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Bioénergies
Essor indispensable des biocarburants

Tandis que la campagne présidentielle se recentrait sur le débat du nucléaire, pétroliers, ONG et syndicats agricoles relançaient la question du bioéthanol.

« La manière de penser l’énergie a été profondément modifiée par Fukushima », a rappelé en guise d’introduction à la deuxième rencontre du Bioéthanol mercredi 16 novembre, Patrice Geoffron, professeur d’économie à l’université Paris Dauphine. « Le printemps arabe nous a également rappelé à quel point le monde du pétrole est géopolitique. Tout ce qui peut conduire à réduire nos importations contribue à notre sécurité énergétique », a-t-il tenu à préciser. Et bien évidemment, dans un souci de glissement des énergies fossiles vers les énergies renouvelables tous les discours se sont tournés vers la bioénergie. « La biomasse est, et restera de loin la première source énergétique renouvelable, loin au-dessus de l’hydroélectricité par exemple », a précisé Patrice Geoffron. Et, effectivement, l’enjeu est de taille. Selon Pierre Siquier, président de la Fondation pour la nature et l’homme, « en France nous ne consommons que 8.000 kw/h par personne, alors qu’aux États-Unis on en consomme 14.000. En Chine on n’en est qu’à 2.000, et en Inde à 620. Quand nous regardons ces chiffres, nous ne pouvons que redouter le moment où les Chinois et les Indiens atteindront une consommation équivalente à la consommation américaine ». Pour Patrice Geoffron, la montée en puissance de la Chine et de l’Inde devrait amener les deux géants à augmenter leurs importations de 6 millions de barils par an jusqu’en 2035. Mais l’enjeu franco-français est lui aussi de taille. « L’objectif est d’avoir décarboner à hauteur de 90 % le réseau électrique, et de 40 à 50 % les transports. Il faut donc accorder aux biocarburants la place qu’ils méritent », défend le professeur.

Les investissements peinent à décoller
Et pourtant aujourd’hui, l’énergie biologique n’incite pas beaucoup les investisseurs. « Il y a eu 66 Md$ d’investissements en 2011 au niveau mondial. La même année, la subvention aux énergies fossiles atteignait plus de 400 Md$ », a d’ailleurs déploré Patrice Geoffron. Le professeur d’économie a également tenu à rappeler que « 50 % des investissements R&D mondiaux sont orientés vers le solaire, la biomasse ne représente que 20 %, et 15 % pour le biofuel ». Mais, bien que marginale, les pétroliers commencent à se tourner vers la production de biocarburant. Et pour cause, selon Olivier Macé, responsable de la Stratégie et de la Communication chez BP Biofuels, « à l’horizon 2030, BP anticipe un triplement de la demande en biocarburant. Elle atteindra 6,5 millions de barils par jour contre 1,8 million de barils en 2010 ». Pour Pierre Geoffron effectivement, « dans la décennie 2020-2030, les biocarburants représenteront une source de croissance plus importante que les énergies fossiles ».

Le débat de la sécurité alimentaire
Un marché juteux donc, mais qui doit tout de même faire face à la polémique de la concurrence alimentaire qu’il représente. Luc Guyau, président indépendant du Conseil de la FAO, concède d’ailleurs qu’il est aujourd’hui difficile de « déterminer la concurrence des biocarburants sur l’alimentation ». En effet, selon lui, la forte montée des prix provient plus du déséquilibre créé par les incitations fiscales que d’une réelle concurrence des bioénergies sur la production agricole destinée à l’alimentation. « Ce qui a posé problème ce sont les soutiens fiscaux massifs aux Etats-Unis qui ont poussé à des productions extrêmes. Il faut éviter les concurrences fiscales et de soutien entre les biens produits pour l’alimentation et ceux pour l’énergie, afin de maintenir un équilibre », plaide Luc Guyau. Et pour défendre le bilan français, Eric Lainé, président de la CGB s’est empressé d’ajouter que « sur le plan français, la bioénergie ne mobilise qu’1 % de la surface agricole utile, un peu moins de 3 % en comptant les surfaces de céréales. Hors, sur cette utilisation, 50 % retournent à l’alimentation animale sous forme de pulpes pour les cultures de betterave, et 35 % sous forme de drêches pour les céréales. L’utilisation réelle n’atteint alors que les 2 % ». Pour Bruno Hot, président du Syndicat national des fabricants de sucre, l’utilisation est donc « inférieure à la croissance des rendements. L’agriculture biologique apporte des rendements 20 à 25 % plus faibles. La concurrence alimentaire de l’agriculture biologique serait donc 25 fois plus forte que la bioénergie », provoque-t-il. Un calcul un peu rapide, mais confirmé par Eric Lainé : « En 1981, on a produit 36 Mt de betterave avec 650.000 ha, cette année avec 390.000 ha, nous en avons produit 38 Mt. Cela démontre bien les progrès considérables que nous faisons en termes de productivité. » Des raisonnements qui excluaient tout de même l’explosion de l’offre et de la demande, souhaitée par les pétroliers et défendue par les différents intervenants de la table ronde.

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