesle. D’autant qu’il y a de plus en plus d’années avec des périodes estivales sèches, sans pousse d’herbe sur une longue période. » Les éleveurs essaient d’avoir un minimum de stocks de sécurité, avec de l’ensilage d’herbe et du foin mais aussi du maïs plante entière et des légumineuses, luzerne et trèfle violet, qu'ils font déshydrater en coopérative. « Ces fourrages ont un coût mais cela nous permet de stocker, longtemps si besoin, des aliments de qualité, avec une grande souplesse d’utilisation », apprécie Christophe Lemesle. Des bouchons de maïs sont distribués toute l’année, 2 à 3 kg en période de pâturage, 8 à 9 kg en hiver en complément de l’ensilage d’herbe, de foin, de luzerne et de mélange céréalier. « Nous avons fait le choix de distribuer du maïs toute l’année pour maintenir les vaches en état. D’abord pour leur santé mais aussi pour avoir des meilleures réformes. En bio, c’est un complément au lait intéressant. » En plus de leur production, les éleveurs en achètent aussi. « On espère réduire cette quantité car, avec la Cuma, on va développer l’affouragement en vert, ce qui nous permettra de valoriser plus longtemps l’herbe des parcelles moins portantes. »
Des bouchons de maïs toute l'année
Pour la partie « concentrés », les associés misent sur des cultures d’hiver, comme des mélanges céréaliers, triticale, avoine, pois grain et fourrager, à raison de 120 kg de semence pour le triticale et 20 kg pour les autres espèces. « Ce sont des cultures qui poussent à une période où il y aura de l’eau. C’est plus sûr que des cultures de printemps. » Les éleveurs ont aussi travaillé sur la composition même des prairies, pour passer les périodes sèches. « Certaines espèces, comme la fétuque, résistent mieux à la sécheresse mais ce n’est pas ce que les vaches mangent en premier. » Grâce à la cohérence de leur système, les associés arrivent à une production par vache de 7 500 litres livrés avec des taux à 41/33, quand, d'après les données d'Eilyps 2018-2019, la moyenne départementale en bio est à 4 990 litres.