Biomasse
L’impact environnemental préoccupe
L’enthousiasme européen, lié au potentiel économique que représente l’exploitation énergétique de la biomasse, n’est pas partagé par tous
LES BIOENERGIES semblent susciter un véritable engouement à l’échelle européenne. En effet, trois mois après s’être fixé un plan d’action biomasse, Bruxelles adoptait, en février 2006, une stratégie communautaire en matière de biocarburants. Et, en mars, c’est un véritable plaidoyer pour une politique énergétique que le sommet européen donnait à entendre. Mais le commissaire à l’Environnement, Stavros Dimas, n’affiche pas un tel enthousiasme. Il souligne notamment les éventuelles conséquences sur les prix des aliments du bétail que pourrait entraîner une compétition entre les plantes fourragères et la production de plantes énergétiques.
Le commissaire à l’Environnement de l’UE tempère l’enthousiasme
Lors du dernier Conseil environnement, qui s’est interrogé sur l’impact environnemental de la politique énergétique et de l’utilisation accrue de biomasse et de biocarburants, Stavros Dimas a affiché sa prudence en la matière. « La production intensive de biomasse peut avoir des impacts négatifs sur l’environnement, par exemple en matière de réchauffement climatique ou de diminution de la biodiversité », a-t-il réaffirmé. Stavros Dimas avait déjà demandé à ses collègues commissaires de prendre davantage en compte les aspects environnementaux dans le plan biomasse et de ne pas compromettre les objectifs de qualité environnementale (air, eau, sol, biodiversité…).
Des États membres méfiants
Lors des discussions ministérielles, plusieurs pays se sont révélés dubitatifs à l’égard de l’utilisation de biocarburants. Si la Pologne considère surtout les impacts environnementaux liés à une production accrue de biocarburants – certaines cultures se révélant « envahissantes » –, la Lituanie a quant à elle souligné les problèmes de distorsion et de concurrence liés aux régimes d’aides différents selon les cultures. La position de Chypre est bien arrêtée : « la production de cultures énergétiques est trop demandeuse en eau », a estimé la délégation de Nicosie, qui s’oppose à leur développement sur son territoire. La Finlande, par contre, soutient totalement un plan très ambitieux proposé par le Conseil énergie début juin, tout comme le Danemark, qui s’est vanté d’avoir déjà un taux de 11 % d’utilisation de la biomasse dans sa consommation énergétique.
Quant à l’Allemagne, elle a d’ores et déjà annoncé qu’elle organiserait une conférence à ce sujet au début de sa présidence européenne, en janvier 2007.
Un potentiel de 190 millions de tonnes équivalent pétrole
À l’occasion de la publication d’un rapport “Quelle quantité de bioénergie l’Europe peut produire sans nuire à l’environnement ?”, le 8 juin dernier, l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) avait également mis en garde Bruxelles contre les conséquences d’une utilisation excessive de la biomasse. Elle y rappelait que son utilisation, mal gérée, pouvait avoir des conséquences désastreuses sur la biodiversité et les ressources naturelles. Dans son rapport, l’AEE calcule le potentiel en bioénergie au sein de l’UE pour les trente prochaines années. « L’Europe pourrait produire 190 Mt équivalent pétrole sans que cela nuise à l’environnement », conclut-elle. « L’UE a les capacités de quadrupler l’utilisation de biomasse dans la production de bioénergies et ainsi d’atteindre l’objectif fixé de 12 % en 2010. Mais il est nécessaire pour cela d’avoir un cadre politique, à l’échelle locale et européenne », insiste-t-elle. D’ici fin 2006, la Commission devra présenter un examen stratégique du domaine de l’énergie, qui traitera des objectifs et actions nécessaires à une politique énergétique à moyen et long termes.