« Ce n’est pas le blé produit qui est à surveiller mais sa mobilité »
Le cabinet d’analyse Agritel estime qu’une baisse des prix du blé tendre ne sera possible qu’en cas d’amélioration de la situation logistique internationale, très liée à la géopolitique, et notamment la guerre en Ukraine. Il ne constate pas, pour le moment, de destruction majeure de demande en blé tendre pour l’alimentation animale.
Le cabinet d’analyse Agritel estime qu’une baisse des prix du blé tendre ne sera possible qu’en cas d’amélioration de la situation logistique internationale, très liée à la géopolitique, et notamment la guerre en Ukraine. Il ne constate pas, pour le moment, de destruction majeure de demande en blé tendre pour l’alimentation animale.
« Le principal « driver » du marché n’est pas actuellement les volumes de blé tendre produits dans le monde mais leur capacité à être mobilisables et exportables », déclare Gautier Le Molgat, directeur général adjoint d’Agritel.
Autrement dit, le marché mondial du blé tendre est certes sous tension, mais les soucis climatiques dans certains pays (États-Unis, France, voire le sud de la Russie actuellement) ne sont pas la principale explication. La guerre en Ukraine empêche les volumes ukrainiens de sortir du pays, mais la Russie éprouve elle aussi des difficultés à exporter, malgré le fait qu’elle pourrait récolter d’importants volumes cette année, rapporte Agritel. « Avec les sanctions internationales contre la Russie, les acteurs du commerce mondiale sont réticents à l’idée de travailler avec elle, que ce soient les banques, les compagnies d’assurance, les affréteurs… Il faut absolument que ces derniers acceptent de reprendre une activité normale, nécessaire à l’équilibre des bilans internationaux pour voir une baisse des prix », détaille Gautier Le Molgat.
Baisse des prix uniquement si les volumes sont mobilisables depuis l’Ukraine et la Russie
Agritel estime donc que les prix du blé tendre peuvent effectivement baisser, mais à la condition que les volumes soient mobilisables, notamment depuis l’Ukraine et la Russie. Mais la géopolitique étant très incertaine, difficile d’affirmer aujourd’hui que ce scénario se produira. Et « il faudra déployer des moyens logistiques rapidement. Or, plus les semaines qui passent, plus on s’approche de la récolte. Et pour le moment, on ne voit guère d’amélioration », complète Gautier Le Molgat.
Les capacités de l’Ukraine à revenir sur le marché sous-estimées ?
S’il est impossible de savoir ce que donneront les négociations au sujet de la mise en place de corridors permettant l’exportation de grains ukrainiens, ou de savoir quand la guerre s’achèvera, Gautier Le Molgat se montre plus optimiste quant aux capacités des Ukrainiens à revenir sur la scène internationale rapidement, une fois la guerre terminée. « Certains disent que si la guerre s’arrêtait demain, il faudrait 6 mois aux Ukrainiens pour revenir sur le marché, car il faut réparer les dégâts causés par les combats, déminer les ports etc. Mais nous pensons que s’ils se mobilisent et si la communauté internationale leur vient en aide, ils peuvent revenir dans un laps de temps bien plus court ».
L’expert estime que les Ukrainiens ont démontré qu’ils pouvaient rebondir plus rapidement que prévu, notamment au regard des semis. « Bon nombre d’acteurs pensaient qu’ils ne sèmeraient presque rien, mais finalement, ils ont semé pas mal de choses. Nous avons de nombreux contacts là-bas, et c’est une fierté pour eux de planter », soutient-il. Malgré la guerre, les Ukrainiens pourraient effectivement récolter entre 65 et 70 Mt de grains en 2022/2023 selon diverses sources privées, ce qui est certes inférieur à 2021/2022, avec 107 Mt, mais qui reste un chiffre convenable. Rappelons que le pays produisait en 2014 environ 64 Mt.
L’Asie du sud-est continue d’acheter du blé tendre
Agritel n’est pas tout à fait d’accord avec Stratégie Grains quant à la destruction de demande en blé tendre de la part de la nutrition animale dans le monde. « Il y a parfois une baisse de la consommation de blé par des fabricants d’aliments, et il y a des arbitrages et des reformulations, à savoir le remplacement du blé par le maïs. Mais nous ne constatons pas, pour le moment, une grosse destruction de demande. L’Asie du sud-est achète toujours du blé », témoigne Gautier Le Molgat.
Il concède toutefois qu’au vu des niveaux de prix actuels, ce phénomène est à craindre, et sera à surveiller. En effet, la campagne commerciale 2022/2023 commencera sous le signe de prix déjà très élevés, ce qui peut inciter les consommateurs à adopter des stratégies de couvertures différentes par rapport aux précédentes campagnes, explique l’expert d’Agritel.
Si Agritel n’a pas de certitude quant à l’orientation des prix du blé tendre (hausse ? baisse ?) dans les prochaines semaines ou prochains mois, « la volatilité est actuellement très élevée, et pourrait se renforcer lors de la moisson, qui sera également fonction de l’avancée des négociations entre pays dans un contexte de guerre en Ukraine. Les stratégies de couverture pour les collecteurs et les industriels à base d’options pourraient voir leur pertinence se renforcer », pointe Gautier Le Molgat.