Experience
« Se démarquer du tout-venant du marché mondial»
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Dans le Pays-de-Caux, Marc Rabourdin fait rimer forte productivité avec qualité et respect de l´environnement. Il privilégie les débouchés à haute valeur ajoutée.
En agriculture, écologie et productivité sont deux notions contradictoires aux yeux de la plupart de nos contemporains. Chez Marc Rabourdin, agriculteur dans le Pays-de-Caux à trois kilomètres des falaises de craie, elles vont de pair. Elles sont même à ses yeux indissociables. Sans rentabilité économique, l´agriculture ne peut remplir durablement son rôle environnemental. Mais sans une bonne image, il est difficile de tirer de la valeur ajoutée des produits agricoles. « L´image « produit de Normandie » ou « Agriculture française » est source de valeur ajoutée à condition de développer et de préserver un environnement de qualité ».
Ce sont donc là les deux pans de la stratégie de ce fils de médecin installé depuis 1985. D´abord produire en respectant les paysages, le sol, la biodiversité... Ensuite obtenir de la valeur ajoutée en misant sur l´image et le goût des produits. « Nous devons pouvoir être fiers et responsable de nos pratiques. Je souhaite que mes produits soient associés à l´environnement que je préserve », explique-t-il. Idées vaines et inapplicables diront les plus pessimistes ? Elles se déclinent pourtant au quotidien dans cette exploitation.
Sur 90 hectares, les cultures de printemps, lin, betteraves, carottes et pommes de terre, dominent l´assolement et se succèdent en ne laissant place qu´à vingt hectares de blé.
Ces productions à fortes marges bénéficient pour une bonne part de l´environnement favorable de la région : fort potentiel agronomique, terroir privilégié pour le lin, sucrerie à Fontaine-le-Dun, coopérative légumière Lunor. Mais, Marc Rabourdin n´a jamais vraiment compté sur l´agrandissement pour développer son exploitation. Non issu du milieu agricole, il témoigne avoir « eu la chance de trouver des prédécesseurs qui défendaient un véritable projet d´installation pour un jeune. Sans quoi leur ferme aurait été démembrée ». Et il compte bien un jour la transmettre à son tour.
Pour l´heure, avec un produit brut moyen approchant 22 000 francs par hectare sur les quatre dernières années, la pérennité économique de son entreprise n´inspire pas d´inquiétudes. Des choix clairs expliquent cette réussite. « Je privilégie le travail avec les coopératives et les circuits bien organisés dans lesquels les agriculteurs gardent un certain pouvoir de décision ». Du blé pour la filière « Pain Normand », aux légumes pour le marché du frais et la transformation sous contrat, toutes les productions trouvent un débouché valorisant. Elles répondent à des cahiers des charges et les procédures de traçabilité se mettent progressivement en place. A titre d´exemple, le lin est engagé avec la coopérative Terre de Lin dans la qualification Agriconfiance ou encore les pommes de terre entreront à partir de l´an prochain dans la démarche Tracenet du CNIPT (1).
CTE de 200 000 F sur cinq ans
Marc Rabourdin est associé en Cuma avec cinq autres agriculteurs pour la station de lavage et de triage des carottes. En parallèle, ils ont constitué un groupement d´employeurs, qu´il préside, pour embaucher trois salariés. Dans le cadre d´un autre groupement, cette fois composé de neuf agriculteurs, fut créé un poste de maçon pour assurer l´entretien des bâtiments d´exploitation.
L´approche de Marc Rabourdin est globale. Après sa participation dans la démarche plan de développement durable (PDD) mise en place par la Chambre d´agriculture et l´adhésion à des mesures agri-environnementales, elle a trouvé un point d´orgue dans la signature, en décembre 2000, du premier contrat territorial d´exploitation (CTE) du Pays de Caux. Celui-ci représente un montant de 30 500 e (200 KF) sur cinq ans. Sur son volet économique, il a concerné l´équipement d´un stockage à pommes de terre réfrigéré et l´aménagement de cellules à blé. Le volet environnemental poursuit les actions entreprises de longue date contre l´érosion des sols et la pollution des eaux. En près de quinze ans, cet agriculteur a réussi à faire d´une exploitation de taille relativement modeste une entreprise rentable créatrice d´emploi. Se rapprocher des consommateurs, privilégier des productions de qualité et préserver un paysage vecteur d´image sont ses trois axes de travail. Ceux-ci répondent à une idée finalement simple : « se démarquer du tout-venant qu´on trouve sur les marchés mondiaux en faisant ici ce qui est impossible ailleurs ».
(1) Comité national interprofessionnel de la pomme de terre.
Lien direct du producteur au consommateur Une filière courte, le « Pain Normand »
Née de l´initiative de quelques producteurs de Seine-Maritime, la filière « Pain Normand » regroupe aujourd´hui dix neufs agriculteurs, trois meuniers et une centaine d´artisans boulangers.
Le cahier des charges impose Camp-Rémi en variété pure. « Éviter les mélanges facilite la traçabilité des lots de farine », explique Marc Rabourdin. L´usage de l´atrazine est interdit sur toute l´exploitation ainsi que les insecticides pendant le stockage. Les meuniers agréent les lots qu´ils retiennent et suivent le grain à la trace pour élaborer une farine de qualité. Cette filière bénéficie de la collaboration de l´Institut national de la boulangerie et de la pâtisserie (INBP) de Rouen.
Elle fut créée il y a cinq ans par l´association « Les défis ruraux », propriétaire de la marque. Celle-ci a pour objet de « promouvoir les initiatives des ruraux pour maintenir des campagnes vivantes et accueillantes » en Seine-Maritime. Ses activités vont de la création de filières économiques courtes, la formation, à l´accompagnement au montage de CTE ou encore à des opérations de protection de l´environnement.
« Pain Normand » ©DR |
Le numéro de l´agriculteur qui a fourni le blé figure sur les sacs de farine.