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« Je groupe mes vêlages au printemps pour gagner du temps »

Chez Gérard Grandin, dans l’Orne, tous les vêlages ont lieu en février et mars. Ainsi, les besoins des vaches sont calés sur la pousse de l’herbe. Vêlages groupés et système herbager permettent au jeune éleveur de contenir ses charges et son temps de travail.

À Juvigny-Val-d’Andaine, en Normandie, sur la ferme de Gérard Grandin, les premiers veaux de l’année ont commencé à naître à la mi-février. D’ici à fin mars, 90 % des 70 vaches auront vêlé. « Depuis 2013, je pratique les vêlages groupés de printemps pour caler le pic de lactation sur la période de pleine pousse de l’herbe », explique le jeune éleveur.

C’est en Nouvelle-Zélande que Gérard Grandin s’est familiarisé avec cette organisation, également très pratiquée en Irlande. « Après ma formation d’ingénieur en agriculture, j’ai travaillé comme vacher dans une ferme en plein air intégral en Nouvelle-Zélande, retrace Gérard Grandin. J’ai vu que techniquement et économiquement, ça fonctionnait. »

Alors, quand ses parents ont commencé à lui parler de succession, Gérard Grandin a dit banco et exprimé son souhait de passer en système herbager bio. « Mes différentes expériences professionnelles m’ont fait réfléchir sur les systèmes herbagers, leur durabilité et leurs intérêts économiques. Au-delà des aspects financiers, nous avons quatre enfants pour lesquels je veux être disponible, souligne le jeune éleveur. J’avais envie de m’installer mais pas en ayant trop de travail d’astreinte et un revenu lié à la fluctuation du prix des intrants. »

Une production à moindre coût

Pour dégager un salaire suffisant, Gérard Grandin mise sur la réduction des coûts de production, plutôt qu’une augmentation de la production. C’est dans un système herbager que le producteur laitier trouvera la réponse à la réduction des coûts de production et à la maîtrise du temps de travail. « En passant d’un système maïs au tout herbe, on peut diviser son temps de travail par deux, tout en multipliant son revenu par deux grâce à la réduction des charges opérationnelles », affirme-t-il.

 

C’est autour de cette approche que le producteur va construire un système 100 % herbager. Ses 56 hectares sont en prairies permanentes. En 2011, l’année avant son installation, ses parents avaient commencé à convertir des cultures en herbe. Rapidement, Gérard Grandin passe en vêlages groupés. Dès l’hiver 2013-2014, la traite est arrêtée pendant deux mois. « C’est un changement rapide mais anticipé qui était la suite logique de ma réflexion autour du travail et de la réduction des charges. Le pâturage est la meilleure réponse pour produire du lait à moindre coût et en gérant son temps de travail. Donc mes vaches produisent du lait quand il y a de l’herbe. Ce qui est cohérent avec des vêlages de printemps. »

Une conduite de la reproduction très cadencée

Pour réussir à travailler en vêlages groupés, deux points sont primordiaux : la maîtrise de la reproduction et la gestion de l’herbe. Après deux années de transition, Gérard Grandin a réussi à synchroniser son troupeau. Aujourd’hui, sur les 70 vaches, 60 % vêlent sur un créneau de trois semaines, 90 % en un mois et demi. « 60 à 65 vaches vêlent entre mi-février et fin mars, les dernières vêleront en avril », retrace l’éleveur.

Pour tenir ce rythme, il faut que quasiment toutes les vaches soient fécondées en deux cycles. Fin avril, les vaches doivent donc être cyclées et en état pour la mise à la reproduction. « Ce sont des vaches rustiques, il n’y a pas de problème de fertilité. » Même pour les génisses qui doivent vêler à 2 ans pour respecter le timing. Néanmoins, un décalage de cyclicité fait partie des critères de réforme.

 

 

 

La reproduction est assurée par six taureaux. « J’ai choisi la monte naturelle car cela répond à mes objectifs de minimiser les charges et de réduire le temps de travail. Le 1er mai, je mets les taureaux avec les vaches. D’abord, des taureaux orientés lait. Puis, après trois semaines, je mets un taureau Angus pour la production de bœufs et de veaux de lait qui seront vendus à 3 mois en caissette. »

Sont gardées pour le renouvellement, en priorité les filles des vaches qui ont vêlé en premier car elles sont bien synchronisées. Actuellement, le taux de renouvellement est inférieur à 20 %. « Je pense qu’il est possible de viser les 15 %, anticipe Gérard Grandin. Avoir un faible coût de renouvellement participe à la baisse des charges. En plus, s’il y a moins de génisses à élever, ça me laissera des surfaces fourragères disponibles pour développer la production de bœufs et veaux que je valorise en direct. »

Une valorisation optimale des ressources fourragères

Pour nourrir 70 vaches et leur suite, la totalité de la ration annuelle est basée sur l’herbe dont 75 % est pâturée. Le reste est valorisé sous forme de foin ou d’enrubannage. « Les stocks de maïs restants de mes parents ont duré deux ans, se souvient l’éleveur. Les semences de maïs étaient arrivées mais j’avais vu que c’était plus efficace de produire du lait uniquement à l’herbe. Je les ai changées pour des semences prairiales. »

Après le tarissement, autour de mi-décembre, les vaches passent une semaine dehors. Ensuite, elles sont rentrées et retrouveront leurs prairies début février. « Pour ne pas aller trop vite sur le déprimage, que je vise de finir mi-avril, elles débutent sur un demi-paddock avec du foin déroulé au champ. Au fur et à mesure des vêlages, j’agrandis les paddocks pour qu’elles aient accès à la meilleure herbe quand leur lactation démarre. »

Une réduction drastique des charges

En groupant ses vêlages au moment de la pousse de l’herbe et en optimisant le pâturage, Gérard Grandin arrive à un coût alimentaire des plus bas. « Je ne le calcule pas précisément mais j’estime que mon coût alimentaire tourne autour des 20 euros pour 1 000 litre», avance-t-il.

C’est sur tous les postes que le jeune éleveur vise la simplicité et la réduction de charges. Par exemple, à la traite, il ne pratique ni le pré- ni le post-trempage. Au tarissement, il n’utilise pas d’antibiotiques. « Et pourtant, j’ai moins de dix mammites par an. Les frais vétérinaires sont de moins de 15 euros par UGB. Il y a la visite sanitaire obligatoire, deux ou trois suites de vêlage compliquées, un peu de parage, du vermifuge au cas par cas. »

Pour les prairies, même approche : « Je n’apporte pas d’amendement, les vaches s’en chargent. Je sursème parfois une petite surface de prairies vieillissantes. » À peu de chose près, les seuls intrants qu’achète Gérard Grandin sont 1 500 litres de fioul pour l’année et de la paille. Cette autonomie rend son système résilient face aux variations de coût des matières premières.

Autre bénéfice de ce système ultra-économe, un bilan carbone allégé. Alors que la majorité des exploitations sont à 0,8 à 1 kg de CO2/kg de lait produit, l’empreinte carbone sur l’exploitation de Gérard Grandin est de 0,39 kg éq.CO2/litre. « Il y a peu d’intrants, peu de renouvellement, des haies », résume l’éleveur.

 

 

 

Gérard Grandin : « Je travaille 35 heures par semaine »

Malgré une bonne efficacité économique, les freins restent nombreux

Si les vêlages groupés de printemps permettent de travailler moins et gagner plus, pourquoi plus d’éleveurs ne font-ils pas ce choix ? Le frein majeur reste le foncier, avec la nécessité d’avoir suffisamment de surface accessible. Malgré sa simplicité apparente, ce système demande une très grande technicité dans la maîtrise de l’herbe. Puis, il y a déjà le frein psychologique de fermer sa salle de traite.

Du côté des laiteries, les politiques sont différentes sur la possibilité ou non d’arrêts de collecte ou encore le volume minimum collectable. « Je livre à Biolait qui ne m’impose pas de contrainte sur l’arrêt de collecte. Le camion passe dès 150 litres à collecter, témoigne l’éleveur normand Gérard Grandin. En début de campagne, je livre quand j’ai 300 litres dans le tank car à moins, le lait est mal brassé et réfrigéré. »

Un livre pour partager des références

 

 
Pour apporter des références techniques et économiques aux éleveurs intéressés par les vêlages groupés de printemps, six éleveurs ont partagé leurs données.
Pour apporter des références techniques et économiques aux éleveurs intéressés par les vêlages groupés de printemps, six éleveurs ont partagé leurs données. © C. Julien
Comme ils ne seraient qu’une centaine en France à pratiquer les vêlages groupés de printemps, il n’est pas toujours facile pour ceux qui s’y intéressent de trouver des références, notamment économiques. Pour y remédier, six éleveurs du Cedapa (Centre d’étude pour un développement agricole plus autonome), une association créée en 1982 autour des systèmes herbagers économes, ont pris leur bâton de pèlerin pour rencontrer des éleveurs, puis leur plume pour partager leurs expériences. « Par ce partage, nous souhaitons aider les jeunes en phase d’installation et les éleveurs qui seraient intéressés par un changement de système », explique Gérard Grandin.

 

Livre disponible au prix de 35 € auprès du Cedapa, www.cedapa.com. Tél : 02 96 74 75 50.

Une organisation du travail très rythmée sur l’année

Le groupage des vêlages au printemps entraîne un rythme plus cadencé, dans l’organisation du travail, mais finalement plus allégé.

Dans les exploitations qui réalisent des vêlages groupés de printemps, les mois de février, mars et avril s’organisent autour des vêlages, de l’élevage des veaux et de la reprise de la traite. Mai et juin riment avec fauche. De septembre à décembre, beaucoup d’éleveurs sont en monotraite. Puis en décembre et janvier, avec l’arrêt de la traite, le seul travail d’astreinte sera d’affourager les animaux.

Cette organisation diminue la charge de travail annuelle. « Certes, j’ai des grosses semaines au moment des foins mais ça ne dure pas longtemps. En moyenne annuelle, je suis à 35 heures par semaine, week-ends compris, reconnaît l’éleveur normand Gérard Grandin. Je trouve qu’il est plus facile de s’organiser quand on se concentre sur une chose et lorsque l’on sait quand on aura du répit. »

Deux fermes du réseau Cedapa, le Gaec Atout trèfle et le Gaec Vert de lait, ont enregistré avec précision leur temps de travail (données issues du livre « Les vêlages groupés de printemps »). Dans le Gaec Atout trèfle, avec deux actifs pour 30 ha et 38 UGB, il est de 845 h/an/actif (à titre de comparaison, un contrat à 35 h/semaine représente 1 607 h/an), soit une astreinte de 40 h/UGB. Au Gaec Vert de lait, avec deux actifs sur 70 ha et 60 UGB, le temps de travail s’élève à 1 140 h/an/actif, soit une astreinte de 32 h/UGB. En système lait de plaine, Idele donne la référence d’un temps d’astreinte de 47 h/UGB.

Chiffres clés

56 ha tout en prairies permanentes
70 vaches croisées (Holstein/montbéliarde/rouge suédoise/jersiaise)
Droit à produire 260 000 litres
Moyenne annuelle des taux : 36 de TB, 46 de TP
En 2021, 223 000 litres vendus, prix payé 480 €/1 000 l
EBE moyen de 75 000 € sur les cinq dernières années

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