La prairie connectée s’implante doucement
Avec ses capteurs, drones, traitement de données en temps réel, intelligence artificielle, applications mobiles et autres satellites, le numérique offre de nombreuses possibilités aux éleveurs et aux cultures fourragères. Pourtant, ces innovations technologiques tardent à s’implanter durablement dans les prairies. L’Association francophone pour les prairies et les fourrages faisait le point lors de ses journées de printemps qui se sont tenues en visioconférence les 24 et 25 mars. Revues des opportunités et freins de la prairie connectée.
Avec ses capteurs, drones, traitement de données en temps réel, intelligence artificielle, applications mobiles et autres satellites, le numérique offre de nombreuses possibilités aux éleveurs et aux cultures fourragères. Pourtant, ces innovations technologiques tardent à s’implanter durablement dans les prairies. L’Association francophone pour les prairies et les fourrages faisait le point lors de ses journées de printemps qui se sont tenues en visioconférence les 24 et 25 mars. Revues des opportunités et freins de la prairie connectée.
Face à l’essor des objets connectés dans le monde, l’internet des objets appliqués tarde à s’appliquer aux fourrages, à la conduite des prairies ou à la surveillance des animaux. Il y a eu des prototypes ou des preuves de concept issus de start-up mais peu d’outils sont aujourd’hui finalisés. « La diversité des productions et des systèmes rend la création d’outils complexe, note Clément Allain, référent élevage de précision au service Capteurs, équipements et bâtiments de l’Institut de l’élevage. Les prairies étant par nature éloignées des villes et des bâtiments, la connectivité peut être de moins bonne qualité qu’en ville ou en intérieur et il y a toujours un risque de vol ». Par ailleurs, le retour sur investissement peut être perçu comme faible.
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Une enquête menée en 2018 par MontpellierSupAgro et l’observatoire des usages de l’agriculture numérique notait que le coût et la complexité des outils étaient souvent cités comme des freins par les agriculteurs. « Les éleveurs interrogés indiquent aussi que les outils ne sont pas adaptés aux conditions du terrain et à la diversité des élevages, remarque Nina Lachia de Montpellier SupAgro. Si certains outils sont en test ou en phase de recherche, les éleveurs ne s’y sentent pas impliqués, ce qui participe, selon eux, à la mise en marché d’outils peu adaptés à leurs besoins. Certaines personnes interrogées remettent également en question l’adéquation entre l’usage d’outils numériques et le sens du métier et le lien à l’animal. » Lucides, les éleveurs notent aussi l’importance de limiter les temps de saisie et rappellent que certaines zones blanches ne sont pas couvertes par la téléphonie mobile ou l’internet à haut débit.
Des outils pour automatiser la surveillance ou les observations
Pourtant, les outils numériques peuvent faciliter la gestion de troupeau, la traçabilité, la gestion technico-économique ou les obligations administrative. Les applications smartphone ou tablette sont aussi pratiques pour prendre des notes sur le terrain et avoir des informations sur les animaux. Avec l’identification électronique, les éleveurs ovins peuvent prendre une longueur d’avance sur des outils tels que balances connectées, distributeurs automatiques ou parcs de tri. « Tout ce qui est enregistrement des boucles après la mise bas, c’est beaucoup plus rapide avec le Psion, témoignait un éleveur lors de l’enquête de l’observatoire des usages de l’agriculture numérique. Le gain de temps n’est pas énorme mais c’est une grande facilité de travail. »
Une seule appli pour gérer son herbe
Sur les prairies, il y a des initiatives intéressantes pour estimer la quantité et la qualité de la biomasse, gérer les surfaces fourragères ou géolocaliser les animaux. Ces outils peuvent faire gagner du temps ou alléger la charge mentale. Les éleveurs peuvent aussi être séduits par l’automatisation de petites tâches parfois chronophages comme la surveillance de la tension des clôtures, du remplissage des abreuvoirs ou de la température des fourrages conservés. « L’enregistrement automatique de nombreuses données est intéressant, observe Clément Allain de l’Institut de l’élevage, mais il faut ensuite les rassembler et les traiter dans un seul endroit. Les gens ne veulent plus 50 applications différentes ». En ce sens, l’application smartphone HappyGrass est une initiative intéressante. Pour que de nouveaux outils soient utiles et utilisés, ils doivent automatiser l’enregistrement des données, être ergonomiques et être partageables entre associés d’un élevage ou entre groupe d’éleveurs.
Avoir des capteurs n’éloigne pas forcément l’éleveur de sa prairie. « Si on fait le parallèle avec les outils utilisés en vaches laitières, on s’aperçoit qu’avoir des capteurs ou des robots qui apportent beaucoup d’infos sur les animaux ou remplacent des tâches astreignantes, laisse plus de temps à l’éleveur pour être au milieu du troupeau. Il possède aussi plus d’infos qu’il ne peut pas avoir à l’œil nu », conclut Clément Allain.
Caroline Mazaud, enseignante-chercheuse en sociologie à l’ESA d’Angers
« Pas une révolution mais une entrée progressive dans le numérique »
« On ne peut pas vraiment parler de révolution numérique chez les agriculteurs, il s’agit plutôt de changements progressifs qui s’imposent d’abord de l’extérieur. Il s’agit bien souvent d’outils mobilisés à un moment pour collecter des informations ponctuelles. Si fracture numérique il y a, il est plutôt liée à des différences de formation plutôt qu’à des différences d’âge. Mais le manque de connaissance n’est pas forcément le principal frein à l’implantation du numérique. Les éleveurs peuvent avoir peur d’entraver le lien qu’ils tissent avec l’animal et le vivant. En passant par un intermédiaire numérique, ils craignent aussi de perdre leur autonomie décisionnelle. Si les éleveurs équipés ressentent ces outils numériques comme un gain de temps, ils notent qu’un temps de formation et d’appropriation aux outils est nécessaire. »