« J’ai misé sur l’alimentation en libre-service et le robot de traite »
Didier Kérivel, éleveur dans le Finistère, atteint une efficacité du travail qui lui permet de produire un million de litres en combinant robot et alimentation en libre-service.
Didier Kérivel, éleveur dans le Finistère, atteint une efficacité du travail qui lui permet de produire un million de litres en combinant robot et alimentation en libre-service.
Simplicité et efficacité sont les leitmotivs de Didier Kérivel. Installé à Poullan-sur-Mer, dans le Finistère, l’éleveur a réussi à augmenter sa production alors que la main-d’œuvre se réduisait sur l’exploitation. Aujourd’hui, avec l’aide d’un salarié, il conduit un atelier naissage de 100 truies et produit 1 million de litres de lait, collectés par Laïta, sur une centaine d’hectares. Même si une partie des interventions culturales sont confiées à une ETA et à la Cuma, la charge de l’atelier porcin représente l’équivalent d’un temps plein. « La production laitière est assurée par l’équivalent d’une UTH », estime l’éleveur, qui, pour y arriver, n’a eu de cesse d’améliorer son organisation.
Lorsqu’en 2001, Didier Kérivel rejoint ses parents, il profite de sa mise aux normes pour couvrir l’aire d’exercice et transformer l’aire paillée en logettes. Pour produire les 600 000 litres de quotas, il améliore la salle de traite 2x4 en la passant en 2x5 avec décrochage. En 2006, quand ses parents prennent leur retraite et qu’il a l’opportunité de reprendre une exploitation avec 200 000 litres de quotas, Didier Kérivel met à plat le fonctionnement de son élevage, notamment en termes de charge de travail. Un salarié est embauché. Mais, l’éleveur ne touche pas au système d’alimentation en libre-service. « Quand mes parents se sont installés en 1975, ils avaient opté pour un accès aux silos en libre-service, explique-t-il. Comme ça fonctionnait bien, je ne voyais pas pourquoi changer de système, d’autant plus que ça me permet de gagner en efficacité. Le maïs n’est transporté qu’une fois, du champ au silo. Question distribution, rien de plus simple : un cornadis mobile suit l’avancement du front du silo où les vaches viennent manger directement. » Les silos seront redimensionnés pour s’adapter à la taille du troupeau, qui est arrivé progressivement à 100 laitières. Aujourd’hui, l’exploitation compte deux silos abrités de 8 m x 20 m et un troisième, plus petit, sur le côté du bâtiment, utilisé pour la complémentation estivale. Ces trois silos permettent à Didier Kérivel de conserver les 45 hectares de maïs nécessaires à l’alimentation du troupeau. À part le troisième petit silo, tout est sous le même toit : les logettes donnent sur l’aire d’exercice que les vaches traversent pour aller dans les silos en libre-service.
2,3 traites par vache par jour en moyenne sur l'année
En hiver, les vaches ont un accès libre au silo. Le maïs est complété par une balle d’enrubanné par jour, distribuée au râtelier. Cela représente à peu près 2 kilos par vache. La complémentation est distribuée au robot. « Le maïs est à volonté. Pourtant, je n’ai pas spécialement de problème de santé, apprécie l’éleveur. Les vaches se régulent. » Avec 15 ares par vache accessibles directement depuis la stabulation, le pâturage est bien présent dans leur menu annuel. « Il n’y a pas de porte de pâturage, précise Didier Kérivel. Le matin, je trie les vaches en retard de traite, ou à mammites. Puis, toutes les vaches sortent vers 9 h ou 10 h. Même en été, je les rentre la nuit pour qu’il n’y ait pas de retard au robot. Le restant de la journée, elles rentrent et sortent, vont à la traite à leur rythme. » En hiver, elles passent en moyenne 2,6 fois au robot. En période de pâturage, de mars à juin, puis en début d’automne, le nombre de traites diminue un peu. « La moyenne est à 2,3-2,4, chiffre Didier Kérivel. Mais ça reste suffisant. »
Régulation par les vaches
Même s’il suit l’avancement du silo, Didier Kérivel n’a pas une évaluation précise de la ration. « Cela fait bizarre mais je ne sais pas combien mes vaches mangent de maïs par jour. De leur consommation, je ne vois que l’effet par leur production, souligne-t-il. C’est vrai qu’avec le suivi journalier et individualisé par le robot, le pilotage est plus précis. On peut intervenir rapidement en cas de souci. » Ne pas distribuer la ration ne veut, évidemment, pas dire ne pas surveiller ses animaux. Au contraire, l’éleveur estime avoir plus de temps pour observer ses vaches. Avec une production moyenne qui avoisine les 10 000 kilos, il est satisfait de l’efficacité de sa ration. Côté économique aussi, le libre-service fait ses preuves. Didier Kérivel chiffre à 24 euros pour 1 000 litres son coût fourrager, et à 68 euros pour 1 000 litres celui des concentrés. « Maintenant je dois être à 75 euros, car j’ai augmenté l’apport pour gagner en lait », calcule-t-il. À ces coûts, ne s’ajoute pratiquement aucune charge de mécanisation liée à l’élevage : il n’y a ni pailleuse, ni désileuse. La seule charge est celle du raclage mécanique du lisier.
L’efficacité se joue aussi à la traite
Toujours pour gagner en efficacité, Didier Kérivel a aussi fait évoluer son mode de traite. Même avec le décrochage, la traite en 2x5 d’une centaine de vaches était chronophage. « C’était plus de cinq heures par jour. Cela devenait pesant, reconnaît-il. On a écouté des conseils, fait des visites dont une en 2011 en Suède pour voir des éleveurs équipés de robots. » Il lui faudra six ans pour repenser l’organisation interne de son bâtiment. Après avoir bien cerné ses besoins, l’éleveur envisage différentes options (agrandir la salle de traite, mettre un roto, robotiser la traite). Il prend le temps de réfléchir au plan de circulation et à la contention. « La contrepartie du libre-service, c’est qu’il est plus difficile de trier des vaches, reconnaît Didier Kérivel. Je ne peux pas toutes les bloquer au cornadis pour faire mon tri. En plus, je veux pouvoir trier seul. Il me faut donc un jeu de barrières et de cases efficace. »
Le bâtiment atteint désormais 60 mètres de long. « On a gardé le bâtiment d’origine mais on l’a agrandi trois fois », s’amuse Didier Kérivel. À chaque fois, les espaces ont été optimisés. Ainsi, l’ancienne salle de traite est devenue la nurserie. Depuis septembre 2016, la traite est assurée par deux robots Delaval. « Le gain de temps est énorme par rapport à la salle de traite. J’en ai pour une demi-heure à trois quarts d’heure le matin pour faire les vérifications. La réflexion a été longue mais je suis arrivé à avoir un bâtiment presque autonome dans son fonctionnement, apprécie-t-il. Je n’ai plus de manutention, la contention des vaches est efficace. Cela permet de se concentrer sur le suivi du troupeau, de gagner en efficacité. Car, pour s’en sortir, il faut toujours améliorer la productivité en lait par UTH. »
Des barrières pour trier seul
Le robot facilite le tri des vaches, que Didier Kérivel veut pouvoir faire seul. Après la traite, les vaches peuvent soit sortir vers les logettes, soit être dirigées vers une case pour celles qui seront inséminées ou échographiées, ou être obligées de passer par le pédiluve pour celles aux pattes fragiles. Par un jeu de barrières astucieusement placées, l’éleveur peut trier et isoler sans aide un animal.
Simplifier le paillage
Didier Kérivel a un mot d’ordre : efficacité. « Je ne veux pas déplacer les choses plusieurs fois, ne pas perdre du temps à trimballer des choses. » Comme pour le maïs, qui ne fait qu’un trajet du champ au silo, la paille est stockée sur son lieu d’utilisation. « Les rangées de logettes ont été espacées pour pouvoir stocker devant elles les balles rondes de paille, explique-t-il. Je les empile sur trois ou quatre hauteurs. Pour pailler, rien de plus simple : je coupe le filet et je fais tomber la paille de chaque côté. Elle atterrit directement sur les logettes. »