Se sécuriser en diversifiant et en associant
Du trèfle en semis sous couvert, des associations céréales-protéagineux... Pour 2017, François Mellon est plus que jamais décidé à ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.
Résumons : par rapport à une année normale, les rendements de François Mellon sont globalement divisés par deux. « J'ai fait entre 20 et 25 q/ha pour toutes mes cultures, relate-t-il. La seule bonne surprise vient des lentilles, avec 18 q/ha. » En cameline, culture à forte valeur ajoutée qu'il transforme, il n'a pu récupérer que 300 kg/ha, soit un total de 1,5 tonne. Or il lui faut quelque 4 tonnes pour fournir ses clients. L'agriculteur va devoir s'approvisionner en dehors de sa ferme, une première. « Je vais déroger à mes principes, explique-t-il, mais c'est la seule solution. » L'année est mauvaise, mais l'agriculteur ne se plaint pas : ses blés ont des PS de 80 kg/hl, et surtout, les prix en bio restent corrects : « on est en déficit sur quasiment toutes les cultures, précise-t-il. Nous n'avons pas comme en conventionnel la triple peine, pas de volume, pas de qualité, pas de prix ».
La rémunération de la luzerne pas à la hauteur en 2016
Toutefois François Mellon reste lucide. D'ici 2018, les prix des céréales bio pourraient pâtir de l'augmentation du nombre d'agriculteurs entrés en conversion en 2015. Sa récente déception en luzerne l'a échaudé. « Pour la récolte 2015, nous avons été payés au final 40 euros/t pour un rendement de 7 tonnes/ha. Ça ne couvre même pas le coût de l'engrais apporté. » Cette plante qui avait aidé François Mellon à sauter le pas du 100 % bio pourrait bien être réduite à la portion congrue. En 2017, il n'en restera que 14 hectares, contre 38 en 2016. « Un tiers de la ferme avec une même culture, c'est trop dangereux, estime-t-il. C'est un peu ça le problème de l'année : lorsque l'on est trop spécialisé, on est vulnérable. La diversification est primordiale. » Idem pour les débouchés : l'agriculteur a trouvé un éleveur qui lui prendra tout ou partie de sa récolte, selon ce que lui proposera l'usine qui ne sera plus son seul client.
Du trèfle pour apporter de l'azote et assainir les parcelles
Autre enseignement de l'année : l'intérêt des cultures associées. « J'ai récolté pour la première fois un mélange triticale/pois, que j'ai semé à l'automne, raconte l'agriculteur. J'ai obtenu 10 quintaux/ha en triticale et 7 q/ha en pois. Les pois étaient debout grâce au triticale, plutôt moins malade qu'en variété pure, et la parcelle était propre. » Un vrai bon point pour une année très dif f icile sur le plan du désherbage. François Mellon a aussi tenté le semis sous couvert de trèfle. « Pour 20 euros/ha de semences, 4 kilos/ha à 5 euros, je récupère 60 unités d'azote pour la culture suivante et les parcelles sont propres, explique-t-il. Pour moi qui suis à la recherche d'une plus grande autonomie, c'est parfait. » 2017 sera donc l'année du trèfle : il accompagnera orge et blé de printemps. Ce sera aussi l'année du seigle, une culture que François Mellon veut développer sur sa ferme.
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L'assurance va limiter le manque à gagner
Malgré son optimisme, François Mellon va affronter une campagne compliquée. « J'ai quasiment 50 % de pertes de rendement, soit 750 euros/ha de produits en moins », explique-t-il. L'assurance climatique va l'aider. « J'y souscris depuis qu'elle existe. Assurance grêle comprise, cela me coûte 42 euros/ha par an. Pour moi, c'est indispensable en bio compte tenu des risques techniques. » L'agriculteur devrait toucher 350 à 400 euros/ha car il a pour la première fois racheté 15 % de sa franchise. S'il n'a pas d'encours chez ses fournisseurs, François Mellon a des prêts. « J'ai renouvelé mon tracteur l'an dernier, signale-t-il. Il avait plus de vingt ans. Je l'ai financé par un prêt. » Pour cette campagne, l'exploitant a pu négocier avec sa banque. Il ne remboursera que 80 euros/ha d'annuités.