En Argentine, la filière maïs en ordre de bataille face aux ravages de la cicadelle
L’impact de la cicadelle porteuse du spiroplasma sur la récolte de maïs argentin a été le sujet phare du congrès annuel de l’inter-filière tenu cette semaine à Buenos Aires.
L’impact de la cicadelle porteuse du spiroplasma sur la récolte de maïs argentin a été le sujet phare du congrès annuel de l’inter-filière tenu cette semaine à Buenos Aires.
« Du maïs, encore du maïs, toujours plus de maïs [cultivé au centre et au nord de l’Argentine sous des climats subtropicaux] ». Voilà la cause principale de l’impact inédit du spiroplasma sur la récolte argentine de maïs 2023-2024, selon la chercheuse de l’INTA1, María de la Paz. Car le vecteur du pathogène en question est cet insecte nommé cicadelle qui aime le chaud et se réfugie dans les plants de maïs.
La cicadelle, vecteur du spiroplasma, véritable fléau du maïs
Lors du congrès annuel de l’inter-filière argentine du maïs, baptisé Maizar, tenu le 22 mai dernier à Buenos Aires, María de la Paz a fait un état des lieux de l’impact de ce pathogène qu’elle qualifie de simple : « le spiroplasma ne se reproduit que sur le maïs et ceci par un seul vecteur connu [l’insecte cicadelle (Dalbulus maidis)] qui aime la chaleur et que tue le froid, porteur d’un virus et de trois bactéries », a-t-elle expliqué.
La spiroplasma aurait provoqué des pertes colossales : entre 5 et 8 millions de tonnes (Mt), soit entre 10 % et 15 % d’une moisson initialement prévue de 56 Mt, selon le service de statistiques agricoles du gouvernement fédéral argentin.
Des pertes estimées entre 5 et 8 Mt, sur une récolte initialement attendue à 56 Mt.
Le témoignage du céréalier Santiago del Solar, président de la commission grains de la Société rurale argentine (le syndicat des grands exploitants agricoles du pays), donne le ton : « Ce fléau est un phénomène nouveau, aigu et de fort impact. Il est prépondérant au Nord de l’Argentine, dans les provinces du Chaco, de Santa Fe et de Santiago del Estero, mais, pour la première fois cette année, il a été détecté au sud de la province de Buenos Aires, c’est-à-dire à la frontière des zones de maïsiculture de l’Argentine », dit-il.
Vers une baisse des la surface argentine de maïs en 2024-2025
« Cette situation en effraie plus d’un. Moi, je vais réduire de 10 % mes surfaces de maïs par rapport à la campagne précédente. La majorité de mes compatriotes céréaliers devrait prendre une décision similaire », dit-il en ajoutant que les semenciers, cette année, de façon inhabituelle, tardent à mettre leurs variétés sur le marché pour répondre comme ils le peuvent à cette inquiétude nouvelle.
« Je vais réduire de 10 % mes surfaces de maïs par rapport à la campagne précédente », témoigne Santiago del Solar, président de la commission grains de la Société rurale argentine.
Certains analystes de marché jugent exagéré l’impact attribué à la cicadelle. « Le long coup de chaud subi en février dernier avec des températures supérieures à 45°C en journée a causé au moins autant de dégât sur notre récolte de maïs que le pathogène véhiculé par cet insecte », assure l’analyste Pablo Adreani.
Accélération de l'homologation de produits phytosanitaires
« Les seules solutions dont nous disposons aujourd’hui face ce fléau est le contrôle chimique et, à plus long terme, l’amélioration génétique des variétés de maïs », indique Santiago del Solar.
En ce sens, le gouvernement argentin a appuyé sur l’accélérateur pour homologuer sept produits phytosanitaires de lutte contre la cicadelle alors que, à titre de comparaison, une cinquantaine sont disponibles au Brésil où certains céréaliers de l’État du Mato Grosso, par exemple, ont appliqué cette année jusqu’à sept applications tout au long du cycle de la culture.
Le gouvernement argentin va accélérer l'homologation de sept produits phytosanitaires de lutte contre la cicadelle.
Les Argentins ont pour eux l’avantage de travailler sous des climats plus froids qu’au Brésil, ce qui limite la reproduction de cet insecte porteur du spiroplasma. « Cependant, la femelle cicadelle ovipare vit entre trois et cinq mois réfugiée dans des plants de maïs mature en marge des lots récoltés, à l’abri des gelées », tempère la chercheuse María de la Paz.
« D’où l’importance de faire un vide sanitaire de quatre-vingt-dix jours sans maïs vert pour ne pas fournir un tel abri à cet insecte vecteur », a-t-elle insister à la tribune du congrès Maizar.
Un réseau de surveillance de la cicadelle du maïs a été créé pour les trois prochaines années par divers instituts de recherche publics et privés de l’Argentine pour informer les céréaliers sur l’évolution de la population de cet insecte. Il prévoit la mise en place de 450 pièges sentinelles distribués au nord d’un axe situé entre les villes de Córdoba et de Rosario.
(1) Institut national de technologie agricole, équivalent argentin de l’Inrae.
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