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Stockage des céréales bio : « J’ai investi dans le triage et le stockage pour mieux valoriser ma production »

Romain Lhopiteau cultive des céréales et autres cultures diversifiées en agriculture biologique. Il a adapté son stockage pour mieux valoriser ses productions, en aménageant l’existant et en investissant dans des équipements de triage et de ventilation.

Le choix du trieur adapté à ses productions spécialisées est primordial pour garantir la qualité des grains et mieux les valoriser.
Le choix du trieur adapté à ses productions spécialisées est primordial pour garantir la qualité des grains et mieux les valoriser.
© H. Challier

En agriculture biologique, il peut être difficile de disposer de silos coopératifs à proximité de la ferme. C’est cette première contrainte qui a incité Romain Lhopiteau, agriculteur à Néron, au nord de l’Eure-et-Loir, au sein de la ferme familiale convertie au bio depuis 1978, à investir dans une unité de stockage et de triage à la ferme en adaptant l’existant. « Les bâtiments de la ferme sont classés aux monuments historiques, donc je ne peux pas effectuer certains travaux », explique l’agriculteur. Avec ce corps de ferme qui appartenait jadis à Madame de Maintenon, favorite du roi Louis XIV, pas question d’installer des panneaux photovoltaïques sur la toiture ou encore d’effectuer d’importantes modifications architecturales. Romain Lhopiteau a toutefois souhaité apporter une nouvelle corde à son arc en stockant sa production à la ferme tout en étant en capacité de trier les grains, pour une qualité optimale, et dans un objectif de valorisation, notamment en circuit court.

Des investissements ont été réalisés il y a trois ans, à hauteur d’environ 100 000 euros. Ils s’inscrivent également dans un but de valorisation économique de pratiques agronomiques vertueuses comme les cultures associées, qui permettent de limiter le salissement des parcelles et réduisent les risques liés aux ravageurs ou aux maladies. Si la finalité du projet était claire, l’agriculteur a dû relever le défi de s’adapter à une production végétale très diversifiée, avec un assolement de 160 hectares, dont 100 hectares irrigables, composé, en plus des traditionnels blé, orge, maïs, triticale, pomme de terre et betterave, de cultures comme l’avoine blanche, la féverole, la lentille verte, le lin et la luzerne. « Pour assurer une meilleure conservation, il fallait que je puisse stocker des céréales déjà nettoyées. J’ai donc adapté le stockage existant, mis en place par mon grand-père dans une ancienne bergerie, et investi dans un système de triage », indique Romain Lhopiteau.

Romain Lhopiteau, producteur en agriculture biologique, a conçu un véritable atelier de triage et de stockage de ses grains à la ferme.
Romain Lhopiteau a conçu un atelier de triage et de stockage de ses grains à la ferme avec des contraintes techniques importantes : ses bâtiments sont classés aux monuments historiques. © H. Challier

Trieur, élévateur, ventilateur

Partant des quatre cellules présentes, l’agriculteur a modifié les installations pour en obtenir six, dont deux cellules de 384 m3 et quatre cellules de 100 m3, lui permettant ainsi de stocker une plus grande diversité de graines. Romain Lhopiteau a longuement mûri son projet pour tenir compte des objectifs qu’il s’était fixé, dont le fait de valoriser une production de qualité tout en partant des contraintes du bâtiment existant. « J’ai investi dans un trieur Zanin PSC10 d’une valeur de 25 000 euros avec un débit de 30 tonnes par heure, afin de suivre le débit de la moissonneuse. Un autre trieur alvéolaire permet un nettoyage plus précis pour le triage des semences et la valorisation en vente directe. L’investissement comprend également l’élévateur, mais aussi, le montage du projet avec l’adaptation des cellules existantes », détaille l’exploitant agricole.

Faire appel à un concepteur spécialisé lui a permis d’étudier plusieurs projets pour finalement opter pour celui qui convenait le mieux à ses attentes. Le fait de pouvoir nettoyer les graines et d’organiser le déstockage lui apporte l’avantage de pouvoir travailler directement avec les meuniers sans passer par un organisme stockeur. Autre intérêt du triage sur site : la valorisation des cultures associées semées en mélange et récoltées en même temps, par exemple les mélanges triticale et féverole, ou encore orge et pois ou seigle et lentille. Le trieur est en capacité de séparer des graines d’orge et de blé. En cas de problème de vesce, le triage est également particulièrement utile. Durant la phase de stockage, pour assurer le refroidissement des grains, l’utilisation d’un ventilateur se fait trois fois par an : à la moisson, à l’automne et en hiver.

Ergonomie et fonctionnalité

Pour Romain Lhopiteau, la conception et l’organisation du stockage avec triage doivent être fonctionnelles au quotidien. L’aspect ergonomique était donc un critère. « L’objectif est d’éviter de devoir manipuler les sacs, explique l’agriculteur. Je dispose également d’un transpalette électrique. » La plateforme en bois construite par un charpentier est sécurisée, équipée d’un escalier, et permet d’effectuer aisément toutes les tâches liées au stockage et au déstockage. « Pendant la moisson, mon salarié est au volant de la moissonneuse-batteuse et moi, je m’occupe des remorques et du stockage à la ferme », précise Romain Lhopiteau.

Lorsque la remorque arrive, les grains vidés dans la fosse remontent grâce à l’élévateur qui les conduit à la cellule. Au niveau des déchets, un compostage est prévu. Le petit blé est quant à lui valorisé auprès des particuliers en aliments pour les poules. Le seul bémol concernant son installation actuelle est le vidage des cellules qui sont à fond plat et carrées et qui nécessitent donc de pelleter. Une suceuse à grains pourrait donc s’avérer intéressante, mais nécessiterait un nouvel investissement.

Une ferme diversifiée dans le tourisme, l’activité équine et la vente directe

La ferme au colombier abrite une boutique du terroir, avec une part de produits en achat revente et le reste en produits de la ferme. Romain Lhopiteau commercialise ses pommes de terre, lentilles et lin, ainsi que ses farines, transformées via un contrat de sous-traitance par la coopérative Biocer. Cette dernière lui rachète le reste de sa production. L’activité d’hébergement à la ferme, qui comprend gîte, chambre d’hôtes et salle de réception, est un bon moyen d’entretenir les bâtiments du corps de ferme. Enfin, l’activité équine comprend l’élevage de chevaux et la pension, avec 20 hectares de prairies.

« Nous établissons un cahier des charges prenant en compte l’existant et ce que souhaite le porteur de projet »

Philippe Menant, gérant de la société Maillard, spécialisée dans la conception et la réalisation sur mesure de projets de conservation et de transformation des grains, témoigne :

« Avant toute chose, nous conseillons aux agriculteurs intéressés par une installation de triage dans un stockage à la ferme de bien mûrir leur projet. Il faut déjà avoir une idée de la diversité des espèces concernées et des volumes à stocker pour chaque espèce. Par exemple, il faut savoir si l’agriculteur a besoin de pouvoir stocker 200 tonnes de blé tout en prévoyant de quoi stocker de plus petites quantités pour les cultures comme le chia, la cameline, etc. Il faut pouvoir être en mesure de traiter, en triage ou en séchage, toutes les productions stockées. Ensuite, la méthodologie consiste à faire un cahier des charges prenant en compte l’existant et surtout ce que souhaite le porteur de projet. Nous fonctionnons comme des architectes pour accompagner nos clients, avec un travail de bureau d’études. Il faut souvent composer avec des bâtiments exigus et des poutres.

Les possibilités techniques vont prendre en compte ces contraintes en fonction des installations recherchées pour le projet en question, que ce soit un séparateur de premier niveau, un trieur optique ou un trieur alvéolaire, ou encore les élévateurs. L’ergonomie est aussi un critère primordial concernant la manutention que ce soit dans les zones de réception, de triage ou d’épicerie. Le poste de triage, c’est le cœur de l’ouvrage. On va donc concevoir des plateformes très ergonomiques, car l’agriculteur y passe beaucoup de temps et ne peut pas forcément déléguer ces tâches à un éventuel salarié. Il faut réfléchir à l’éclairage et aux rangements. La réflexion technico-économique s’intègre à la conduite du projet. Avec des projets de triage qui peuvent nécessiter un investissement entre 150 000 et 400 000 euros, nous montons des dossiers de demande de subvention pour que nos clients puissent être soutenus. Selon les régions, l’aide est plus ou moins importante. Il peut être complété par d’autres aides dès lors que le projet devient pédagogique et le silo visitable. À cela s’ajoute le fait d’apporter de plus fortes plus-values sur les productions dès lors que l’agriculteur devient pointu sur le tri et la propreté de ses grains. »

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