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Guerre en Ukraine – La Tunisie, le Liban et l’Afrique subsaharienne risquent de manquer de blé !

La 13ème matinée export organisée par Intercéréales le 23 mars a fait le point sur les conséquences de la guerre en Ukraine sur divers pays importateurs. La France pourrait augmenter ses exportations vers des clients traditionnels de l’Ukraine et de la Russie.

La guerre en Ukraine qui a débuté le 24 février 2022 et déclenché une flambée des prix du blé tendre (entre autres), va affecter les pays importateurs différemment. Selon les intervenants de la 13ème matinée export organisée par Intercéréales le 23 mars à Paris, la Tunisie, le Liban et l’Afrique subsaharienne font partie des principales régions du globe menacées par une pénurie de blé. Des pays comme la Chine, l’Arabie Saoudite, le Maroc ou encore l’Algérie devraient s’en sortir.

 

 

La Tunisie dépendante à 50-70% du blé ukrainien !

La Tunisie est très dépendante des importations, rappelle Yann Lebeau, responsable du bureau de Casablanca d’Intercéréales. Le pays ne produit que « 200 000 t par an de blé tendre, et doit en importer 1,2 Mt. Problème : les Tunisiens dépendent à 50%-70% de l’Ukraine. La France représente 0 à 10% des approvisionnements, tout comme la Russie », souligne-t-il. Les finances du pays sont exsangues, rendant difficile le paiement des importations de céréales. Preuve en est : « 15 à 20 bateaux sont bloqués dans les ports locaux. Le plus petit exportateur doit payer 1 M€ de surestaries, et le plus gros proche des 4 ou 5 M€ (…) L’état a du mal à ouvrir ses lettres de crédit », alerte l’expert.

Les autorités locales ont expliqué les besoins étaient couverts jusqu’à la fin de la campagne 2021/2022, mais les livraisons pourront-elles réellement être honorées ? L’état réglemente certes les prix du pain et de la farine, « mais le climat social s’avère inquiétant actuellement : on commence à manquer de farine dans certaines zones, chez certains épiciers, et des boulangeries ont fermé… », prévient Yann Lebeau.

Malgré un climat plutôt favorable aux cultures, l’expert estime que la Tunisie devra importer en 2022 des quantités semblables à celles de 2021 : 1,1 Mt de blé tendre, 1,1 Mt de blé tendre, 0,6 Mt de blé dur, 1 Mt de maïs, et 0,6 Mt d’orge. La France peut potentiellement se positionner davantage, mais le client aura-t-il les moyens de payer ?

 

Pas de stock, crise économique au Liban…

Le Liban est également dans une situation très inconfortable. Le pays a subi une crise économique, et a vu ses capacités de stockages fortement réduites avec l’explosion au port de Beyrouth. Les achats de blés se réalisent via le secteur privé, et « 60% des importations proviennent de l’Ukraine », complète Roland Guiragossian, responsable du bureau du Caire d’Intercéréales.

Le Liban applique un système de soutien particulier au bénéfice des importateurs privés : « un importateur changera son dollar contre 1 500 livres libanaises, alors que le taux réel est de 30 000 livres, leur permettant de rendre le coût de l’importation bien plus bas », détaille le spécialiste du bureau du Caire.

Problème : la crise économique met à mal ce système de soutien, la guerre en Ukraine empêche les livraisons de blé, alors que les stocks libanais sont au plus bas, rapporte Roland Guiragossian. Cela pourrait inciter le pays à lancer son premier appel d’offres depuis 2008, à hauteur de 50 000 t/mois, « qui devrait intervenir bientôt ».

 

Des moulins ferment en Afrique Subsaharienne…

En Afrique Subsaharienne, « les pays ont mis en place un système réglementé de prix de la farine et du pain (prix maximum). Mais la flambée des prix de la matière première met à mal ce système, pénalisant les marges des meuniers et des boulangers locaux, et les états n’ont guère de réserves financières, et ne veulent pas modifier le système de réglementation des prix (…) Que va-t-il se passer en mai 2022 ? Des moulins vont devoir fermer, au moins temporairement, surtout si l’état ne vient pas à leur secours. Au Mali par exemple, 3 des 6 principaux moulins du pays ont d’ores et déjà cessé de fonctionner », s’inquiète Yann Lebeau. Ce dernier précise que les états du secteur disposent, au maximum, d’un mois et demi de stocks de blé.

La Russie s’est bien implantée dans la région (représentant 35 à 40% des approvisionnements de blé tendre, comme la France. L’Ukraine représente 5% des fournitures), la consommation de blé augmente, alors que les capacités de production sont très faibles. Ainsi, Yann Lebeau estime les besoins d’importations lors de la campagne 2022/2023 à 13 Mt, laissant de la place pour l’origine hexagonale. Mais dans quel état seront les finances des pays de la zone ? Quid des meuniers ?

 

Vers une hausse des prix du riz ?

L’expert du bureau de Casablanca tient tout de même à tempérer la situation africaine. Les populations peuvent se reporter sur d’autres aliments, produits localement : riz, plantain, manioc… Malheureusement, « la hausse des prix du blé peut être suivie d’une hausse des prix du riz… ».

Bien entendu, la liste des pays pouvant potentiellement souffrir de pénuries de blé n’est pas exhaustive. On peut ajouter le Yémen et le Soudan, pays souffrant de graves crises humanitaire et financière. Le premier importe environ 30% de son blé depuis l’Ukraine, précise Roland Guiragossian.

D’autres pays importateurs, comme la Chine, l’Algérie, l’Arabie Saoudite, ou encore le Maroc, ne devraient pas connaître de pénurie de blé, expliquent les experts. Certains d’entre eux bénéficient de la rente pétrolière (Algérie, Arabie Saoudite), et d’autres ont d’importantes capacités financières et de stocks de grains (Chine, Algérie). « Les autorités algériennes ont déclaré disposer de stocks de blé tendre jusqu’à fin août 2022 et de blé dur jusqu’à décembre 2022 », complète Roland Guiragossian.

Au Maroc, qui dépend à hauteur de 30% du blé tendre ukrainien, « le secteur privé est mature, et l’état gère plutôt bien les importations. La principale inquiétude est en revanche la sécheresse historique que subit le pays, affectant notamment les cultures fourragères », soulève Yann Lebeau. Il ajoute que le pays dispose de 5 mois de réserves de blé, et a pour habitude de diversifier les origines.

L’Égypte est très dépendante de l’Ukraine et de la Russie, qui représentent 75% des achats du Gasc, et 90% des achats du privé. Mais l’état intervient massivement dans le secteur agricole et s’adapte, et prévoit une hausse de la production locale de blé, passant de 3,6 Mt à 6 Mt en 2022. « L’état égyptien s’adapte, et promet de payer les agriculteurs beaucoup plus rapidement, tente de relancer la culture de blé sur de nouvelles superficies », explique Roland Guiragossian.

L’Hexagone aura donc des débouchés pour la fin de la présente campagne, au détriment de l’Ukraine et de la Russie. Mais est-ce que tous les pays pourront payer ?

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