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Maïs
Plusieurs années pour attester d'une tolérance aux fusarioses

Face au risque de mycotoxines sur les grains, la fusariose des épis de maïs se doit d’être enrayée. Cela passe par l’utilisation de variétés tolérantes entre autres moyens de lutte. Mais la caractérisation de la résistance est complexe à établir.

La sensibilité à Fusarium graminearum fait partie des informations apportées aux producteurs pour caractériser les variétés.
© Arvalis

« Il y a eu un grand ménage fait en éliminant les variétés trop sensibles aux fusarioses des épis en l’espace de dix ans. » Ce constat émis par Béatrice Orlando, d’Arvalis, est repris par divers autres experts en variétés de maïs. Plus que la baisse de rendement que peuvent provoquer ces pathogènes, l’impact des fusarioses – il y en a de deux types (1) – est préjudiciable à la qualité des grains avec la production de mycotoxines rédhibitoire pour les débouchés alimentaires.

Les entreprises semencières qui proposent des maïs grains à leur gamme travaillent à la sélection de variétés comportant un minimum de tolérance aux fusarioses des épis. Un exemple parmi d’autres : Mas Seeds. « Notre sélection est orientée d’abord sur des caractères de rendement dans des conditions diverses de culture du maïs, exprime Michaël Fourneau, directeur recherche et développement de Mas Seeds. Mais le caractère de tolérance aux fusarioses tient une place majeure dans notre programme de sélection. Nous nous adaptons aux besoins des marchés et celui du maïs grain est important, notamment pour notre actionnaire principal Maïsadour qui revend la quasi-totalité de sa production sur les marchés de l’alimentation animale et humaine. » Maïsadour a par exemple un débouché spécifique pour le whisky, qui doit être exempt de mycotoxines dans les grains. « Nous avons un programme spécifique sur les fusarioses pour suivre notre matériel génétique au cours de la création de nos variétés jusqu’à leur inscription, ajoute Michael Fourneau. Le comportement face aux deux types de fusarioses est analysé et les productions de mycotoxines sont mesurées à chaque étape de la sélection. Une variété avec de la fusariose est éliminée de fait. Nous ne retenons que celles ayant un minimum de tolérance. »

Abandon des tests variétaux avec contamination artificielle

Les variétés sont testées pour leur inscription au catalogue officiel des variétés. « Pour les notations de Fusarium sur les maïs à l’inscription variétale, on se base sur des essais d’opportunité, à savoir des mesures seulement réalisées en présence de la maladie de manière suffisamment importante », explique Valérie Uyttewaal, secrétaire technique section CTPS maïs et sorgho. Les essais en contamination artificielle ont fait long feu. « Nous avons testé des méthodes d’évaluation variétale avec inoculations de Fusarium aux maïs. Le travail était très fastidieux, très coûteux en temps et même compliqué à supporter financièrement, rapporte Valérie Uyttewaal. De plus, l’efficacité des inoculations était très aléatoire et ne rendait pas compte de la réalité des infestations sur le terrain. » Dans les essais officiels, l’inoculation artificielle a été abandonnée.

Le Geves compte sur les deux ans d’essais CTPS en de multiples lieux qui doivent permettre de récupérer des situations avec présence de Fusarium pour évaluer la sensibilité des variétés. Les informations sont rapportées en pourcent d’épis contaminés et il n’y a pas de bonification à l’inscription si une variété montre un haut niveau de tolérance. « En revanche, des inscriptions qui se montreraient clairement très sensibles peuvent être enlevées », précise Valérie Uyttewaal.

Des variétés encore évaluées après leur inscription

Une fois l’hybride inscrit, commence la phase commerciale mais cela ne signifie pas que la variété est lâchée dans la nature sans être surveillée. « Le distributeur, en l’occurrence la coopérative Maïsadour pour ce qui nous concerne, prend le relais de l’évaluation, explique Michael Fourneau. Nous avons développé le programme Stimul qui consiste à continuer à acquérir toujours de l’information sur les variétés en cours de développement et leur contamination en fusarioses et mycotoxines. Le programme définit en outre des conditions de cultures qui ne seront pas favorables à ces mycotoxines chez l’agriculteur. » De manière plus large, les distributeurs ont leur réseau d’essais pour tester les variétés dans les conditions de leurs régions.

Les essais CTPS à l’inscription sont suivis en outre par les évaluations de post-inscription d’Arvalis (avec le concours d’autres organismes agricoles) qui ajoutent jusqu’à trois années d’expérimentations pour les variétés les plus performantes en rendement dans chaque catégorie de précocité. On n’en fera jamais assez pour avoir des résultats fiables sur la tolérance à Fusarium graminearum et pour la réduction du risque mycotoxines.

Mais il y a un hic : l’information sur la tolérance aux fusarioses provenant du CTPS et du réseau Arvalis concerne seulement un des deux types de fusarioses, celle causée par Fusarium gramineum. « Pour les Fusarium de la famille des liseola (ex moniliforme), il est très difficile de mesurer la tolérance variétale car leur développement est trop multifactoriel (climat, blessures sur les épis…) », explique Josiane Lorgeou, d’Arvalis. Les variétés ne sont donc caractérisées ni par Arvalis ni par le CTPS sur leur comportement vis-à-vis des Fusarium de type liseola. Le semencier peut apporter ses propres éléments d’informations sur ce caractère.

Des services d’aides à l’agriculteur

Il reste possible de combattre efficacement toutes les formes de fusarioses. La génétique n’est qu’une partie de la réponse au problème. D’autres moyens de lutte existent, basés sur l’agronomie et une stratégie de cycle cultural réduisant les risques d’exposition du maïs aux pathogènes. Thierry Dupouy est chef produit maïs grain tardif chez Mas Seeds pour le Sud de la France. « Nos variétés sont proposées aux agriculteurs tout en leur préconisant une stratégie de culture minimisant les risques de fusarioses basée notamment sur un semis tôt et une récolte précoce. Notre service AgroPlus intègre un outil digital, AgroTempo, qui localise la parcelle de culture, prend en compte le type de sol, le climat et les prévisions météo pour le choix de la variété, puis pour définir une fenêtre de semis optimale. » La culture est suivie sur tout son cycle pour aboutir à des dates de récoltes en octobre, avant que les risques de fusarioses ne deviennent trop élevés. « Mais, ajoute Thierry Dupouy, nous préconisons nos variétés seulement une fois que nous avons eu trois années de retour d’expérience dans des situations à fusarioses où il n’y a pas eu d’alertes en termes d’infestations sur ces variétés. » D’autres semenciers proposent des services se rapprochant de ceux de Mas Seeds. Même avec des maïs se comportant de mieux en mieux face aux fusarioses, les conditions climatiques pèsent de manière suffisamment importante sur les infestations pour ne pas oublier de recourir aux autres moyens de lutte.

(1) Voir la fiche phyto page 42 du numéro 327 (septembre 2018) de notre revue.
La génétique est une partie de la réponse à apporter aux infestations de fusarioses

Une grille de risque qui demande à évoluer

La grille de risques établie pour estimer le risque à la parcelle a été mise au point par Arvalis et elle date déjà de 2007. Elle est amenée à être révisée prochainement. Elle est plus particulièrement adaptée à Fusarium graminearum, moins aux Fusarium de type liseola. Plus la date de récolte est programmée tardivement, plus le risque de fusariose sera élevé. Le recours à une variété de faible sensibilité réduit le niveau de contamination et l’impact des Fusarium. Des résidus de cultures (maïs en monoculture) broyés et enfouis dans le sol contribuent encore à diminuer les risques de contamination. Ceci est valable pour les deux types de fusarioses.

Plusieurs façons de résister chez le maïs

« Avec à chaque fois des gènes différents pour gouverner ces caractères, il y a des tolérances génétiques sur plusieurs modes chez le maïs : résistances à la progression du champignon sur les soies de la fleur femelle ou à la propagation dans le grain ou encore à la production de mycotoxines même en présence de Fusarium, énumère Florence Forget, Inra de Bordeaux. Nous essayons de voir si certains métabolites du grain interfèrent avec la production de mycotoxines et, sur ce sujet de recherches, il y a eu une collaboration entre l’Inra, Monsanto (Dekalb) et Euralis Semences. Beaucoup de QTL (régions du génome) sont connus pour héberger des résistances aux deux types de fusarioses ou parfois à l’une ou l’autre des fusarioses. » Les gènes de résistance sont dans le maïs. Pour intégrer de nouvelles sources de résistances, les sélectionneurs croisent leurs lignées élites avec des maïs ancestraux et/ou tropicaux.

Deux fusarioses qui ne s’aiment pas

Les conditions climatiques pèsent beaucoup sur le développement des deux types de Fusarium (F.) que l’on rencontre sur épis de maïs : la famille des graminearum et celle des liseola (ex moniliforme) représentée surtout par F. verticilloides. La fenêtre d’infection par F. graminearum est étroite car elle se tient entre 2-3 jours et 5-6 jours après la floraison femelle. S’il pleut à cette période, le risque est élevé. Les Fusarium de la famille des liseola sont plus opportunistes. Ils ont besoin de températures plus élevées pour leur développement mais d’une humidité plus faible. Les infestations sont plus tardives (15 jours après la floraison). Les blessures des épis dues à des insectes ou à du stress sont utilisées comme portes d’entrées. Les étés chauds et secs de ces dernières années ont été plutôt favorables à ces dernières, et peu au Fusarium gramineum. « Généralement, les deux Fusarium ne se rencontrent pas sur un même épi de maïs, de même qu’il n’y a pas toutes les fusariotoxines. Un épi sur lequel il y aura du déoxynivalénol (DON) ne présentera pas de fumonisine, assure Josiane Lorgeou, d’Arvalis. Les champignons sont toujours en bagarre. »

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