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Guerre en Ukraine : face au conflit Russie-Ukraine, le gouvernement présente un plan de résilience économique et sociale

Pour faire face aux conséquences du conflit armé russo-ukrainien et face à l’urgence, l’Etat français lance un plan de soutien à l’économie hexagonale. Il concerne notamment le secteur des céréales, des intrants et de l'alimentation animale.

Pour faire face aux impacts de la guerre en Ukraine, le gouvernement français lance un plan de résilience économique et sociale.
© Thierry Michel

« La guerre d’agression russe en Ukraine, ainsi que les sanctions d’une ampleur inédite prises par la France et ses partenaires à l’encontre de la Russie auront des conséquences économiques, prix de la défense des principes fondamentaux de l’intangibilité des frontières et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », a écrit Jean Castex, le Premier ministre, dans son introduction au « Plan de résilience économique et sociale. Face à l’urgence, l’Etat se mobilise », présenté le mercredi 16 mars 2022.

Pour contextualiser cette initiative et faire le point sur l’évolution récente des marchés de matières premières, Jean Castex note, qu’en matière agricole, « les pénuries d’approvisionnement sont écartées en France, mais la crise ukrainienne va aussi avoir des impacts immédiats et importants sur les filières agricoles françaises à l’amont comme à l’aval. En effet, l’augmentation en cours des prix de l’énergie, des cours des céréales et des intrants nécessaires aux productions végétales provoque des hausses importantes généralisées, qui frappent en premier lieu et d’ores-et-déjà l’alimentation animale, premier poste de charge d’une partie des filières d’élevage ». Le Premier ministre se projette aussi sur le plus long terme : « Pour les prochaines campagnes, un risque de rupture d’approvisionnement, notamment en engrais, ou l’incapacité à les financer existe, avec un effet potentiel sur le niveau de production agricole française 2022-2023. Au niveau international, dans la mesure où la Russie et l’Ukraine représentent 30 % du commerce mondial de céréales, des déséquilibres sur les marchés qui y trouvaient leur source d’approvisionnement sont à attendre, particulièrement sur les pays du pourtour méditerranéen qui disposent de réserves parfois très faibles en céréales ».
 

Des objectifs accompagnés de mesures

Concernant les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, c’est l’objectif 6 (sur 12 au total) du Plan de résilience qui concentre les initiatives intéressantes. Il vise à « apporter des soutiens ciblés aux secteurs les plus exposés à la hausse des coûts des intrants ».

Après avoir rappelé que « les agriculteurs et industriels des secteurs agroalimentaires sont également exposés à la hausse des coûts d’approvisionnement en matière première agricole et en énergie », le gouvernement se déclare « particulièrement attentif à ce que ces hausses de coûts soient répercutées rapidement au sein des filières, de l’amont vers l’aval. C’est notamment le cas en matière de relations commerciales entre les industriels et la grande distribution alimentaire ». Avant de préciser qu’eu égard « à la modification substantielle des conditions économiques, le gouvernement invite les industriels et les distributeurs à adapter leurs contrats sur la base d’un dialogue transparent et constructif entre les parties afin d’assurer la pérennité de la chaîne agroalimentaire. Parallèlement, le gouvernement incite à ce que les renégociations soient aussi menées dans les segments non couverts par la loi Egalim 2 ».

Afin de s’adapter à cette nouvelle crise, l’ensemble des acteurs de la chaîne agroalimentaire sera réuni prochainement par le ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance et le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.

Par ailleurs, le gouvernement met en place une aide aux éleveurs fortement impactés par l’augmentation forte du coût de l’alimentation animale, pour compenser, sur quatre mois et à compter du 1er avril, une partie de leurs pertes de marge, dans la limite des pertes de l’exploitation agricole.

« Ce soutien, représentant une enveloppe s’élevant, en fonction des évolutions du cours des matières premières (céréales, protéines) dans les prochaines semaines, jusqu’à 400 M€, permettra d’accompagner les élevages qui connaissent des pertes, le temps que les mécanismes des négociations commerciales dans le cadre d’Egalim 2 assurent la transmission à l’aval des hausses du coût de production des produits », assure le gouvernement.
 

Intrants critiques, transports, commerce extérieur et mesures générales

Autre objectif fixé dans ce nouveau plan, la sécurisation de l’approvisionnement en intrants critique. « Le plan de résilience visera à accélérer la diversification des approvisionnements dans les domaines énergétique, agricole et industriel, en mobilisant tous les leviers, réglementaires, financiers et en accompagnant les entreprises, y compris en utilisant l’ensemble des leviers dont nous disposons vis-à-vis de nos partenaires internationaux : démarches diplomatiques, mobilisation de la politique commerciale européenne, mise en place de coopérations internationales… », écrit le gouvernement. Dans ce cadre, un appel à manifestation d’intérêt transverse sera bientôt lancé pour réduire la dépendance aux productions russe, ukrainienne et biélorusse. Pour le volet agricole, il s’agit notamment des engrais ou encore des huiles et tourteaux de tournesol pour l’alimentation animale.

Pour accompagner les entreprises agricoles les plus exposées, un mécanisme sectoriel de déclaration puis de remboursement anticipé de la TICPE sera mis en place en complément de la remise carburant de quinze centimes s’appliquant à partir du 1er avril sur le GNR agricole. Concernant le transport maritime, « les mesures de renouvellement de la flotte française vers des navires plus économes (suramortissement vert, garantie de projet stratégique, garantie interne) ainsi que l’électrification à quai des ports va permettre de réduire la dépendance du transport maritime au prix des carburants ».

Les mesures économiques transversales du plan (prêt garanti par l'Etat, aides aux entreprises intensives en gaz et électricité) sont également accessibles aux entreprises agricoles et agroalimentaires exposées.

Les entreprises impactées par les mesures de restrictions des exportations, des importations et de leurs activités en général, ainsi que celles impactées par les perturbations du commerce international, disposeront, à partir du 21 mars 2022, d’un portail unique de contact (https://www.cci.fr/user/login?destination=/ukraine-impact-entreprises), accessible à partir du site des Chambres de commerce et d’industrie. Ce portail sera géré par l’ensemble des réseaux consulaires (industrie, métiers et artisanat, agriculture).

De plus, ce plan de résilience prévoit la prolongation, en cours de validation au niveau de la Commission européenne, du dispositif Cap Francexport mais aussi des dispositifs « chèque relance export » et « chèque relance VIE » (volontariat international en entreprise).

Afin de faciliter l’implantation en France d’activités permettant de sécuriser les approvisionnements et réduire les dépendances dans les secteurs agricole et agroalimentaire, le gouvernement engagera « des actions concrètes pour améliorer le suivi des projets d’implantations économiques sur le territoire, sécuriser les porteurs de projets et réduire les délais ». Ceci concerne aussi les procédures administratives ou encore l’information et la participation du public lors des implantations de certains projets… « Ces actions devraient permettre de réduire significativement les délais d’implantation ».
 

Souveraineté alimentaire de la France et de l’Europe

Le présent plan se place aussi dans le cadre européen s'agissant de la production agricole et alimentaire. « Dans le domaine agricole, l’Ukraine est devenue un fournisseur important de l’UE : le premier fournisseur notamment en ce qui concerne le maïs (57 % des approvisionnements), les tourteaux de tournesol (47 % des importations) et, dans une moindre mesure, le blé (30 % des importations). La Russie est aussi, mais à un moindre degré, un fournisseur important de l’UE en matière de blé (11 %) mais surtout de tourteaux de colza (50 %) ou de tournesol (34 %) », peut-on lire dans le plan. D’où la nécessité d’intensifier « les efforts pour développer les sources d’approvisionnement alternatives ».

À court terme « et de manière réversible », des mesures seront mises en œuvre pour la prochaine campagne afin de produire plus, avec notamment : la valorisation des jachères discutée au niveau européen ; la promotion de systèmes à trois cultures en deux ans pour accroître en particulier la production de fourrage et de protéines végétales ; un plan de lutte contre les dégâts de gibier sur les cultures stratégiques ; un suivi de l’irrigation afin d’optimiser la ressource en eau et parer à une sur-crise climatique.

Sur le plus long terme, « l’appel à projets "Capacités agroalimentaires 2030" de France 2030 sera ouvert avec pour double objectif de relocaliser des produits agricoles jugés stratégiques (engrais, produits transformés pour l’alimentation animale) et d’industrialiser les projets innovants soutenus par les stratégies d’accélération sur les agroéquipements et l’alimentation durable ».

Le plan rappelle les initiatives déjà mises en œuvre par la France, avec notamment la reconquête de la souveraineté en protéines végétales grâce aux 120 M€ du plan Protéines.

L’initiative France 2030 soutient également des projets de recherche, de développement et d’innovation pour renforcer la souveraineté en matière de protéines végétales, d’engrais organiques et de décarbonation des filières agricoles et agroalimentaires.

Du coup, le plan de résilience est « l’occasion d’accélérer cette transformation de long terme, au service de la souveraineté agricole et agroalimentaire ». Quatre axes et/ou plans sont lancés ou renforcés : la mise en œuvre d’un plan Souveraineté azote en privilégiant la production d’engrais verts et le développement de filières de valorisation d’engrais organiques ; le renforcement du plan Protéines végétales ; un plan Souveraineté énergétique agricole et alimentaire, pour accélérer le développement des énergies renouvelables (photovoltaïque et biomasse notamment) et la décarbonation de l’amont agricole et des industries agroalimentaires ; un plan français et européen Souveraineté fruits et légumes, associant étroitement les territoires ultra-marins.

Selon certaines estimations préliminaires retenues par le gouvernement, la hausse durable du coût des matières premières pourrait aboutir à une perte de pouvoir d’achat des ménages et à une baisse de leur consommation. Une hypothèse déjà avancée le 16 mars par l’Insee lors de la présentation de sa note de conjoncture de printemps. Le gouvernement estime aussi que le conflit russo-ukrainien pourrait coûter entre 0,25 et 1 point de PIB sur l’année 2022 (en fonction de différents modèles et modes de calcul), avant les mesures de soutien envisagées.

 

Les réactions au plan de résilience

L’Ania, au nom des industriels de l'agroalimentaire, s’est dite satisfaite du relèvement du plafond des prêts garantis par l’État et la possibilité du report des charges pour répondre aux besoins de trésorerie des entreprises, mais se montre plus circonspecte sur les modalités des mesures concernant le bouclier énergétique. L’association apprécie aussi l’idée de reprise des négociations avec le secteur de la grande distribution.
Pour Dominique Chargé, président de La Coopération agricole, « le plan de résilience annoncé ce jour par le gouvernement prend bien en considération les points critiques énoncés par La Coopération agricole sur les impacts du conflit russo-ukrainien, en prévoyant des mesures pour faire face à l'augmentation des coûts des matières premières agricoles et de l'énergie. Pour parer au plus urgent pour l'ensemble de la chaîne alimentaire, nous saluons particulièrement l'attention portée aux filières d'élevage, à la prise en charge partielle des surcoûts du gaz et de l'électricité. Nous saluons également la volonté de rouvrir les négociations commerciales que nous avons appelées de nos vœux, compte-tenu de l'inflation subie par les entreprises. A moyen terme, les mesures avancées pour sécuriser l'approvisionnement en engrais, la production de protéines végétales ainsi que le développement de notre autonomie énergétique sont parmi les axes majeurs pour assurer demain notre souveraineté ».
Pour la FNSEA, principal syndicat d’exploitants agricoles, ce plan constitue « un premier pas indispensable pour continuer à produire » et salue « l'intégration du secteur agricole et agroalimentaire dans le plan ». Les soutiens directs et rapides pour compenser l'augmentation des coûts d'alimentation animale ou du prix du gaz et de l'électricité étaient une réponse attendue par les agriculteurs, mais le syndicat regrette le niveau de compensation retenue pour parer à la hausse du prix des carburants, surtout en période de reprise des travaux au champs. La FNSEA salue « avec force » l’appel à reprendre des négociations commerciales pour tenir compte des différentes hausses de matières premières et se félicite des propositions concernant le déblocage des situations qui freinent la production, la production d'intrants en France, le développement de la production d'énergies renouvelables et le renforcement du plan Protéines, autant de « signaux positifs pour les agriculteurs français ».

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