Meunerie / Boulangerie
Le Label Rouge, un moteur d’amélioration continue de la qualité
Fabriquer Bagatelle Label Rouge impose une rigueur supplémentaire aux différents maillons de la filière. Le travail de chacun s’en trouve optimisé.
Bagatelle, seule baguette Label Rouge française, fêtera ses dix ans en juin. Sa fabrication impose une rigueur de travail chez le boulanger, mais aussi chez le meunier. Avec ce produit, « nous avons introduit le contrôle qualité dans les fournils des artisans », résume Yvon Foricher, directeur du Moulin des Gaults à l’origine de cette démarche en avance sur son temps.
Tabler sur le haut de gamme pour résister
« Tant qu’il y aura des artisans boulangers, les meuniers indépendants, espèce en voie de disparition, pourront encore exister », lance Yvon Foricher, à la tête d’un moulin écrasant 800 q/j et employant 35 personnes. Or ce chef d’entreprise en est convaincu : « Si les artisans, qui détiennent encore les deux tiers du marché, veulent perdurer, ils doivent faire le choix du haut de gamme. Et mon objectif est que mon client soit le meilleur de son quartier. C’est le seul moyen de s’en sortir ! » Car s’il y a de moins en moins de moulins, « la concurrence n’a jamais été aussi féroce. Il faut donc quelque chose que les autres n’ont pas. » La résultante de ces convictions s’est concrétisée par la naissance, en 2002, de Bagatelle, baguette sous Label Rouge, signe officiel de qualité délivré par l’Etat. Cette tradition française est élaborée à partir d’une farine du même nom, elle aussi labellisée, et issue de blés CRC certifiés (cf. n°3934).
« En dix ans, il y a eu des passages à vide car les boulangers vivaient le cahier des charges comme une contrainte », confie Yvon Foricher. Le travail de l’artisan pour réaliser la baguette Bagatelle doit en effet, lui aussi, être certifié conforme au cahier des charges, établi par le groupement du Club Le Boulanger, dénommé par l’Inao, ODG (Organisme de défense et de gestion du produit). Sa labellisation suppose en premier lieu le respect d’un procédé de fabrication exigeant avec un pétrissage lent, l’ajout de levain, un pointage long et une cuisson sur sole. Le résultat visuel doit être immuable : cinq coups de lame, 50 à 55 cm, une mie nacrée et grasse, et une croûte blonde à brune. « Celle-ci doit être fine et croustillante, et non épaisse et dure, comme le redoutent de nombreux consommateurs qui demandent alors des pains pas trop cuits », souligne Muriel Métral, responsable qualité du Club Le Boulanger. Mais l’artisan est aussi tenu de mettre en place des procédures qualité (contrôles, pesées, archivage, etc). « Les boulangers ont eu du mal à s’approprier le projet et les commerciaux des meuniers ont alors parfois baissé les bras. Je me suis même pris à ne plus y croire, me laissant persuader que c’était une démarche élitiste. Mais c’est faux ! Elle est à la portée de la majorité des boulangers », assure Yvon Foricher, également président de l’ODG.
Huit millions de Bagatelle en 2011
« Les artisans n’étaient pas prêts. Mais les mécanismes sont maintenant acquis et, depuis deux ans la dynamique est relancée », se réjouit le président du Moulin des Gaults. Celui-ci compte 60 clients labellisés, sur 135 pour l’ensemble de la France. En 2011, 8 millions de baguettes Label Rouge ont ainsi été confectionnées dans l’Hexagone, ce qui représente 16.000 quintaux de farine Bagatelle fournie par l’un des 10 meuniers la fabriquant. S’il n’y a pas de recommandation, avec un prix moyen de vente d’1€ en 2011, l’expérience montre une surcote de 5 à 10 cts par rapport à une tradition standard. Mettre en place une procédure qualité a un coût, en temps passé mais aussi lié à la cotisation à l’ODG. Celui-ci assure la valorisation et la défense du produit ainsi qu’un accompagnement et un contrôle des professionnels. « Les boulangers payent le droit de se faire engueuler pour aller vers l’excellence, plaisante Yvon Foricher. Nous avions donc une obligation de résultat : notre client doit vendre plus. Et c’est le cas. » Car la rigueur qu’il instaure pour la réalisation de son pain Label Rouge est transposée aux autres produits, « ce qui améliore la qualité de l’ensemble de son travail. Nous l’incitons aussi à resserrer ses gammes et à mener une réflexion sur ses tarifs ». Et l’essor des ventes du boulanger fait vite le buzz dans son environnement professionnel. Résultat : « Maintenant, des artisans nous sollicitent d’eux-mêmes.»
« La labellisation a été dure à obtenir pour nous aussi », se remémore Yvon Foricher. Pourtant, « j’ai toujours eu l’impression de faire la meilleure farine, s’amuse-t-il. Mais je n’étais pas capable de le prouver. Je pensais tout bien faire. Et bien à sa première visite, l’auditeur de l’organisme certificateur Certipaq est reparti au bout de cinq minutes. Il n’est revenu qu’un an et demi plus tard, lorsque nous étions prêts. » La démarche Label Rouge « nécessite une remise en question perpétuelle de son travail », témoigne Pierre Debetz, chef meunier du Moulin des Gaults. Et cela se solde par une amélioration continue. La baguette Bagatelle Label Rouge doit notamment avoir toujours le même niveau de qualité. Cela demande une réflexion importante sur les variétés à l’intercampagne, pour le choix et l’ajustement des diagrammes. Ces efforts « tirent également la qualité du pain courant vers le haut ». D’autant que la farine Bagatelle Label Rouge, disponible en T65 et T45, est aussi utilisée par plus de 1.000 clients non labellisés. En 2011, les ventes de cette farine ont atteint 20.000 t au niveau national.