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Transmission familiale : comment trouver sa place après sur l’exploitation ?

Transmettre son exploitation agricole à un repreneur familial n’est pas qu’une démarche purement comptable, fiscale ou patrimoniale. Se pencher sur les enjeux humains est essentiel pour préserver l’entente familiale.

La transmission d'une exploitation agricole familiale revêt des enjeux humains à prendre en considération.
La transmission d'une exploitation agricole familiale revêt des enjeux humains à prendre en considération.
© G. Omnès

S’il y a un domaine dans lequel on ne peut pas appliquer de règles toutes tracées, c’est bien l’humain. Et quand il est question de transmission d’une exploitation agricole, omettre de se pencher sur ce volet peut vite entraîner une dégradation des relations familiales.

Faire rimer transmission avec communication doit donc se situer au cœur de la feuille de route du futur cédant et de son repreneur familial. « Tout ce qui gravite autour de l’accompagnement humain du renouvellement des générations en agriculture sont des préoccupations qui émergent à l’échelle nationale », confirme Jeanne Martin-Savi, conseillère au Point accueil installation transmission des Landes.

Avoir trouvé un repreneur familial ne dispense pas du besoin de communiquer, bien au contraire. « Laisser la place à son enfant repreneur peut-être tout aussi difficile que dans le cas d’une transmission hors cadre familial », affirme Édith Chardon, chargée de mission installation transmission à la chambre d’agriculture Centre-Val de Loire. Dans le projet de transmission, il faut donc se pencher sur sa place dans l'exploitation, une fois que le repreneur sera à la barre.

L’après-cessation d’activité au cœur des enjeux

« Souvent, les futurs cédants ne se posent pas la question de l’après cessation, souligne Laurent Antoine, responsable stratégie et pilotage à la chambre d’agriculture de Haute-Marne. Certains ont des activités annexes, comme la chasse, des engagements d’élus locaux ou des passions comme les voyages. Pour d’autres, l’exploitation est au cœur de leur quotidien depuis quarante ans, c’est donc plus difficile de se projeter. »

Pourtant, pour le cédant, il sera nécessaire de réfléchir à son projet de vie après cessation d’activité, et surtout d’en échanger avec le repreneur. Si la coupure nette avec l’exploitation agricole est une option qui se démocratise chez les retraités agricoles, beaucoup d’entre eux vont néanmoins rester « filer un coup de main » à leur successeur. C’est sur ce point que la vigilance et surtout une bonne communication sont de rigueur.

Léa, jeune agricultrice trentenaire qui a souhaité conserver l’anonymat, a repris la ferme familiale en grandes cultures et a opté pour le salariat de son père pour des raisons de sécurité, en cas de pépin. « J’ai toujours affirmé qu’à la reprise de la ferme familiale je voulais être autonome en termes de main-d’œuvre, ne pas être dépendante de l’aide de mes parents, relate l’agricultrice. Je considère qu’ils méritent de profiter de leur retraite. Mon père donnant souvent un coup de main, je lui ai proposé un contrat de travail à mi-temps. »

Son installation, minutieusement préparée, portait une grande attention aux principaux enjeux patrimoniaux, fiscaux, comptables, sans oublier l’équité entre frères et sœurs. Néanmoins, l’un des volets semble ne pas avoir été suffisamment abordé en amont de la transmission : l’aspect humain. « Le 31 décembre mon père a pris sa retraite et le 1er janvier rien n’avait changé, témoigne Léa. Il a mis ses bottes comme chaque matin pour aller travailler. »

Dès lors, la jeune agricultrice et son père se trouvent tous deux en difficulté pour trouver leur place. Tandis que le cédant s’attend à pouvoir transmettre des conseils, trucs et astuces, tout en continuant à être utile, à travailler au même rythme qu’auparavant, sa fille souhaite pouvoir organiser son temps de travail comme elle le souhaite, appliquer ses propres méthodes, en concertation avec le chef de culture, recruté dans l’idée d’offrir une vraie retraite à son père.

Un coaching pour mieux gérer les conflits

Au fur et à mesure de l’intensification des tensions entre père et fille, cette dernière pense à tout abandonner et se tourne alors vers son centre de gestion pour faire part des difficultés relationnelles rencontrées. Cet échange met alors en exergue la nécessité d’un accompagnement spécialisé. « Je bénéficie depuis d’un coaching pour travailler sur comment trouver ma place, les bases de la communication, le respect, détaille Léa. Les non-dits, la pudeur, les tabous, ce sont des cailloux dans l’engrenage. »

Grâce à ce coaching, la jeune agricultrice a pu mieux cerner l’origine des difficultés relationnelles qui engendrait un climat de tension au sein de l’exploitation, et échanger de manière plus sereine avec son père. Pour Dominique Lataste, psychosociologue et formateur au sein du cabinet Autrement dit (qui intervient notamment auprès de chefs d’entreprises agricoles), la transmission soulève aussi la question du pouvoir. « Le cédant doit se préparer : souhaite-t-il ou non rester sur l’exploitation, comment va-t-il laisser sa place au repreneur, interroge le spécialiste. L’enfant aura-t-il le pouvoir de décision ? Un aspect important est d’accepter les aspirations de la nouvelle génération, avec de plus fortes préoccupations sur l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle. »

Léa confirme ces différences de perception et surtout d’organisation. « On ne comprend plus vraiment cet état d’esprit de vouloir toujours être au travail, souligne-t-elle. Mon père a consacré sa vie à son métier. De mon côté, je suis aussi passionnée mais j’ai d’autres attentes, comme l’envie d’avoir une vie à côté. Ça demande donc une organisation différente au quotidien. » Pour Léa, cette question de l’humain devrait trouver une place prépondérante dans les projets d’installation et de transmission. « Régler une charrue, on y arrivera toujours, illustre-t-elle Gérer de l’humain, il n’y a pas d’école pour ça ! ».

Pour Anne Vermeersch, chargée de mission à la chambre d’agriculture de l’Oise, le fait d’écrire les choses, après avoir discuté, peut être un bon moyen pour que le cédant puisse laisser sa place plus facilement. « Le futur retraité a souvent en tête que le repreneur a besoin d’aide. De son côté, il faut que le jeune installé soit partie prenante et qu’il puisse s’organiser comme il l’entend, explique la conseillère. Le fait de cadrer un peu, par exemple lorsque le cédant est salarié, de fixer des horaires de travail, permet de mieux respecter les attentes de l’un et de l’autre. » Elle ajoute que recourir à une personne extérieure, avant d’en arriver à des clashs, s’avère parfois suffisant pour clarifier les choses.

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