Snia : la compétitivité française ne cesse de s’émousser, «il y a danger»
Pour le syndicat, acteurs économiques des filières et autorités, française et bruxelloise, doivent agir ensemble pour enrayer le repli de la production.
Face à l'érosion continuelle de l’activité du secteur de l’alimentation animale, Adolphe Thomas, président du Snia (Syndicat national des industriels de la nutrition animale), tire la sonnette d’alarme : «Les warnings sont en action» a-t-il lancé lors de l’assemblée générale du syndicat qui s’est tenue le 9 juin à Paris. Pour enrayer la spirale baissière, le président a invité le secteur à continuer de tout faire, avec les autres acteurs économiques des filières animales, pour se «diriger vers un rebondissement». Plusieurs conditions doivent être réunies pour y parvenir. Il faut notamment faire en sorte que le consommateur privilégie l’origine française et que «l’autorité politique affirme la préférence communautaire et privilégie notre indépendance alimentaire».
Mettre un terme à l’érosion continue de l’activité
Modernisation de l’outil industriel, amélioration des coûts de revient, accompagnement des éleveurs, intégration des nouvelles contraintes réglementaires, recherches zootechniques, multiplication des cahiers des charges… La profession ne ménage pas ses efforts pour inverser la tendance. Et pourtant, «nous perdons régulièrement en compétitivité par rapport à nos concurrents internationaux» et les volumes d’aliments composés fabriqués chaque année en France ne cessent de se replier. La production a cédé 1,3 % entre 2003 et 2004. Et «l’année en cours ne corrigera pas ces baisses, bien au contraire, puisque, d’ores et déjà, le premier trimestre est en net recul. Un pronostic à moins 2,5, voire 3 %, n’est pas irréaliste», confie Adolphe Thomas insistant : «Ainsi nous aurons perdu 1,7 Mt d’aliments composés par rapport 2001. C’est énorme !»
Parmi les handicaps économiques de la filière française mis en avant lors de la table ronde, celui d’avoir fait le choix d’un haut niveau de sécurité sanitaire. Or, «si le citoyen est sensible aux critères environnementaux, au bien-être animal, aux conditions sociales,… le consommateur, lui, est avant tout sensible au prix», estime Gilles Huttepain, du groupe LDC. Des contradictions difficiles à gérer pour la profession. Pour cet acteur de la filière avicole, il faut «supprimer les contraintes, que la France et l’UE s’imposent par rapport au reste du monde, notamment sur les farines animales, le Nifursol, les OGM, le bien-être animal…, pour continuer d’avancer».
Cette option de haut niveau de sécurité sanitaire est bien entendu bénéfique pour la société, mais pour que celle-ci soit réelle et que la concurrence ne soit pas faussée, encore faut-il qu’il y est une harmonisation dans l’UE et que les viandes importées respectent les normes européennes. Une réalité mise en doute par la plupart des intervenants de la table ronde. Adolphe Thomas, dans son discours de clôture, demande d’ailleurs «que les règles du jeu soient les mêmes non seulement par rapport aux importations en provenance de pays tiers mais aussi au sein même de l’Union européenne». Comme l’explique Rui Cavaleiro Azavedo, chef d’unité adjoint à la direction de la Santé et Protection des consommateurs, la commission européenne vérifie que les systèmes de contrôles sont bien mis en place dans l’ensemble des Etats membres, mais le contrôle des entreprises est assuré par les autorités nationales. Quant à faire jouer la préférence communautaire en matière d’approvisionnements carnés, Christophe Malvezin, représentant du ministère de l’Agriculture, assure que le message a été entendu par Dominique Bussereau.
Le choix de l’étiquetage garant de la préservation du savoir-faire
Le chantier des matières premières avance. Après l’accord sur les caractéristiques de l’huile de palme, le syndicat en a récemment conclu un autre avec les meuniers sur les issues. Le travail sur l’humidité et les aspects d’hygiène pour les tourteaux se poursuit.
Concernant l’étiquetage des aliments composés, le Snia a obtenu en octobre 2003 la suspension de l’obligation de faire figurer les pourcentages d’incorporation de chaque matière première. Une mesure qui, pour le syndicat, portait atteinte à la propriété intellectuelle des fabricants et des firmes services et qui compromettait donc la recherche en alimentation animale. «Nous sommes aujourd’hui dans l’attente d’une décision du CJCE, seule instance compétente pour statuer sur une directive communautaire» et rien n’est gagné car, pour le ministère de l’Agriculture, les pourcentages permettent de procéder à des retraits ciblés en cas de litige. Si la décision du CJCE allait à l’encontre de la position du Snia, le syndicat inviterait les pouvoirs publics à mener une réflexion sur la préservation du savoir-faire. Il appelle de toute manière à une réforme de l’étiquetage, qui repose aujourd’hui sur une quinzaine de textes anciens et dépassés.
Par ailleurs, si le syndicat souscrit à l’adoption la Loi d’orientation agricole, il regrette l’absence de réforme sur l’intégration. Une notion «indispensable à prendre en compte» compte tenu des relations qui ont été tissées entre fabricants et éleveurs. Pour le transport, il entend obtenir une dérogation permanente pour l’acheminement des aliments composés, au même titre que pour les animaux vivants, la collecte des céréales ou le lait. Il sollicite aussi l’extension du transport à 44 t sur toute la France, comme c’est le cas dans d’autres pays européens.
L’idée d’une représentation unique du métier de l’alimentation animale, qui supposait un rapprochement avec le Syncopac, n’ayant pas pu aboutir, le projet est enterré. Le Snia a alors repensé son organisation. Sous la conduite opérationnelle de Jacques Poulet, délégué général, celle-ci s’articule autour de deux pôles, administratif et technique. Cette nouvelle structure s’attachera à renforcer les relations avec les régions et à moderniser le fonctionnement du syndicat, en communiquant plus avec ses adhérents notamment.