Biodiesel
Les esters à base d’huiles usagées et animales plombent le marché français
En 2011, la production française de Diester a chuté de 500.000 tonnes. Mais elle devrait se redresser cette année.

En 2011, la production française de biodiesel a accusé une baisse de 500.000 t, en raison de l’application d’une directive européenne autorisant l’utilisation d’esters méthyliques d’huile usagée (EMHU) ou d’huile animale (EMHA), en remplacement des esters méthyliques d’huile végétale (EMHV). Pire, la loi française n°2009-1674, qui a modifié l’article 266 quindecies du code des douanes, prévoit que les EMHA incorporés au gazole ou au fuel domestique soient pris en compte « pour le double de leur valeur réelle en pouvoir calorifique inférieur », selon les termes du texte législatif. C’est ce que les professionnels appellent le “double comptage”. Autre contrainte européenne pesant sur le biodiesel, celle de la durabilité des graines oléagineuses.
Un marché plus optimiste pour 2012
Lors d’une réunion régionale de Proléa, le 11 avril dernier à Angers, Bernard Nicol,
directeur général de Diester Industrie, dénonçait déjà le double comptage des huiles animales ou usagées dans les taux d’incorporations de biodiesel en France, en remplacement des huiles végétales. Selon lui, « les pétroliers se sont engouffrés dans cette brèche ». D’ailleurs, depuis 2009, et l’entrée en vigueur du double comptage, la France aurait importé 300.000 t de suif (graisse animale) et d’huiles usagées, selon Bernard Nicol. Pour lui, ces importations concurrencent directement les esters végétaux français en remplaçant 600 à 700.000 t d’huiles végétales dans les incorporations en biodiesel. «Cette pratique met en danger les sites de production de Diester en France » selon Bernard Nicol. Un avis partagé par Thibaut Dumans de la société Saipol lors des Journées Matières premières organisées par l’Aftaa en décembre, qui met sur le compte du double comptage la chute de production du biodiesel en France de 1,9 Mt en 2010 à 1,4 Mt en 2011. Cependant, il estime que le volume de Diester fabriqué en 2012 devrait remonter à 1,8 Mt à la faveur d’une modification de cette mesure, qui instaure une limite au double comptage des quantités d’EMHA. « Seulement la moitié des agréments défiscalisés peuvent être comptés double au titre de la minoration de la TGAP sur les carburants », selon la circulaire du 15 mars 2011.
Le problème de la durabilité des graines
« L’Allemagne est très avancée sur cette directive européenne qui demande des certificats de durabilité des graines, indique Thibaut Dumans. Mais le marché français qui s’en est passé en 2011 devra l’année prochaine réellement utiliser de l’huile durable. » Conséquence : l’Hexagone, qui transformait 75 % d’huile de colza pour 20 % d’huile de soja, sera forcée en 2012 d’utiliser moins d’huile de soja au profit de l’huile de colza, facilement traçable à l’échelle européenne. Voire de l’huile de tournesol, dont les disponiblités en graines s’étoffent au détriment du colza au niveau européen (cf. n°3928/3929 page 12).
« Aujourd’hui, la filière du biodiesel en France n’a pas à s’inquiéter, car elle est globalement rentable malgré la baisse progressive de la défiscalisation », considère le représentant de Saipol. « Mais si l’on assistait à un arrêt définitif de cette défiscalisation, cela remettrait en question la rentabilité de la production de biodiesel en France », s’alarme Thibaut Dumans.