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À La ferme de Chasse Nuage dans le Rhône : « Nous chassons les grammes de fromage superflus »

Dans le Pilat rhodanien, La ferme de Chasse Nuage cultive l’art de transformer chaque litre de lait en fromage de qualité… jusqu’au gramme près. Pour Nathalie Bedel et son frère Sébastien, mesurer les rendements fromagers est un outil de pilotage quotidien.

Reprise par Sébastien Bedel en 2014 et rejointe en 2017 par sa sœur Nathalie, La ferme de Chasse Nuage transforme en fromage l’intégralité de ses 100 000 litres annuels de lait de chèvre en agriculture biologique. Une grosse part des fromages est transformée en fromages lactiques (rigottes, épicuriens, palets cendrés…) mais environ 15 % le sont en pâte pressée (tome et raclette). À Chasse Nuage, l’obsession du rendement fromager est un défi technique autant qu’une nécessité économique. « Si, au démoulage, nos futures rigottes de Condrieu font toutes cinq grammes de trop, c’est 21 000 euros en moins à la fin de l’année », calcule Nathalie. « C’est l’équivalent d’un Smic annuel. C’est ce qui nous permet de salarier trois équivalents temps plein et c’est ce qui nous dégage du temps pour d’autres projets », complète-t-elle en pensant à Christelle, Bénédicte, Marie et Léo, les trois salariées et l’apprenti de la structure.

Lire le dossier : Des fromagers fermiers qui veillent au rendement

Cette équation a forgé la rigueur de la fromagerie. Les rendements sont calculés deux à trois fois par semaine : un bac est moulé en rigottes et au démoulage toutes les grilles sont pesées. L’objectif est clair : maîtriser la quantité de caillé obtenue pour pouvoir prévoir les fabrications et éviter les pertes.

Le suivi du poids, un outil de décision

À la fromagerie, tout commence par la mesure et son enregistrement : acidité Dornic du lait, température, volume de lait par bac. Et surtout, quantité de fromages produits par litre de lait. Nathalie a affiché des tableaux de rendements par type de fromage et bacs calibrés au litre près. « En ce moment, les chèvres produisent beaucoup de lait mais avec des taux moins élevés. Avec un bac de 70 litres, on obtient 18 kilos de caillé, soit 3,2 rigottes au litre. »

Ces chiffres guident la production au jour le jour. « En connaissant les rendements des jours précédents et la quantité de lait disponible, on sait tout de suite combien de rigottes mouler et combien de fromages peuvent être alloués aux commandes. » Avec une diversité des clients à servir (crémiers-fromagers, Biocoop, épicerie fine, drive fermier mensuel, marchés…), cette prévision est devenue un outil stratégique. Les salariées ont ainsi appris à calibrer le moulage et à viser l’exact nombre de blocs-moules prévus.

Un œil sur l’acidification

Chaque écart de poids est traqué. Un fromage trop gros ou trop petit est écarté du lot standard puis retransformé en petit bouchon apéribics. Selon le cahier des charges de l’appellation, la rigotte affinée ne doit pas faire moins de 30 grammes au moment de la vente et la ferme Chasse Nuage vise 80 grammes au démoulage. « Si une rigotte fait 90 grammes, elle est hors norme et part en bouchon. » Pour Nathalie, les clients attendent un calibre constant et une présentation homogène facilite la vente : « La variabilité du goût est normale et acceptée pour un fromage fermier, en fonction des saisons et de la flore des prairies, mais pas celle du format. C’est une marque de sérieux et de respect pour le client. »

Pour Nathalie Bedel, la maîtrise de l’acidification est la clef en fromagerie fermière. Elle conditionne la qualité du caillé, l’égouttage, le goût final… mais surtout, elle a un impact direct sur le rendement fromager. Une acidification trop lente produira un caillé fragile qui risque de perdre de la matière. A contrario, une acidification trop rapide donnera un caillé qui peut se fissurer ou expulser trop de sérum. « Quand le rendement commence à baisser, l’acidification est un des premiers paramètres que je vérifie », confie la fromagère de 54 ans.

Au-delà du rendement, Nathalie et Sébastien défendent une vision complète de l’élevage : en bio, sans écornage, en autonomie alimentaire à 90 %, équipement en Cuma, sans vente en grande surface. Ils visent aussi une logistique zéro déchet avec récupération des caisses en bois et livraison en caisse plastique réutilisable. « Nous valorisons notre litre de lait à 3 euros, détaille Nathalie. Nous ne roulerons jamais sur l’or, mais nous vivons correctement. »

La ferme de Chasse Nuage prouve qu’un modèle exigeant, autonome, et fidèle à ses valeurs peut rester solide – à condition de ne rien laisser au hasard, surtout pas 5 grammes de trop.

La ferme de Chasse Nuage

135 chèvres
68 hectares
Environ 100 000 litres de lait transformés par an

Trois outils essentiels pour la fromagerie fermière

Pour La ferme de Chasse Nuage, la réussite fromagère ne tient pas au hasard mais, comme enseigné par Sylvie Morge et Cap’Pradel, à trois instruments essentiels et toujours à portée de main : la balance, le thermomètre et l’acidimètre. La balance sert à contrôler le poids des fromages au démoulage et à trier ce qui part en vente ou non. Elle permet de surveiller la freinte, d’assurer la régularité attendue par les clients et d’optimiser les rendements. Le thermomètre est utilisé pour surveiller la température du lait lors de la prématuration et de l’emprésurage. Il permet aussi de mesurer la température à cœur du fromage lors du ressuyage pour assurer le développement du geotrichum. Et l’acidimètre permet de suivre jour après jour l’évolution de l’acidification, d’anticiper d’éventuels dérapages et d’ajuster si besoin la température d’emprésurage ou le temps de maturation.

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