Biocarburants
Cohésis et la Scael désengagées de Blétanol sur décision de justice
Le Tribunal de Reims n’a pas sanctionné l’absence de livraison de blé par Cohésis à l’usine de Bazancourt.
NOUVEAU COUP DUR pour la filière biocarburants française. Au terme d’une procédure provoquée en 2010 par Blétanol qui reprochait à ses adhérents Cohésis et la Scael un défaut de livraison de blé, le Tribunal de Reims a prononcé la résolution judiciaire des contrats de coopération conclu entre Blétanol et ses deux adhérents, Cohésis et la Scael. Une décision qui entraîne de fait la fin de l’approvisionnement de l’usine de bioéthanol de Bazancourt à hauteur de 100.000 t par an. D’après le jugement du Tribunal de Reims rendu le 7 juin dernier, deux fautes expliquent la légitimité du retrait de Cohésis et de la Scael de l’Union Blétanol. Dans un premier temps, Cohésis et la Scael n’ont pas eu connaissance d’une convention « déterminant très largement la portée des engagements des associés de Blétanol », selon l’expression du juge des référés. D’autre part, Blétanol n’aurait pas tout mis en œuvre pour acheter au meilleur prix le blé aux producteurs engagés dans le projet. Si Cohésis et la Scael ont gagné cette manche, Blétanol a déjà fait appel de cette décision.
Défaut de loyauté et mauvaise valorisation des blés
Le premier élément sur lequel la décision de justice s’est fondée pour permettre à Cohésis et la Scael de se désolidariser de Blétanol est l’absence de présentation d’une convention d’investissement et d’exploitation signée par la filiale de Champagne Céréales, Siclaé, et Cristanol (Cristal Union en détient 55 %, Blétanol 45 %). Selon celle-ci, les coopératives adhérentes au projet Cristanol devenaient caution solidaire de prêts souscrits par Cristal Union, Champagne Céréales et sa filiale Siclaé. Des éléments auxquels les dirigeants de Cohésis et de la Scael n’auraient pas eu accès dans leur forme originale pour des raisons de « confidentialité » selon Blétanol, Cohésis et la Scael étant également partie prenante dans d’autres structures concurrentielles. Un argument non recevable pour le Tribunal de Reims qui a jugé que ce manquement contrevenait à l’obligation de loyauté de Blétanol envers Cohésis et la Scael.
Autre élément en défaveur de Blétanol, les prix payés aux coopératives adhérentes au projet pour la livraison de blé. Même s’il était difficile lors du lancement du projet de construction de l’usine de Bazancourt en 2006 de prévoir l’évolution du prix de l’éthanol et l’envolée des cours que le blé connu depuis, « il ressort des pièces produites aux débats, qu’en outre, la mauvaise valorisation des apports de blé des associés coopérateurs de l’Union Blétanol n’est pas le fait de l’évolution des cours du blé et de l’éthanol, des aléas de lancement propre à un nouvel investissement, mais d’un manquement de l’Union Blétanol à son obligation de tout mettre en œuvre pour valoriser au mieux les livraisons de blé de ses associés », selon le tribunal. En effet, « au mois de juillet 2008, Benp payait la tonne de blé 124 euros, Union Blétanol n’en proposait que 88,30 euros et situation comparable en juillet 2009, 120 € la tonne d’un côté contre 87,13 € puis 99,19 euros », a relevé le tribunal.
« Ceux qui ont livré ont perdu beaucoup d’argent »
Depuis quelques temps déjà, le directeur général de Cohésis, Jean Pierre Cochet, émettait des réserves sur la rentabilité de la filière éthanol française. Pour lui, « le jugement rendu par le Tribunal de Reims est le résultat d’une histoire sur la longueur. Ce n’est pas conjoncturel. » A la différence de la Scael, la coopérative Cohésis n’a pas livré l’usine de Bazancourt. « Ceux qui ont livré ont perdu et continuent de perdre beaucoup d’argent. » Et de conclure : « Blétanol n’a pas su prendre les bonnes décisions en temps et en heure, malgré nos alertes répêtées. Un audit a été fait sur Blétanol et montre que dans les dix années à venir, compte tenu des projections faites sur les prix du blé, de l’éthanol et du pétrole, cette industrie perdra au moins 20 euros de la tonne de blé. »
Cristal Union à la rescousse de la ligne blé de l’usine de Bazancourt
« Nous allons acheter du blé pour fournir Blétanol », a déclaré Olivier de Bohan, président de Cristal Union et de Cristanol, dans les colonnes du journal L’Union-L’Ardennais le 5 juillet dernier. Une première pierre apportée pour combler le trou dans l’approvisionnement engendré par le désengagement des deux coopératives en conflit avec Blétanol. Cette aide de la part des sucriers avoisinerait les 50.000 t pour une durée de six mois.