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Retraité agricole : quel statut pour donner un coup de main sur l’exploitation ?

Pour plus de sérénité, que ce soit face à un risque d’accident ou pour éviter toute accusation de travail dissimulé, le statut des retraités agricoles qui viennent prêter main-forte à leur repreneur doit faire l’objet d’une attention bien particulière.

Un senior au volant d’un tracteur durant la récolte estivale : cette image reflète une réalité de terrain plutôt banale. Car donner un coup de main sur la ferme à son repreneur, familial ou non, semble naturel pour un retraité agricole. Pourtant, que ce soit durant les pointes de travail comme la moisson ou les semis, ou de manière plus régulière, il est aujourd’hui nécessaire de se poser la question du statut de l’agriculteur retraité qui participe aux travaux de l’exploitation. « J’ai travaillé durant 15 ans dans le conseil à l’installation agricole et au départ ce n’était pas un sujet. On a vraiment remarqué un tournant dans les années 2010 avec des contrôles effectués par la MSA qui nous ont amené à donner des recommandations sur la question du statut du retraité agricole en situation d’entraide », confirme Amandine Bernard, conseillère agricole indépendante.

Lire aussi | Retraite agricole : quels sont les avantages du cumul emploi-retraite ?

Si la volonté d’aider part d’un bon sentiment, mieux vaut avoir en tête les risques encourus et s’en prémunir pour que l’entraide se déroule de manière sereine. « Chaque année le monde agricole déplore de nombreux accidents survenus sur les exploitations à l’occasion d’un coup de main bénévole donné par un enfant, un parent, un voisin. Au drame personnel de chacun, s’ajoute la mise en cause de la responsabilité de l’exploitant en sa qualité de chef d’exploitation. De lourdes conséquences peuvent en découler », alerte la MSA Beauce Cœur de Loire dans un guide dédié au « coup de main agricole ».

Trois ans de prison et 45 000 euros d’amende

Cette question du risque est double puisqu’elle se réfère à la fois à un enjeu de couverture sociale en cas d’accident, mais aussi à un enjeu de droit du travail. « Concernant l’emploi de retraités non déclarés, c’est toujours très risqué puisqu'en cas d’accident, le retraité pourrait ne pas avoir une bonne prise en charge de la Sécurité sociale. En effet, la MSA refusera de prendre en charge les frais relatifs à l’accident qui seront de facto à la charge exclusive de l’exploitant agricole. Ce dernier pourrait de son côté être condamné pour travail dissimulé, ce qui est passible de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende », prévient Julie Letessier, juriste en droit social à la FNSEA Centre-Val de Loire.

Pour y voir plus clair, il semble donc important de comprendre comment se définit la notion de bénévolat (lire encadré) pour vérifier dans quel cadre se déroule le « coup de main ». Si l’entraide intervient dans un contexte de transmission du savoir et de l’expérience, une tolérance est admise pour que le retraité agricole puisse faire profiter à son successeur de son expérience, pas plus de 10 à 15 heures par semaine.

Le caractère occasionnel ou non du coup de main est également un critère à considérer. Le caractère occasionnel est non permanent, non planifié, et non indispensable à la mise en valeur de l’exploitation. Il concerne donc un cas d’urgence ce qui exclut les chantiers comme les moissons, l’ensilage, etc. Dans ce cas de figure, si le retraité est victime d’un accident, la responsabilité de l’exploitant agricole est engagée et le remboursement de soins payés au titre de l’accident pourra être exigé. L’une des options, notamment dans le cadre d’une transmission, peut consister à déclarer le cédant comme aide familial. « Ce statut amène de la sécurité, il est possible pour les ascendants, mais ne doit pas perdurer au-delà de cinq ans, explique Amandine Bernard. Il y a un critère de distance à respecterDes cotisations sont à prévoir, mais sont moindres par rapport au statut de salarié. »

Un contrat intermittent adapté aux saisons

La dernière option, qui sécurise le statut du retraité agricole, est le salariat. « En tant qu’assureur, nous préconisons que le repreneur embauche le retraité en contrat à durée indéterminée (CDI) ou même occasionnellement par le biais d’un contrat à durée déterminée (CDD) en optant par exemple pour un titre emploi service agricole simplifié (Tesa) », souligne Laëtitia Chabanne Méliand, responsable de secteur chez Groupama Centre Manche. Le contrat de travail peut s’exercer à temps plein ou à temps partiel. À noter qu’en agriculture, un contrat intermittent peut permettre de s’adapter aux variations saisonnières ou de production. « Le contrat intermittent est un CDI à temps partiel qui comporte une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées, précise Julie Letessier. Les salariés doivent travailler entre 300 et 1 200 heures par an. Il est obligatoirement écrit et doit comporter la durée minimale de travail du salarié. Les heures dépassant la durée minimale fixée aux contrats ne peuvent excéder le tiers de cette durée, sauf accord du salarié. »

La contractualisation au travers de ce statut de salarié, outre son caractère réglementaire et sécuritaire, est également un moyen de fixer des règles entre l’agriculteur retraité cédant et son repreneur. « Cela permet de poser le cadre, des horaires de travail, mais aussi de communiquer, par exemple sur les missions confiées au cédant et d’affirmer qui est le patron », confirme Marjorie Lambert, consultante en agriculture. Le statut de salarié entraîne toutefois des contraintes administratives supplémentaires : établir le contrat de travail, les fiches de paie, se conformer à la réglementation et au droit du travail. Ainsi, le recours à des organismes gestionnaires de paie peut s’avérer judicieux. « Il ne faut pas hésiter à solliciter par exemple les centres de gestion pour la partie administrative qui peut être assez lourde pour les exploitants agricoles. Ces services permettent aussi de bénéficier de conseils et rappels par exemple sur des obligations réglementaires », conclut Amandine Bernard.

Attention à la notion de bénévolat

Le bénévolat ne constitue pas un statut en tant que tel et n’est pas défini réglementairement. Toute personne qui fournit une prestation sans en attendre une rémunération en contrepartie peut donc être considérée comme bénévole. Mais de manière générale, la Cour de cassation considère qu’il ne peut y avoir de bénévolat ou de coup de main familial dès lors que la présence de la personne bénévole est nécessaire ou indispensable à la réalisation de l’activité à laquelle elle est affectée, que la seule présence des salariés officiellement déclarés ne permet pas de mener avec satisfaction l’activité exercée par l’employeur, que la personne apporte un concours utile qui ne peut être considéré comme purement désintéressé. La jurisprudence a tendance à ne pas reconnaître le bénévolat exercé au profit d’une entreprise à but lucratif, surtout si elle est constituée sous forme sociétaire.

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