Moulins Fouché
La liberté donne des ailes
Après avoir repris son indépendance d’un groupe meunier, l’entreprise essonnoise a cherché à se construire une identité propre et à convaincre ses clients de la suivre dans cette aventure en solo. Pari réussi.




Dernière minoterie artisanale d’Essonne, les Moulins Fouché vivent un nouveau départ : Marc, 5e génération de meuniers, a pris en 2011 la décision de quitter Banette. « Nous faisions partie des 40 moulins familiaux de sa création. Nous n’étions plus qu’une dizaine, dont de grands groupes, au moment de notre départ. Nous pesions moins dans les décisions stratégiques et le groupement ne correspondait plus à notre esprit familial », commente le dirigeant, aux commandes depuis 1985. « Certains pensaient que ce choix condamnerait notre moulin. Or nous sommes parvenus à sortir du moule. Et nous avons conservé nos clients ! » C’est Vincent, son fils, qui manage la partie commerciale et marketing. « Nous n’avions pas d’image de marque, sinon celle de faire de bonnes farines, et nous prospections peu. Cette décision nous a donné un coup de fouet ! Nous avons dû aller au combat. »
Une image à forger
En six mois, le meunier de La Ferté-Alais a dû gagner en visibilité et se construire une identité. « Cela passe par de beaux camions et de beaux sacs de farine, très colorés, pour se faire voir, reconnaître et marquer la montée en gamme. » Sacherie, PLV, farines spéciales… ont été revisitées aux armes du moulin. L’équipe a aussi développé ses propres améliorants. « Contrairement à des produits vendus sur toute la France, ils correspondent aux besoins précis de nos farines », défend Marc Fouché. La société a aussi « investi sur les hommes » : en cinq ans, les effectifs sont passés de 20 à 35 employés. Les commerciaux ont été formés aux goûts des produits et associés à l’élaboration des nouvelles références. « Ils ont aussi appris à souligner la dimension humaine de notre moulin. Nous ne sommes pas que des vendeurs de farine, nous devons apporter autre chose. » Fouché cultive ainsi la proximité avec la clientèle : « Chez nous, on ne demande pas le code du client, mais on a toujours un petit mot pour le dernier né, image le patron. Et, les chauffeurs, toujours affectés à la même tournée, connaissent les habitudes de chaque boulanger. » Au-delà, « le moulin doit être l’endroit où l’on se retrouve », estime Vincent Fouché. De « brainstormings, générant les idées les plus loufoques », est par exemple né le stage Récup’, « pour des recettes anti-gaspi, sortant du croissant aux amandes ». Pain perdu façon Kouignaman, chutes de pâte à croissant customisées en mignardises, pains spéciaux valorisés en tartines… De quoi « permettre aux artisans d’être le plus compétitifs possible ».
Les Moulins Fouché se concentrent exclusivement sur les artisans et comptent plus de 300 clients en île-de-France. « Pour 90 %, nous sommes le fournisseur exclusif. Pourtant, ils restent libres, comme nous le sommes aujourd’hui », souligne Vincent Fouché. Malgré l’arrêt d’un contrat avec une enseigne de grande distribution, en 2012, le meunier est parvenu à maintenir son CA au-dessus des 9 M€, pour 185.000 q de blé écrasés. Avec les pieds dans le blé, l’approvisionnement ne s’étend pas au-delà de 50 km. Une proximité mise en avant : des affiches en boutique « valorisent notre terroir et notre travail en filière très courte ». Dans cette logique, l’entreprise propose des produits labellisés Saveurs Ile-de-France.
Précision des dosages
« Nous ne mélangeons pas les blés, mais les farines. Nous stockons les moutures réalisées sur les mélanges livrés par les organismes stockeurs et des variétés pures. Puis les farines sont assemblées. Cela permet de corriger les produits jusqu’au dernier moment et apporte plus de précision dans les dosages. La qualité des farines livrées est plus stable », assure le professionnel. Toutes les bases sont panifiées, et, « s’il y a la moindre variation, on change les dosages ». Côté technique, le débit du moulin, multiplié par trois, en 1990 après des travaux, est de 1.200 q/j. L’outil tourne aujourd’hui 16 h/j, 5 j/semaine et est donc calibré pour une progression des tonnages. Or, si la société cantonne sa prospection à une zone allant du nord de la Loire à l’Oise, celle-ci offre un « potentiel de 5.000 boulangers » !