Transition écologique et énergétique
Les transporteurs routiers dénoncent le potentiel retour d'une écotaxe régionale
Si les régions Île-de-France, Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté approuvent cette proposition du projet de loi Climat et résilience, les professionnels du transport routier de marchandises s’insurgent.
Si les régions Île-de-France, Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté approuvent cette proposition du projet de loi Climat et résilience, les professionnels du transport routier de marchandises s’insurgent.
Dans le cadre des débats parlementaires sur le projet de loi Climat et résilience, les députés ont donné leur aval en commission à la mise en place éventuelle d'une « contribution spécifique » pour le transport routier de marchandises dans les régions qui le souhaitent, une mesure décriée qui rappelle l'écotaxe abandonnée en 2014. « L'objectif est de favoriser le transport des marchandises par des moyens moins émetteurs de gaz à effet de serre (ferroviaire, fluvial...) », précise l'exposé des motifs du projet de loi. « L'échelle régionale est tout à fait adaptée » et la contribution toucherait « l'ensemble des camions, à la fois les camions français mais surtout les camions étrangers », a souligné le co-rapporteur Jean-Marc Zulesi, selon l’AFP.
"Contribution spécifique", une écotaxe déguisée
« Une écotaxe, qu’elle soit nationale ou régionale, n’est pas un levier pour effectuer du report modal car il y a d’autres challenges à dépasser, comme l’accès au fer ou à la voie d’eau. Développer la multimodalité passe par la relance du transport ferroviaire et fluvial. C’est un ensemble », déclare Valérie Cornet-Ambroise, déléguée aux transports terrestres routier-ferroviaire-fluvial de l’AUTF (Association des utilisateurs du transport du fret).
Un avis partagé par la FNTR (Fédération nationale des transports routiers), l’OTRE (Organisation des transporteurs routiers européens) et TLF (Transport et Logistique de France), qui affirment, dans un communiqué commun, qu’« il n’existe pas de corrélation entre la hausse de la fiscalité du secteur et un éventuel report modal vers des modes de fret alternatifs ».
Et d’expliquer : « Alors que la fiscalité du transport routier de marchandises n’a cessé d’augmenter ces trente dernières années, sa part modale n’a jamais été aussi élevée passant de 67 % en 1985 à 89 % aujourd’hui, pour seulement 6 % des émissions de CO2 ».
Par ailleurs, toute écotaxe régionale va « créer des distorsions de concurrence entre territoires, avec un possible report de trafic routier dans les régions limitrophes, difficilement quantifiable », ajoute Valérie Cornet-Ambroise. La FNTR approuve, considérant que la mesure « pénalise en tout premier lieu les entreprises locales et donc l'activité de la région concernée », sachant que les deux tiers du transport routier en France se fait sur moins de 150 km. Ainsi, « si écotaxe régionale il y a, pourrait-on imaginer un mécanisme qui viserait certains flux (comme les camions en transit), à l’exclusion d’autres (tels les transporteurs routiers de proximité) », s’interroge Valérie Cornet-Ambroise, qui ajoute : « Pourquoi taxer le seul fret de marchandises et pas les véhicules des particuliers ? Quand on parle des externalités du transport routier, comme l’émission de particules polluantes, il faut considérer le trafic dans sa globalité. »
Et quid de la répercussion de cette taxe sur les coûts de transport ? « Nous serons vigilants à ce qu’elle soit équitablement répartie entre tous les maillons de la filière », assure la déléguée de l’AUTF. La FNTR conteste l'argument du « pollueur payeur », le transporteur n'étant qu'un maillon de la chaîne logistique. « Créer des écotaxes, c'est également faire payer plus cher le consommateur final et il faut que nos Politiques soient honnêtes là-dessus. Les entreprises devront répercuter cette hausse au consommateur », insiste l’organisation professionnelle.
Soutenir le verdissement de la flotte
Par ailleurs, il faudra s’assurer du bon fléchage de cette ressource financière, qui « ne devra pas servir à investir dans des infrastructures routières régionales, ce qui représenterait un certain paradoxe », alerte Valérie Cornet-Ambroise. Dans un objectif de diminution des émissions de CO2, cette manne financière devrait plutôt permettre d'aider au verdissement des flottes de camions.
Un groupe de travail, piloté par le ministère de la Transition écologique, chargé des Transports, détermine les besoins des transporteurs/chargeurs, d’un côté, et l’offre des fabricants d’automobiles, de l’autre. « Le challenge pour les constructeurs est de passer d’un prototype à une production industrielle à un coût abordable pour les utilisateurs, avec en toile de fond la problématique de l’avitaillement », résume la déléguée de l’AUTF. Pour l’OTRE, la transition énergétique passera par « un transport routier vert, au parc renouvelé par un soutien public fort et un engagement réel des constructeurs autant que des énergéticiens à proposer une véritable offre de motorisation alternative répondant à tous les usages de la diversité des transports et économiquement viable ».
A ce dilemme, il faut ajouter « un problème de calendrier entre les ambitions gouvernementales et les avancées technologiques, concernant les biocarburants, le gaz et les véhicules électriques », souligne Valérie Cornet-Ambroise. « La disponibilité industrielle et l’accessibilité économique de véhicules alternatifs ne permettra pas le remplacement de 600 000 véhicules en dix ans », confirme, dans un communiqué commun, la FNTR, l’OTRE et TLF.