« La modulation intraparcellaire plus intéressante en maïs qu’en blé », selon Laurent Garo, agriculteur
Au Gaec de Queledern, dans le Finistère, la modulation intraparcellaire ne se limite pas au troisième apport d’azote sur céréales. Cette technique est aussi employée pour les semis de blé et de maïs.
Au Gaec de Queledern, dans le Finistère, la modulation intraparcellaire ne se limite pas au troisième apport d’azote sur céréales. Cette technique est aussi employée pour les semis de blé et de maïs.
Laurent Garo, installé en Gaec à Rosporden dans le Finistère avec son frère Alain et Pascal Nabat, est engagé depuis 2015 dans un groupe de travail sur l’agriculture de précision de la coopérative Eureden. Ce féru d’outils d’aide à la décision (OAD) utilise aujourd’hui la modulation intraparcellaire pour la fertilisation azotée, ainsi que pour les semis de blé et de maïs. Son exploitation accueille également, depuis 2011, une des stations d’expérimentation de la coopérative bretonne Eureden, ce qui lui permet de chiffrer l’incidence des différentes pratiques. Le Gaec de Queledern dispose d’une SAU de 260 hectares et possède un élevage laitier produisant 1,1 million de litres. L’agriculteur fait appel depuis 2014 aux services Farmstar et module, à partir des cartes de préconisation fournies par cette société, son troisième apport d’azote sur blé depuis l’achat en 2016 d’un épandeur d’engrais Sulky avec coupure de sections par GPS. Grâce à cette pratique lui procurant des hausses de rendement et de taux de protéine, il améliore ses marges. Selon les résultats de 36 essais Eureden réalisés entre 2014 et 2019, le gain par hectare s’élève à 10 euros par la réévaluation de dose Farmstar (+ 2 quintaux et + 0,2 point de protéine), coût du service de préconisation de 15 euros par hectare déduit. À ce montant s’ajoute 10 € de marge supplémentaire liée à la modulation intraparcellaire (+ 1 quintal et + 0,2 point de protéine). La technologie embarquée sur le distributeur d’engrais procure aussi des gains, estimés de 5 à 10 % pour la coupure de sections, ainsi qu’une meilleure précision d’épandage apportée par la pesée embarquée, qui réduit les phénomènes de verse. Vu les résultats positifs, le Gaec a pu rentabiliser en trois campagnes le surcoût des options de l’épandeur.
Des variations de doses en blé de - 15 à + 15 %
Pour l’implantation du blé, l’agriculteur s’appuie sur la cartographie des sols établie à partir des mesures de conductivité et de résistivité, complétées de la réalisation de profils pédologiques (voir encadré). Il utilise le semoir en ligne pneumatique Sulky Xeos de la Cuma, qui est équipé d’un doseur entraîné électriquement, autorisant la modification manuelle de la densité par palier de +/- 5 %. Pour accéder à la modulation intraparcellaire, il a suffi à Laurent Garo de se procurer un câble RS232, d’une valeur d’un euro, afin de pouvoir relier le terminal Isobus de son épandeur d’engrais à la console du semoir. « Au sein des parcelles, la densité appliquée varie de + 15 à - 15 % par rapport à la dose cible : 220 à 300 grains par mètre carré, selon la date de semis. Les huit essais réalisés sur l’exploitation ont révélé une économie en semences de 40 grains par mètre carré et une augmentation de rendement non significative de 0,5 quintal par hectare, selon les mesures du service agronomie d’Eureden. Ces gains se traduisent seulement par quinze euros de marge supplémentaire par hectare, un montant auquel il faut ôter le coût des fichiers de modulation », souligne l’exploitant. Selon lui, l’idéal serait d’embarquer dans le semoir deux variétés de blé aux spécificités différentes, afin de sélectionner la plus adaptée en fonction des zones hydromorphes ou séchantes.
Davantage d’intérêts en maïs
En maïs fourrage, la modulation intraparcellaire s’avère plus rentable pour le Gaec de Queledern. Les six essais conduits entre 2016 et 2019 par Eureden, avec quatre densités et plusieurs variétés différentes, révèlent un gain de marge de 43 euros par hectare hors investissement. « Nous avons augmenté en moyenne la dose de semence de 5 000 grains par hectare et enregistré un gain de rendement de 2,7 %. Auparavant les semis étaient réalisés à 108 000 grains par hectare. Avec la modulation, la dose varie désormais de 100 000 en sols superficiels à 120 000 dans les sols à forte réserve utile », indique Laurent Garo. L’agriculteur a aussi mené des essais en maïs grain et a observé des rendements supérieurs de 2,8 % sans modifier la dose par hectare. Ce gain s’est traduit par une marge supplémentaire de 34 euros par hectare hors investissement. À noter que pour quantifier l’incidence sur les rendements, l’ensilage et le battage ont été réalisés avec des machines pourvues de capteurs de rendement.
Un surcoût pour moduler au semis de maïs
Pour la modulation au semis de maïs, le Gaec a dû faire appel à une ETA équipée d’un monograine doté de l’entraînement électrique des distributions et d’un terminal autorisant la modulation. « L’investissement dans ce type de semoir n’est pas envisageable pour notre structure qui n’implante que 50 hectares de maïs et les autres adhérents de la Cuma ne prévoient pas de remplacer l’appareil tout mécanique qui leur apporte pleine satisfaction », souligne l’exploitant. La modulation au maïs représente un coût supplémentaire qu’il convient de retirer à la marge hors investissement : 6,80 euros par hectare pour la carte de préconisation et 5 euros par hectare facturés par l’ETA en sus du semis. Convaincu par l’intérêt de la modulation, Laurent Garo conduit depuis deux ans des essais consistant à baisser la population de maïs sur les premiers tours des parcelles et se donne encore deux années pour en tirer des conclusions. « L’objectif est de mesurer s’il est possible d’économiser de la semence dans les zones en concurrence avec les haies, tout en conservant un niveau de rendement acceptable », remarque-t-il.
Chiffres clés du Gaec de Queledern
3 associés, 1 salarié et un stagiaire
1,1 million de litres de lait produit
260 ha de SAU
50 ha de maïs
50 ha de blé
55 à 60 ha de légumes irrigués (carottes, haricots verts, betteraves rouges, navets, persil et ciboulette)
L’indispensable cartographie des sols
Avant de se lancer dans la modulation de semis, Laurent Garo a fait cartographier 190 hectares pour un montant de 11 000 euros, un montant qui sera amorti en six ans, grâce aux gains procurés par la modulation des densités de semis en maïs et en blé. « Nous avons uniquement caractérisé les terres labourables, précise l’agriculteur. Un appareil spécifique monté sur un quad a parcouru les parcelles, afin de mesurer la conductivité et la résistivité des sols. Les relevés ont été complétés par la réalisation de 100 fosses pédologiques entre 2016 et 2017. Cette opération a permis de constater qu’il n’y avait globalement pas de problème de compaction ou de semelle de labour, à l’exception de certaines parcelles en betteraves ou navets récoltées en conditions humides. Elle a surtout confirmé les grandes disparités de réserve utile en eau (RU) au sein même des parcelles. » L’agriculteur connaît visuellement les différences de potentiel à l’intérieur même de ses champs, mais les profils pédologiques étaient indispensables pour calculer et zoner la RU, afin d’obtenir des données fiables pour établir les conseils de modulation intraparcellaire.