Suspense
C’est ce dimanche 29 mai — jour de la très commerciale fête des mères — que va se dérouler dans l’Hexagone et les départements et territoires d’outre-mer, le référendum sur la «Conchtituchion» européenne selon la prononciation chuintante de VGE, qui ne se cache pas d’en être le père. Et c’est le soir de ce dimanche pas comme les autres, que l’on saura qui des «nonistes» ou des «ouiistes» l’aura emporté et avec quel pourcentage de voix. Dans un mouchoir ou avec une avance confortable ? Frisson garanti pour les sacro-saints instituts de sondage entre les extralucides et ceux qui se seront plantés. Avant de connaître ce résultat, qui sera suivi avec attention non seulement par nos partenaires européens, mais par le monde entier, on peut dire que ce vaste débat qui a fait exploser les clivages politiques habituels, entraîné des alliances improbables et des pacs pour le moins étranges, a néanmoins eu un grand mérite. En choisissant la voie périlleuse de la consultation populaire plutôt que celle pépère du vote parlementaire, le Président de la République a provoqué un «revival» de l’intérêt des citoyens pour le débat politique. De l’avis général, ce dernier a réinvesti les lieux qu’il avait plus ou moins déserté comme les bistrots, caféts’, cantines, bureaux, ateliers, etc. Il a souvent animé les dîners entre copains et copines, les communions dans nos villes ou campagnes, voire les souvent assommants déjeuners de famille du dimanche. Et, parfois —dit-on— il a été jusqu’à perturber la paix des ménages ! Cela n’est pas sans rappeler, les caricatures du célèbre dessinateur humoriste Caran d’Ache, qui au temps de l’Affaire Dreyfus résumait la division de l’opinion publique française en deux croquis. Le premier : une famille nombreuse attablée et conversant tranquillement autour d’un apparent beau repas avec force mets et bouteilles. Second dessin : une table renversée avec ses mets, sa vaisselle, ses fleurs piétinées et ses bouteilles cassées, les hommes se livrant à un pugilat, et les femmes se crêpant le chignon. Les deux croquis légendés de façon lapidaire par un historique : «ils en ont parlé !» (en filigrane… de l’Affaire Dreyfus). Emblématique d’ailleurs, le déchirement médiatique de la famille Mitterrand. Ainsi, la veuve de l’ancien Président, surnommée «Tatie Danielle», a dit urbi et orbi et très catégoriquement, qu’elle voterait «non!», mais son fils Gilbert déclare voter «oui!» tout en indiquant qu’il partage «le même idéal que maman qui dit non». Réponse de Tatie Danielle : «Quand on est membre d’une famille, on peut être en désaccord, cela ne justifie pas qu’on s’entretue.» Bien vu ! On ne sait pas en revanche comment va voter «Papamadit», alias Jean-Christophe Mitterrand, l’autre fils et ex-Monsieur Afrique du Président, qui donne beaucoup de soucis à Tatie Danielle. Quant à Mazarine Pingeot, la fille préférée, elle n’a rien dit, ni d’ailleurs Frédéric l’illustre neveu. Quant à certains politiques, ils n’hésitent pas à dire en vous regardant droit dans les yeux, qu’ils savent —eux—comment aurait voté Tonton, l’ex-locataire de l’Elysée. Ils en ont la «conviction tranquille» ! Mais en fin de compte le dernier mot appartiendra à Marianne. Dira-t-elle «oui» ou «non»? A quelques jours du vote, l’incertitude est totale. Comme dans ces films, où à la traditionnelle question de l’officiant «acceptez-vous de prendre pour épouse (ou époux)», le marié (ou la promise), au grand dam de l’assistance hésite longuement à s’engager, plongeant les proches dans les affres d’un insoutenable suspense. Et ne parlons pas de l’un des deux principaux intéressés.