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Le sorgho en alimentation animale - Quels leviers de développement ?

Si le sorgho est comparable au maïs en termes de qualité nutritionnelle, sa faible disponibilité en France limite son utilisation par les fabricants d’aliments pour animaux. Comment y remédier ?

Consommé par les élevages en Europe, le sorgho est également utilisé en alimentation humaine, et dans les secteurs de l’éthanol, du biogaz et des biomatériaux.
© Arvalis-Institut du végétal

Si l’on regarde les chiffres de FranceAgriMer sur l’utilisation du sorgho par les fabricants d’aliments pour animaux (FAB) en France, il s’avère que la céréale ne représente qu’entre 0,2 % et 1,1 % des matières premières utilisées ces vingt dernières années, soit entre 20 000 t et 118 000 t selon les ans, si l’on fait abstraction du pic exceptionnel de 580 000 t en 2007-2008. Des quantités non significatives face au maïs (de 23,4 % à 37,3 % des céréales incorporées, soit de 2,286 Mt à 4,135 Mt, sur 2002-2022), avec lequel le sorgho est en concurrence dans les formulations.

Pourtant, sur le papier, le sorgho présente un profil nutritionnel intéressant en alimentation animale, quel que soit le débouché : en monogastriques (volailles et porcs) et en ruminants, sans oublier l’oisellerie et la pisciculture.

La raison de la sous-utilisation du sorgho par les FAB réside à la fois par leur méconnaissance de la matière première et la non-disponibilité de cette dernière sur l’ensemble de l’année, et ce, contrairement au maïs dont les caractéristiques nutritionnelles sont proches et les volumes conséquents.

In fine, les leviers de l’essor de l’incorporation du sorgho dans les recettes d’aliments pour animaux résident dans l’information des FAB afin de combattre les idées reçues – « Tous les sorghos ne sont pas riche en tanins ! » – et, en parallèle, dans la formation des agriculteurs aux bonnes pratiques agronomiques : « Le sorgho n’est pas aussi tolérant à la sécheresse que le cactus ! » Car si le sorgho est présenté comme une « plante miracle » dans le contexte actuel de réchauffement climatique (en raison de son moindre besoin en eau et autres intrants), il faut respecter certaines règles de base pour que la céréale développe tout son potentiel, notamment le planter dans un sol moyennement profond à profond. Cependant, pour pérenniser le développement du sorgho en France, il sera nécessaire de créer de véritables filières de production, afin d’en assurer le débouché et la valorisation, quitte à faire appel à des aides gouvernementales.

Des freins qui disparaissent progressivement

Sur le plan technique, il n’y a pas d’obstacle à l’utilisation du sorgho par les FAB, si ce n’est qu’il faut « porter une attention particulière au bon écoulement des graines dans le circuit logistique et à la qualité du broyage, dont la granulométrie impacte la qualité nutritionnelle », explique Amélie Gavard, responsable du service formulation du groupe CCPA, spécialisé en nutrition et santé animales.

« La faible utilisation du sorgho par le secteur de l’alimentation animale en France est liée à une faiblesse des disponibilités plutôt qu’à un manque d’intérêt des fabricants », souligne Valérie Bris, directrice adjointe du pôle animal en charge de la nutrition animale à La Coopération agricole. Un avis partagé par Frédéric Guedj, responsable développement des marchés européens du sorgho du semencier Lidea : « Il est nécessaire d’avoir une production significative et régulière pour sécuriser les disponibilités et ainsi inciter les FAB à introduire le sorgho dans leurs formulations ». Les industriels de la nutrition animale ont de fait besoin de « disposer d’au moins un an de stocks pour éviter de changer la composition des rations en cours de campagne ou en cours du cycle de production de l’animal », explique-t-il. Il faut rappeler que le changement de matière première engendre des coûts logistiques, que les FAB veulent éviter à tout prix. De plus, « dans une logique de rationalisation de leur approvisionnement, les FAB limitent le nombre de matières premières entrant dans les formulations. Dans ce contexte, il est compliqué pour eux de dédier un silo au sorgho, dont les volumes ne sont pas garantis », renchérit Martin Gomez, chargé de promotion à la FNPSMS et animateur à Sorghum ID. Et Aude Carrera, animatrice filière sorgho à Arvalis-Institut du végétal, d’illustrer : « Les FAB se tournent vers le sorgho les années où les disponibilités en maïs sont en retrait ».

Cependant, « l’inscription au catalogue officiel, ces deux dernières années, de variétés de sorgho plus précoces, donc mieux adaptées aux régions septentrionales, vont permettre d’élargir la zone de production du sorgho en France », affirme Martin Gomez. De plus, les surfaces de multiplication en semences de sorgho ont progressé dans le même temps. Ces paramètres vont vers une potentielle augmentation de la production de sorgho en France. Et ce, d’autant plus que les agriculteurs sont partants : le sorgho présente en effet de nombreux avantages en termes d’économie d’intrants (semences, engrais, irrigation, produits phytosanitaires) et d’intérêt agronomique (diversification des assolements, allongement des rotations, structuration et assainissement du sol).

La France, premier producteur et premier exportateur européen de semences de sorgho

- 500 hectares de surface de multiplication

- 1 400 t de semences produites

- 120 agriculteurs multiplicateurs

- 7 sociétés semencières

Source : FNPSMS, mai 2019.

Par ailleurs, « avec le développement des sorghos sans tanin, les freins à l’utilisation de cette céréale par les FAB se lèvent peu à peu », assure Valérie Bris. Les sorghos sans tanin, les seules variétés à être inscrites aux catalogues officiels français et européen, peuvent de fait être utilisés dans les rations d’à peu près toutes les espèces, ce qui n’est pas le cas des variétés avec tanins, principalement importés d’Argentines et de Chine, qui vont être plutôt réservés aux ruminants ou incorporés à des taux d’incorporation limités en monogastriques, en raison de leur moindre digestibilité par les porcs notamment. Un écueil qui « peut être rectifié par un broyage plus fin », affirme cependant Aude Carrera. De plus, le sorgho présente une valeur nutritionnelle similaire au maïs, avec une teneur plus élevée en protéines (+2 à +3 %). « En cette période où les tourteaux de soja, de colza et de tournesol sont chers, l’introduction du sorgho dans les rations permettraient de limiter l’utilisation des tourteaux et ainsi réduire les charges entre 5 % et 8 %, d’où un intérêt économique important », déclare Frédéric Guedj.

La nécessité de structurer des filières porteuses

Reste que le « create the need » – en menant des expérimentations chez les FAB et les éleveurs pour leur prouver l’intérêt du sorgho dans les rations – et le « better knowledge » – en formant les agriculteurs aux bonnes pratiques agronomiques – ne suffiront pas à développer la culture et la transformation du sorgho en France. Une stratégie, menée par Sorghum ID, qui a pourtant facilité l’essor de la céréale en Hongrie, grâce à la présence de holdings agricoles, intégrant tous les acteurs agricoles de la culture à l’élevage.  

Un premier levier de développement du sorgho dans l’Hexagone serait la création d’une cotation officielle à l’échelle française voire européenne, indépendante du cours du maïs et qui reflète son propre écosystème. « En termes de prix de marché, nous n’avons que les prix diffusés ponctuellement par la Dépêche Le petit meunier », indique Martin Gomez. Et Aude Carrera d’ajouter : « Le marché du sorgho manque de visibilité en l’absence de marché à terme en propre ». En France, le cours du sorgho est corrélé à celui du contrat maïs sur Euronext, avec une certaine décote. « Selon les organismes stockeurs, le prix du sorgho est traditionnellement inférieur de 10 à 20 €/t à celui du maïs », détaille Martin Gomez.

Reste que le moyen le plus sûr pour booster le sorgho en France serait de créer des filières pour assurer une juste répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne. « Si le sorgho a un rôle à jouer dans le paysage agricole de demain, les changements sont longs à se mettre en place et il conviendra de construire des filières fortes pour augmenter durablement les surfaces », insiste Julie Toussaint, directrice opérationnelle de Semences de Provence, filiale semencière d’Arterris. Ces créations de filières porteuses seront confortées par « le renforcement des démarches RSE et agroécologique » des industriels et des distributeurs français et par « les incitations financières du gouvernement », à l’image du système d’aides mis en place pour assurer l’essor des protéines végétales, ajoute-t-elle.

 

Arterris et Euralis, précurseurs du sorgho en France

Semences de Provence, la filiale semencière de la coopérative Sud Céréales qui a fusionné en 2017 avec le groupe Arterris, crée dans les années 80 Argence, « la première variété de sorgho grain hybride et sans tanin », rappelle Julie Toussaint, directrice opérationnelle de Semences de Provence.

En 2009, Semences de Provence et Euralis Semences créent Eurosorgho, une joint-venture détenue à parité, afin de mettre en commun leurs efforts de recherche, de sélection variétale et de production de semences de sorgho. L’entité devient le leader européen en la matière.

Lidea, issu du rapprochement en 2020 d’Euralis Semences et de Caussade Semences, a inscrit en 2022 au Catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France sa nouvelle variété Sinaï, « la plus précoce parmi les nouveautés, avec des perspectives fortes de développement dans la moitié nord de la France et en Europe plus largement », selon Frédéric Guedj, responsable développement des marchés européens du sorgho à Lidea.

En 2021, le groupe Arterris a engrangé 36 000 t de sorgho grain, produites par 629 agriculteurs adhérents. Les débouchés sont exclusivement en alimentation animale, avec notamment « 5 000 t à 7 000 t transformées en interne » et « 2 000 t vendues en oisellerie », indique Julie Toussaint. Le groupe Euralis, quant à lui, a collecté, la même année, 8 000 t de sorgho grain, issu de 200 exploitations adhérentes, dont la moitié part en Espagne, pour son élevage porcin en Catalogne et son fameux jambon Serrano. Une autre partie est utilisée par Sanders Euralis. « En 2022, ce sont 1 500 t de sorgho grain qui ont été utilisées pour l’alimentation des volailles et des porcs », précise Frédéric Guedj.

 

 

 

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