Développement durable
Le développement durable vecteur d’économies
Le développement durable, déjà bien intégré par les malteurs, commence à mobiliser les industriels de la première transformation. La nutrition animale lance notamment une mission sur le sujet
LES INDUSTRIES céréalières mènent des réflexions autour du développement durable (DD). La plupart des fédérations n’en sont qu’à l’étape de défrichage. Elles cherchent dans un premier temps à établir un point zéro en commençant par définir le bilan carbone de leurs activités. Le Groupe Soufflet s’est lancé, en compte propre, dans la démarche : « Cette évaluation nous permet d’analyser les sources d’émissions, de chercher des pistes de réduction et de sensibiliser le personnel aux améliorations », témoigne Paul Wakim, directeur industriel de la division Malterie, aux sites déjà certifiés Iso 14001. Le secteur, important consommateur d’eau et d’énergie, fait figure de pionnier en la matière. D’autant que la profession investit encore dans de nouveaux sites : Soufflet construit notamment deux usines, une dans l’Aube, l’autre en Roumanie. « Nous incluons dès la conception les moyens de maîtrise et de prévention de la pollution et la recherche d'impacts environnementaux minimisés. » La nutrition animale, elle aussi gourmande en énergie et gérant une multitude de matières premières, prend aussi le taureau par les cornes : le secteur vient de créer une mission technique DD, « pour mutualiser les travaux, compte tenu de la complexité et de la multiplicité des enjeux », commente Fabrice Putier de Tecaliman (Centre technique de l’alimentation animale). Ce centre s’intéressera aux composantes techniques. Le conseil scientifique du Snia et de Coop de France nutrition animale travaillera sur les matières premières et la formulation. « Nous ressentons une volonté générale de s'engager », témoigne Fabrice Putier, qui assure recevoir « beaucoup d'appels de sociétés voulant se lancer. »
Se doter d'indicateurs intelligibles
« Il convient avant tout d'identifier les indicateurs pertinents et parlants, et ce, pour chacun des interlocuteurs, des producteurs aux consommateurs en passant par les techniciens », estime Fabrice Putier. « Il faudra ensuite définir les méthodologies de mesure et inventer un dictionnaire de traduction d’un référentiel à l’autre. » Cela permettra, par exemple, de traduire le bilan CO 2 retenu par les autorités en données exploitables sur le terrain.
Sur cette base, les industriels pourront s'évaluer les uns par rapport aux autres. « Mesurer et comparer est un levier de base du DD », assure le représentant de Tecaliman. C'est d'ailleurs sur cette logique que reposent les travaux du Club énergie. Créée il y a plus de 20 ans, l'association a mis en place des indicateurs énergétiques permettant aux usines adhérentes, « de plus en plus nombreuses », de situer leur efficacité. « L’optimisation des débits et des temps de travail à vide des broyeurs – qui tournent en continu – permet par exemple de faire des économies d’énergie. » Or, la réduction des dépenses énergétiques, loin d’être le seul levier, compte parmi les moyens de préservation de l'environnement, un des piliers du DD. Pour les malteurs, l’enjeu est de taille : l’énergie, utilisée pour la germination puis le touraillage, représenterait environ 1/3 des coûts de production. Chez Malteurop, la consommation de l’ensemble des usines du groupe, impliqué dans le DD, représenterait « l’équivalent d’une ville de 110.000 habitants » ! Les intervenants du secteur ont donc engagé une réflexion systématique sur les économies d’énergie. Matériel à haut rendement, maintenance rigoureuse, suivi pointu… permettent de minimiser les dépenses, selon le responsable des malteries Soufflet. D’autres pistes ? Le recours à des pompes à chaleur ou à la cogénération qui s'oriente même vers la mobilisation de la biomasse (paille et bois), poursuit-il, ajoutant : « la réduction de la consommation énergétique dans nos usines a toujours été un axe de progrès prioritaire. Avec des ressources de plus en plus chères, la maîtrise de ce poste est plus que jamais un axe de développement industriel au service de l’environnement. » Le gain ? « Une baisse de consommation de 13 % depuis 2002. Et, dans une démarche d’amélioration continue, nous poursuivons nos actions. »
Minimiser les rejets
Autre élément écologique à prendre en compte : les rejets. Moulins, malteries et usines d’aliments en génèrent peu. Et, comme le rappelle Fabrice Putier, les Fab « utilisent même ceux des autres. »Mais « un problème se pose : à qui attribuer le bilan carbone des coproduits ? » Cette industrie a cependant aussi un impact sur l'environnement au travers de l’élevage. « Beaucoup de progrès ont été réalisés » par la fourniture « au plus juste des apports alimentaires aux besoins des animaux », explique Stéphane Radet, directeur du Snia. La malterie est en revanche une importante consommatrice d’eau, pour la trempe et la germination. Les industriels cherchent là aussi une optimisation des flux et multiplient les autocontrôles. Le recyclage de l’eau de trempe et la réduction du nombre de bains sont également à l’étude. Par ailleurs, les malteurs équipent leurs usines de stations d’épuration et plébiscitent, en amont, les variétés sobres en eau. « Nos actions se sont traduites par une baisse de consommation de 3 % par an depuis les trois derniers exercices », se réjouit le directeur industriel de la division Malterie de Soufflet.
Mais attention, le développement durable n’est pas qu'une question environnementale. La composante sociétale est aussi primordiale. Cette notion pourrait comme les autres critères jouer sur les choix des matières premières, en particulier en alimentation animale. « Deux soja au même prix et émissions de CO 2 semblables pourraient se différencier par leur impact sur le tissu social local » , illustre Fabrice Putier. Et celui-ci n'exclue pas qu'à terme, un critère DD soit pris en compte lors de la formulation des aliments. Mais il reste du chemin à parcourir…