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Pommes de terre : les solutions pour lutter contre la germination sans le CIPC

Produits plus coûteux et techniques, bâtiments de stockage à aménager… la fin du chlorprophame (CIPC) oblige les producteurs de pommes de terre à revoir leur stratégie de lutte contre la germination et à payer l’addition.

La première année sans CIPC a stressé les producteurs de pommes de terre. Des températures chaudes en fin de campagne culturale 2020, des produits phytosanitaires en rupture de stock, des prestataires de thermonébulisation surbookés, des distributeurs peu formés à la germination des pommes de terre...

« Finalement, grâce aux températures froides à partir de janvier, la saison ne s’est pas si mal passée », constate Michel Martin, spécialiste pommes de terre d’Arvalis. Mais la rupture est bien là : « Depuis plus de cinquante ans, l’antigerminatif assurait une solution économique, facile, fiable et avec du rattrapage possible. Aujourd’hui, il faut être plus technique, anticiper le stockage dès le début de la culture et surtout avoir des bâtiments adaptés. »

« Les producteurs n’ont plus le droit à l’erreur, confirme Benoît Houilliez, conseiller pommes de terre à la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais. Le raisonnement de la conservation commence dès le choix variétal. Certaines variétés présentent une pression germinative très forte dès la récolte. » Les caractéristiques de la dormance, plus ou moins longue, devront correspondre à la durée et aux capacités de stockage.

L’hydrazide maléique, une étape désormais très utile

« Les producteurs doivent aussi connaître le niveau de sénescence lors du défanage, complète l’ingénieur de la chambre d'agriculture. Si les plantes ne sont pas au bout de leur cycle naturel, les tubercules germeront plus facilement. Un été très chaud favorise le vieillissement physiologique. Et il faut éviter les arrachages lors des fortes chaleurs et refroidir les tas le plus rapidement possible. »

 

 

 

Autre impératif souligné par les deux experts : l’application de l’hydrazide maléique au champ en juillet-août. Elle doit être réalisée dans de bonnes conditions météorologiques, en situation d’hygrométrie élevée sans fortes chaleurs, et sans pluie après le traitement. Un positionnement parfois compliqué, d’autant plus qu’il doit correspondre à un calibre minimum des tubercules. « Ce produit systémique descend dans le tubercule. C’est une étape obligatoire qui apporte toujours un plus, jusqu’à cinq ou six mois de stockage, et peut suffire pour certaines variétés à dormance longue ou stockage de courte durée », résume Michel Martin.

Jouer sur la complémentarité des solutions selon son système

Chez Alain Dequeker, agriculteur dans le Nord, la fin du CIPC a renforcé le rôle de l’hydrazine maléique. « Nous avons généralisé l’utilisation de ce produit en culture, alors que nous l’utilisions très peu auparavant, explique l’exploitant. Ce produit au positionnement précis a l’avantage de limiter la repousse de pommes de terre dans les cultures suivantes. »

Pour Michel Martin, il n’existe plus de solution unique : « Il faut adapter la complémentarité des molécules selon les variétés, la durée de stockage, les débouchés et les cahiers des charges. » En bâtiment, le produit Dormir (1,4 DMN) agit en préventif pour accroître le repos végétatif. Mais il faut être vigilant avec certaines variétés à peau fine. En curatif, l’huile de menthe et l’huile d’orange brûlent les germes.

Une utilisation de l’éthylène à bien maîtriser

Avec l’éthylène, qui empêche la germination, « la gestion obligatoire du CO2 peut provoquer une surventilation, donc des pertes de poids un peu plus importantes qu’avec les autres solutions, souligne Benoît Houilliez. Seules deux variétés sont validées pour le moment en industrie, pour les frites, les autres ont un risque de brunissement à la cuisson. En frais ce n’est pas un problème. La solution de l’éthylène doit certes être mieux maîtrisée par les producteurs, mais certains ont utilisé cette méthode avec succès cette année, avec les coûts de stockage les plus bas du marché. »

L’ère de la rampe de pulvérisation sur les bandes transporteuses est définitivement révolue. Les applications se font désormais par thermonébulisation (Dormir et huiles essentielles de menthe ou d’orange) et par ventilation (éthylène). Seuls les bâtiments isolés, étanches avec une bonne distribution d’air assurent une protection efficace. Mais de nombreux producteurs, faute de bâtiments adaptés, ne peuvent assurer une protection antigerminative efficace sur la durée.

La région Hauts-de-France, représentant les deux tiers de la production nationale, alloue 7,5 millions d’euros (fonds État, Région, Europe) pour l’aménagement des bâtiments, avec un taux d’aide limité à 40 % et un plafond à 20 000 euros. Les petits producteurs qui stockaient dans une partie de bâtiments auront du mal à trouver des solutions sur leur site. Certains, notamment en circuit court avec vente toute l’année, envisagent de stocker chez des voisins mieux équipés.

De nombreux bâtiments précaires et non étanches

 

 
Dans les Hauts-de-France, l'adaptation des bâtiments va nécessiter des investissements évalués à 300 millions d'euros.
Dans les Hauts-de-France, l'adaptation des bâtiments va nécessiter des investissements évalués à 300 millions d'euros. © M.-P. Crosnier
Selon une enquête menée fin 2019 par l’UNPT, 25 % des stockages seraient précaires, non isolés et non étanches. 15 % des exploitations disposeraient uniquement d’un bâtiment précaire. Seuls 14 % des producteurs interrogés n’utilisaient déjà plus de CIPC. Il y aurait 1074 bâtiments précaires (de 550 t en moyenne) en Hauts-de-France. Sur les 2838 autres (de 990 t en moyenne), les deux tiers nécessiteraient un réaménagement. En ajoutant les besoins de l’industrie (670 bâtiments de 1000 t à construire d’ici à 2025), l’étude évalue le coût de construction ou d’aménagement des bâtiments à environ 300 millions d’euros.

 

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