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Surmonter les difficultés sur sa ferme : « On peut maintenant regarder vers l'avenir »

Les exploitations de grandes cultures ne sont pas à l’abri des difficultés économiques. Des associations épaulent les agriculteurs pour les aider à rebondir. Le principal étant de réagir avant qu'il ne soit trop tard.

La réalisation d'un audit est la porte d'entrée pour solliciter une série d'aides. © J. Chabanne
La réalisation d'un audit est la porte d'entrée pour solliciter une série d'aides.
© J. Chabanne

Ce n’est pas parce qu’elle est spécialisée en grandes cultures qu’une exploitation céréalière est à l’abri des difficultés. Pour ce type de production, les problèmes de trésorerie sont rarement issus d’une unique raison. « Souvent, le problème financier est le fruit d’une combinaison de facteurs : soucis de santé, épreuve familiale, mésentente entre les associés, crise économique, organisation du travail, aléas climatiques et difficultés économiques », commente Sylvie Douchet, directrice de Réagir-Agri’collectif 60, structure qui aide les exploitations en difficulté dans l’Oise.

Concrètement, les difficultés sont avérées quand le fonds de roulement diminue et ne permet plus de couvrir les charges : c’est un indicateur très net d’une dégradation de la trésorerie. C'est aussi quand le ratio EBE/produit passe sous la barre des 25 %. Plus concrètement, « le signal d'alarme, c'est quand on commence à décaler le paiement de ses factures et que la dette fournisseur augmente », précise Xavier Larchevêque, directeur de Atex - Agri'collectif de l'Eure.

L'effet « Au nom de la terre » sur le grand public

Pour exprimer un mal-être, la MSA dispose d’un service téléphonique, le 09 69 39 29 19, qui permet de dialoguer avec un professionnel 24 heures sur 24. Au-delà d’un contact téléphonique anonyme avec une plateforme, des associations existent dans la plupart des départements, qui épaulent les agriculteurs en difficulté. Deux réseaux existent en France. Certaines associations sont pilotées par les chambres d’agriculture départementales, dans le cadre d’un partenariat APCA-FNSEA, et sont fédérées au sein du réseau Agri’collectif.

Les autres sont des antennes de Solidarité Paysans, issues de la Confédération paysanne. Depuis la sortie du film d’Édouard Bergeon « Au nom de la terre », elles bénéficient d’une belle notoriété auprès du grand public et sollicitent la reconnaissance du statut d’utilité publique. Quelle que soit leur obédience, ces structures interviennent à la demande de l’agriculteur et dressent un état des lieux de leur situation, rencontrent les partenaires et font jouer leurs réseaux. « Tout le monde a intérêt à ce que les agriculteurs aillent mieux, commente Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA. On peut protéger les biens propres de l’agriculteur ou avoir un étalement de la dette sociale ou fiscale. »

Réagir vite même si la démarche est difficile

Mais s’adresser à l’une de ces associations reste une démarche difficile à réaliser. Le poids du regard des autres et le sentiment d’échec pèsent lourd. « Quand on va mal, on est un peu perdu. On a souvent honte de sa situation et on coupe les liens. Nous sommes là pour remettre du relationnel avec les partenaires et redonner confiance à l’agriculteur, explique Sylvie Douchet. Le prérequis est que l’agriculteur nous contacte lui-même. »

Rapidement, les associations mettent en place un plan d’action avec l’agriculteur, avec des objectifs et des dates. « La réalisation d’un audit est la porte d’entrée pour solliciter une série d’aides, la mise en place d’un échéancier et apporter des conseils techniques », précise Xavier Larcheveque. « Les agriculteurs adhèrent à notre association pour une période de trois ans. À l’issue de cette période, la situation doit avoir été redressée. » Ce dernier observe que « plus l’agriculteur nous sollicite rapidement, plus il est facile de résoudre des problèmes ».

Solidarité Paysans insiste sur les vertus d’un changement de modèle pour s’en sortir. « Nous aidons l’agriculteur à s’interroger sur un changement de ses pratiques. Un système plus indépendant sur le plan économique et limitant la productivité rend plus supportable le plan de redressement. Majoritairement, c’est le modèle qui explique les difficultés », explique Patrick Bougeard, président de Solidarité Paysans.

Les résultats probants des procédures collectives

Pour sortir de l’ornière, les procédures juridiques, dites procédures collectives, peuvent constituer une aide précieuse. En stoppant le règlement des encours, elles constituent une véritable bouffée d’oxygène. En 2016, 1165 sauvegardes, redressements et liquidations judiciaires ont été comptabilisés en agriculture.

« Le dépôt de bilan permet de faciliter les choses. Un redressement judiciaire donne deux ans pour réfléchir et sortir de la crise, indique Patrick Bougeard. Les procédures collectives ne sont pas conduites par des gens qui vous jugent mais qui vous protègent. Les tribunaux de grande instance sont attentifs à la situation des paysans. » Chaque fois, l’objectif reste de pérenniser les exploitations, en les adaptant. Les résultats sont assez probants. « Nous pérennisons 60 à 70 % des postes de travail », relève Patrick Bougeard.

À signaler, lorsque l’exploitant se trouve en procédure de liquidation judiciaire et qu'il souhaite céder, il est admis, dans certain cas, le caractère extrapatrimonial du bail rural, alors que cela est parfaitement interdit dans toutes les autres situations. « C’est une dérogation unique au droit du bail », explique Gautier Deramond de Roucy, avocat expert en droit rural. Dans cette seule situation, le bail peut être cédé à un candidat choisi par le tribunal. « Le propriétaire peut se voir imposer un repreneur, à moins qu’il ne propose un candidat ou décide d’exploiter par lui-même ». Le repreneur n’aura pas à se soumettre au contrôle des structures.

L’aide au répit pour souffler

Au-delà d’éventuels allégements de charges, la MSA propose des aides aux répits aux agriculteurs à bout de souffle, toute filière confondue. Ce dispositif permet de mettre en place un service de remplacement sur la ferme et de sortir de son exploitation pour souffler, seul ou en famille, dans un centre de vacances. Durant ce séjour, les participants peuvent échanger avec des professionnels de santé.

S’y retrouver dans les procédures collectives

On distingue trois grandes catégories de procédures collectives : la sauvegarde, le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire. La sauvegarde est volontaire et intervient avant la cessation de paiement. La sauvegarde ouvre une période d’observation qui permet de cerner l’origine des difficultés. À l’issue de cette période, l’entreprise est mise en redressement ou bénéficie d’un plan de sauvegarde.

Avec le redressement s'ouvre une période de suspension des poursuites. Le redressement peut être requis par le ministère public, un créancier ou le dirigeant. Il entraîne généralement la nomination d’un administrateur, qui se substitue au chef d’entreprise dans la gestion quotidienne. Un plan de redressement est défini, en accord avec les créanciers. Il peut permettre d’échelonner la dette et de sauver l’entreprise. Si l’activité de l’entreprise est compromise et que les dettes sont trop importantes, il peut y avoir l’ouverture d’une liquidation judiciaire. À ce stade, soit un repreneur se manifeste, soit les actifs de la société sont vendus.

AVIS D'AGRICULTEUR : Nicolas Cottin, 150 ha de grandes cultures au Chesne, Eure

« Plus on attend, pire c’est »

« Je suis agriculteur depuis 2005 et en 2015, j’ai repris l’exploitation de mon père, soit 76 hectares mais le transfert de DPB n’a pas été fait et a généré une perte importante, de l’ordre de 20 000 euros par an. On m’a d’abord dit d’être patient, puis que c’était trop tard. Les récoltes de 2016 et 2017 n’ont fait qu’amplifier la situation. Je ne pouvais plus faire face à mes échéances. C’est la DDTM qui m’a donné le numéro de l’Atex(1) et j’ai appelé tout de suite pour trouver une solution. Je crois que plus on attend, pire c’est.

J’ai pris ça comme une aide et c’est vrai que personne ne conseille comme eux. Ils savent frapper aux bonnes portes, délivrent plein de ficelles pour sortir du problème et comprennent vite ce qui va et ne va pas. Avec un conseiller à mes côtés, j'ai pu renégocier mes prêts. Je me sentais moins seul face à la banque. Pour le reste, je n’avais pas trop de dettes et mes fournisseurs ont accepté de faire des échéanciers.

Le plus dur, c’était 2018. Maintenant, mes résultats reviennent dans la limite du positif et les rendez-vous avec le conseiller de l’Atex se limitent à un rendez-vous par an. On va pouvoir regarder maintenant vers l'avenir. J’espère pouvoir prendre un peu de vacances en famille. Je ne suis pas parti depuis 2006. On travaille pour vivre, on ne vit pas pour travailler. »

(1) Association d’accompagnement des exploitations fragilisées de l’Eure, membre du réseau Agri'collectif.

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