ENSEIGNEMENT AGRICOLE
Pas de lauriers pour le nouveau bac pro
La réforme du bac professionnel inquiète. Syndicats d’enseignants et représentants agricoles craignent des difficultés accrues pour les élèves et une dévalorisation du Bepa.
Ce qui aurait pu passer pour une simple réforme administrative s’est transformé en bombe dans le milieu de l’enseignement agricole. Claquages de porte au cours des négociations, communiqués de presse au vitriol… la rénovation du cursus du bac professionnel agricole a donné lieu à une véritable levée de boucliers, tant chez les représentants du monde agricole que dans les rangs des syndicats d’enseignants. À l’origine de la fronde : la volonté du ministère de l’Agriculture de supprimer le parcours en quatre ans pour le remplacer par une formation sur trois ans, et étendre ainsi à l’enseignement agricole la réforme mise en oeuvre dans les établissements rattachés à l’Éducation nationale. Pour le ministère, ce remaniement offre l’opportunité « d’une vraie rénovation pédagogique, qui permettra de prescrire pour chaque jeune un parcours adapté ».
La nouvelle voie professionnelle serait donc destinée à « amener plus d’élèves au niveau du bac, tout en supprimant les répétitions d’enseignement du parcours en quatre ans ». Cerise sur le gâteau, « les établissements seront dotés de moyens non affectés à des disciplines à hauteur de 10 % de la durée de formation, qu’ils pourront utiliser pour travailler en petits groupes ou surmonter une difficulté particulière du programme". Ce louable objectif affiché par la Direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) ne convainc pas.
UN SYSTÈME ACTUEL PERFORMANT
« Nous ne sommes pas contre la mise en place d’un cursus en trois ans, qui peut être une solution pour les élèves les plus à l’aise, soulignent de concert la FNSEA et le Syndicat national de l’enseignement technique agricole public (Snetap). Mais c’est oublier la grande part des élèves qui ont besoin de ces quatre ans pour assimiler les connaissances. » Une proportion qui se monterait à 75 %, selon le Snetap. Ces élèves en délicatesse avec le système scolaire, trouvent dans la filière agricole un moyen d’accéder à une qualification à laquelle ils ne peuvent prétendre dans l’enseignement général. Les syndicats mettent d’ailleurs en avant les excellentes performances actuelles, avec un taux de poursuite d’étude après le Bepa supérieur à 80 % selon le Snetap — chiffre contesté par le ministère —, et l’adéquation avec les attentes du monde professionnel agricole. Autre pomme de discorde dans le nouveau dispositif : l’affaiblissement du Bepa. Si les syndicats ont arraché le maintien de ce diplôme de niveau V, les craintes de le voir condamné à terme n’ont pas disparu. Dans le parcours en quatre ans, le Bepa constituait une première marche à l’issue des deux premières années. Le diplômé pouvait ensuite poursuivre vers le bac pro. Les élèves qui renonçaient à poursuivre leurs études entraient dans la vie active avec une référence solide et reconnue par le monde professionnel.
DISPARITION À TERME DU BEPA
À partir de la rentrée 2009, les lycéens souhaitant obtenir le Bepa seront soumis simultanément à un double système d’évaluation d’évaluation (Bepa et bac pro) au cours du même cursus. « On charge la barque en matière de contrôle pour les élèves, et cela va tourner au casse-tête pour les professeurs », s’inquiète Annick Merrien, secrétaire générale du Snetap. Sans compter le risque de voir le contenu pédagogique s’étioler et dévaloriser le Bepa. « Ce diplôme a pourtant un intérêt pédagogique pour l’insertion scolaire, s’alarment les Jeunes agriculteurs. Il a aussi une réelle valeur sur le marché du travail, ce qui n’est pas le cas du CAP agricole. » Sous la pression, le ministère a décidé de permettre l’ouverture de classes spécifiques Bepa après la seconde « dans les établissements où des jeunes ont des difficultés pour préparer le Bepa et le bac pro en même temps ». Une « mesure de façade » selon les partenaires sociaux. Les échos remontant des régions laissent en effet présager que cette possibilité restera lettre morte dans la plupart des lycées, faute de moyens.
DÉSENGAGEMENT DE L’ÉTAT
La filière d’apprentissage pourrait être la principale bénéficiaire de la mort lente du Bepa, au travers du brevet professionnel agricole (BPA), autre diplôme de niveau V… pris en charge à l’échelon régional. De là à y voir une nouvelle preuve du désengagement de l’État, il n’y a qu’un pas que certains osent franchir. Le calendrier n’est pas fait pour rassurer les détracteurs du bac pro nouvelle mouture. « Vouloir mettre en place cette réforme dès la rentrée 2009 est une folie », lâche un syndicaliste. Beaucoup s’interrogent sur les conséquences concrètes, alors que le flou demeure sur les contenus. Seule certitude, le monde agricole devra désormais se passer de repères qui avaient fait leurs preuves sans laisser au secteur le temps nécessaire pour s’adapter. Un sentiment que résume Philippe Moinard, président de la commission enseignement formation de la FNSEA: « On fait des réformes de plus en plus vite. Espérons qu’à l’arrivée quelqu’un sait comment atterrir. »
EXAMENS DE NIVEAU IV & V