« La prime pour du soja tracé peut se situer autour de dix fois celle pour du soja mass balance », indique Valérie Bris de LCA NA
Valérie Bris, directrice de La Coopération agricole Nutrition animale (LCA NA) a répondu aux questions de La Dépêche - Le Petit Meunier sur les dossiers en cours dans le secteur de la nutrition animale.
Valérie Bris, directrice de La Coopération agricole Nutrition animale (LCA NA) a répondu aux questions de La Dépêche - Le Petit Meunier sur les dossiers en cours dans le secteur de la nutrition animale.
![Valérie Bris, directrice de La Coopération agricole – Nutrition animale](https://medias.reussir.fr/ladepeche/styles/normal_size/azblob/2025-02/thumbnail_img_4960.jpg.webp?itok=PUiu4Hmg)
La Dépêche - Le Petit Meunier : La nouvelle taxe européenne anti-dumping sur la lysine chinoise va-t-elle fortement impacter la nutrition animale française ?
Valérie Bris : La nutrition animale va évidemment à court terme être impactée avec un surcoût qui pourrait atteindre 4 ou 5 euros par tonne (€/t) pour les aliments porcs et les aliments volailles, qui sont les plus concernés par la lysine. La taxe va en effet représenter environ 300 millions d'euros par an, selon le calcul de la Fefac (Fédération européenne des fabricants d’aliments composés), l’Union européenne important autour de 500 000 tonnes d’équivalent chlorhydrate de lysine par an dont 60 % en provenance de Chine. Comme le secteur produit 140 millions de tonnes (Mt) au niveau européen, cela pourrait représenter un peu plus de 2 €/t mais ce sont surtout les 98 Mt d’aliments porcs et volailles qui sont concernés d’où ce chiffre estimé de 4 à 5 €/t. Cela va incontestablement avoir un impact puisqu’il n’est pas facile de répercuter les coûts jusqu’au consommateur, mais il faut relativiser puisque la variabilité des cours des matières premières comme les céréales s’avère régulièrement plus importante.
« Il semble que de nouveaux acteurs viennent proposer de la lysine. »
Les fabricants d’aliments composés vont faire au maximum leur travail de reformulation pour tempérer le surcoût. Et il semble que de nouveaux acteurs viennent proposer de la lysine. Si cela se confirme, en plus de la capacité de la production française [Eurolysine du groupe Avril à Amiens, NDLR], cela va contribuer à une moindre dépendance vis-à-vis de la Chine à moyen et long terme. Nous restons vigilants sur toutes les décisions anti-dumping européennes, sur le chlorure de choline, la valine et peut être aussi les produits animaux ?
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LP-LPM : Quels sont les projets collectifs de la nutrition animale pour 2025 ?
V. B. : La question des données est très importante. Au niveau des syndicats, nous sommes ainsi en train de travailler à la refonte des sites statistiques pour les moderniser afin d’améliorer le service aux adhérents tout en maintenant la confidentialité des données individuelles. Depuis la création des sites, il y a quinze ans, beaucoup de choses ont changé, ne serait-ce que les contours des régions administratives. Or, la saisie et la consultation en ligne de données précises est importante pour les adhérents.
Nous travaillons également collectivement le dossier carbone avec notre guide de méthodologie publié à l’automne 2024. Il est en cours de reconnaissance au sein des filières d’élevage qui ont développé les labels bas carbone. Ouverte à tous les fabricants d’aliments, cette méthode permet de calculer l’impact environnemental de l’aliment. Notre ambition de l’année est de parvenir à construire une certification avec Oqualim quant à sa bonne application. Les éleveurs pourront ainsi automatiquement intégrer les éléments qui valorisent le travail de la nutrition animale.
« La réduction des émissions de méthane via la nutrition animale pourrait atteindre de -20 à -30 %. »
Le méthane est un des éléments de notre action sur la réduction des gaz à effet de serre. La réduction des émissions de méthane via la nutrition animale, par la combinaison des leviers déjà identifiés, pourrait atteindre de -20 à -30 %. Pour impulser cette transition, pourquoi pas un plan « écométhane » sur le modèle du plan « éco-antibio » avec le soutien des pouvoirs publics ?
LP-LPM : en matière de non déforestation importée, quel est l’impact pour la nutrition animale française ?
V. B. : Nous attendons la publication prochaine des données du second semestre de l’observatoire Duralim en matière de déforestation importée. Nous étions déjà à 83 % de soja non déforestant en fin de premier semestre contre les 75 % auxquels la profession s’était engagée et nous devrions donc atteindre les 100 % de non déforestation selon la méthode du mass balance début 2025 comme prévu.
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Nous sommes tous collectivement engagés pour éviter toute déforestation. Mais nous sommes et nous serons très vigilant sur l’impact du report du règlement européen sur la non déforestation importée afin que ni les filières ni les importateurs ne se désengagent du sujet. Il faut par exemple éviter que les contrats n’évoluent vers du direct de bord afin que le dédouanement ne soit pas reporté vers le fabricant d’aliments.
« Il faut éviter que les contrats en soja non déforestant n’évoluent vers du direct de bord afin que le dédouanement ne soit pas reporté vers le fabricant d’aliments. »
Nous allons également suivre de près toutes les discussions sur la simplification proposée par la Commission européenne et ses éventuels impacts sur l’application du règlement. Nous gardons tous en mémoire la question du non OGM et sa prime qui devait rester minime mais qui a pu dépasser 200 €/t par moment. La question n’est pas le fond mais bien les conditions d’application. Les acheteurs constatent que la prime pour du soja tracé, même si elle varie selon les importateurs, peut déjà se situer autour de dix fois celle pour du soja mass balance. Ce qui, à raison d’un taux d’incorporation de 15 % de tourteau de soja peut déjà représenter 6 €/t d’aliment fini.
Propos recueillis par Yanne Boloh