Marché
Les orges brassicoles 2011 donnent du fil à retordre aux malteurs
La filière orge/malt/bière s’adapte pour gérer au mieux les incertitudes croissantes du secteur de la brasserie.

« Il faut apprendre à gérer les incertitudes, car elles ne disparaîtront pas. » Telle est la conclusion de la communication d’Elizaveta Kinsey, présidente de Malteurs de France, sur le thème “Bilan de la récolte d’orges brassicoles 2011, quelles conséquences pour les malteurs”. Son intervention, dans le cadre du 14e colloque “Orges brassicoles 2012” organisé le 7 février à Paris par Arvalis, a permis de toucher du doigt les difficultés croissantes auxquelles sont confrontés les malteurs français afin d’approvisionner en produits de qualité les brasseurs du monde entier. Bien que l’année 2011 soit qualifiée d’atypique par les agronomes, c’est un avant-goût de ce que nous concocte l’avenir en matière de variabilité. Incertitudes climatiques, économiques et sociétales... le monde bouge et la filière orge-malt-bière française doit évoluer, au risque de perdre sa suprématie. Faut-il le rappeler ? Quatre malteurs français sont parmi les cinq premiers mondiaux. Et 78 % du malt français, soit plus d’un million de tonnes, ont été exportés à travers le globe en 2010.
Une baisse de l’énergie germinative
L’année climatique 2011, avec son printemps chaud et sec, a été exceptionnelle, avec à la clef une quantité et une qualité d’orges décevantes. Les malteurs ont alors été confrontés à de multiples problèmes. Une dormance longue a obligé les industriels à utiliser leurs stocks d’orges 2010 –réservés en temps normal aux mélanges– en attendant que les grains 2011 soient maltables. Des taux de protéines élévés en variétés de printemps ont conduit à une augmentation du temps de maltage, d’où une réduction des capacités de production et un accroissement des coûts. La baisse de l’énergie germinative, en impactant directement l’activité enzymatique et l’extrait soluble du malt, est à l’origine de pertes de production et d’une hausse des coûts. « On en souffre sérieusement maintenant, ce qui n’était pas forcément détectable en début de campagne », se plaint la présidente de Malteurs de France. Ce dernier problème serait lié au développement de verdillons en fin de cycle. Des repousses qui ont généré une hétérogénéité des lots, avec des grains plus humides et moins mâtures.
Dans ce contexte, les malteurs ont dû s’adapter. A défaut de pouvoir modifier les cahiers des charges clients « ce qui n’est pas facile mais nécessaire », indique Elizaveta Kinsey, les malteurs ont adapté les recettes de maltage pour les respecter. Une gestion rigoureuse de l’approvisionnement a également été nécessaire car « il faut une orge de qualité pour fabriquer un malt de qualité », rappelle la présidente de Malteurs de France. Ainsi ces derniers ont-ils remplacé les orges de printemps par des orges d’hiver dans leurs process. Cependant, « cette substitution bien que possible doit être mesurée, car elle entraîne une variabilité fonctionnelle et organoleptique », explique-t-elle. D’où le recours indispensable cette année, « fait exceptionnel », à d’autres origines y compris lointaines. « Ce serait 500.000 t d’orges argentines qui seraient importées (en grande partie dédouanées sur le Nord-UE, NDLR), sans oublier de possibles cargaisons de grains australiens », indique Elizaveta Kinsey.
Un essor de la demande asiatique
Si la météo en 2011 a été atypique, Jean-Charles Deswartes d’Arvalis relève que, le réchauffement climatique aidant, « les prévisions pour le futur proche font apparaître des contraintes hydriques et thermiques en hausse », source de variabilité accrue de l’approvisionnement. En outre, les malteurs sont confrontés à une forte évolution de la consommation mondiale de bière, qui progresse globalement de 3,2 % en 2010 par rapport à 2009. Sa production se développe dans les pays émergents, véritable moteur du marché, avec des goûts complètement différents par rapport au berceau brassicole que sont les pays développés. « L’Asie est le champion de la “non-utilisation” de malt car la population locale préfère des bières plus légères, explique Elizaveta Kinsey. Ainsi la Chine n’utilise que 6 à 7 kilogrammes de malt par hectolitre de bière, contre 16 à 17 kg/hl en Allemagne. »
Les variétés au cœur de la stratégie
Afin d’adapter au mieux les variétés aux exigences des producteurs, des transformateurs et des consommateurs, la filière s’organise. L’Aide à la création variétale d’orge de brasserie 6 rangs Hiver, créée en 2007/2008, porte ses fruits avec une remontée significative des inscriptions en orge brassicole, par rapport aux fourragères. Par ailleurs, afin « d’intégrer ce qui va compter dans les dix prochaines années », une nouvelle version de la Charte de production Arvalis/Irtac va voir le jour en 2012. Pour finir, une nouvelle grille d’évaluation des variétés recommandées a été mise en place pour clarifier les attentes des malteurs et des brasseurs.