Rouen : la “maritime vallée” à la conquête de l’axe Est/Ouest
Pour s’affranchir des fluctuations des échanges céréaliers, le port entend étoffer son panel de trafics «en s’appuyant sur les filières existantes et mettant le pied sur de nouveaux marchés».
CES CINQ DERNIÈRES années, le port autonome de Rouen s’est concentré sur la consolidation des ses fondations. Après avoir subi «deux chocs céréaliers», comme le rappelle Ghislain de Boissieu, président du conseil d’administration, le port est «sorti du tunnel». Il est parvenu à rétablir ses capacités d’autofinancement (12,4 ME soit 21,8% de son chiffre d’affaires) et à réduire son endettement. Le prochain quinquennat sera alors consacré au développement du trafic et à la diversification des activités du port qui s’est d’ailleurs doté d’une nouvelle signature évocatrice d’eldorado : «port de Rouen, la maritime vallée». Un slogan faisant référence à la vallée de la Seine qui permet de rejoindre, Paris, le cœur de son hinterland.
Avec 5 à 6 Mt par an en moyenne transitant par les silos rouennais, la filière céréalière constitue un «fond de cale» sur lequel le port pourra toujours compter. Mais, faut-il le rappeler, cette activité, dépendant des aléas climatiques, commerciaux, monétaires ou encore politiques, s’avère de plus en plus irrégulière et imprévisible. Elle est notamment à l’origine du repli de 7,6% du tonnage total du port entre 2003 (21,85 Mt) et 2004 (20,20 Mt). L’équipe dirigeante souhaite «se mettre à l’abri de ces fluctuations» du marché céréalier en développant les autres trafics qui représentent déjà 15 Mt par an. Les filières existantes vont être renforcées et l’horizon élargi. En effet, le port, présent depuis des décennies sur les marchés traditionnels Nord/Sud – un quart des échanges sont notamment réalisés avec l’Afrique –, entend désormais prendre part aux échanges Est/Ouest qui connaissent «une croissance exponentielle». Nous devons «participer à la conquête de ce trafic», lance Ghislain de Boissieu, avec, entre autres, la Chine en ligne de mire. Après une phase d’analyse de son positionnement concurrentiel, la place portuaire devrait présenter dès septembre ses axes de diversification et de développement pour la période 2005-2010. Un plan stratégique baptisé «Cap développement» auquel «port autonome, entreprises privées et collectivités locales, sont étroitement associées», insiste Martine Bonny, directrice générale du port autonome depuis le 1er mai 2004.
La diversification en marche
Le trafic maritime hors céréales atteint 14,9 Mt contre 15,3 Mt en 2003. Il accuse donc un recul de 2,3% après plusieurs années de hausses. Un résultat imputable au retrait des vracs hors céréales (-610.000 t), s’expliquant notamment par la baisse des importations de pétrole brut mais surtout par la fermeture, fin 2003, de l’usine de Grande Paroisse. Productrice d’acide phosphorique, elle générait, par ses approvisionnements, un trafic de quelque 320.000 t. Les exportations de pois jaunes et féveroles, avec 0,25 Mt contre 0,35 Mt en 2003, chutent, elles, de 29,4% alors que les expéditions de malt (191.000 t) et sucre (114.000 t) en vrac restent relativement stables.
Les pertes de volumes en vracs solides masquent la progression de 251.000 t des marchandises diverses. Tendance remarquable sur ce segment : le développement des conteneurs maritimes qui gagnent 11,2% (1,17 Mt contre 1,05 Mt), comme le fait remarquer le directeur commercial, Martin Butruille. Un mode de transport désormais également retenu pour les produits alimentaires. «Plusieurs milliers de tonnes» de malt, sucres, orge de brasserie et même blé ont été acheminées par ce biais en particulier vers l’Extrême-Orient et le Maghreb. Et «ce trafic devrait continuer à se développer dans les mois à venir».
Les marchandises non conteneurisées progressent quant à elles de 7,3% par rapport à 2003, «les trafics de produits forestiers et les nouveaux échanges apportés par la ligne transmanche, ouverte en janvier 2004, ayant largement compensé quelques trafics en diminution comme les farines et les sucres (en baisse de 62,7% pour les sacs)». La compétitivité des farines françaises a souffert du prix élevé du blé, lié à la sécheresse, et de la fermeté de l’euro.
La dimension européenne du port se renforce avec 13,4 Mt échangés avec l’ensemble du continent (+4,4% sur un an). Les Pays-Bas (3,2 Mt) constituent ses premiers partenaires.