« Notre carotte du jour part dans toute l’Europe »
Au cœur du massif forestier des Landes, Vincent et Antoine Schieber ont choisi
la haute technologie
et la valeur ajoutée apportée par la carotte pour devenir
des spécialistes de l’agrovégétal européen.
Près de Saint-Jean-d’Illac au sud de Bordeaux, la SCA de l’Ombrière apparaît comme une large plaine dans la forêt des Landes de Gascogne. Sur ces sables noirs et humifères, le pin maritime a laissé sa place à l’agriculture sur les centaines d’hectares exploitées par Vincent et son frère Antoine Schieber, cogérants d’une exploitation familiale. Pionnière de la culture du maïs, l’entreprise fait aujourd’hui partie des leaders européens de la production végétale avec 1300 hectares et avec comme figure de proue : la carotte.
« Nous produisons 23 000 tonnes de carotte sur 450 hectares, une moitié sur nos terres et une autre sur des parcelles de nos voisins agriculteurs. Nous approvisionnons le marché européen et la majeure partie des enseignes de la distribution avec une carotte arrachée du jour et disponible dix mois de l’année, de mai à mars », explique Vincent Schieber, directeur commercial, pour résumer une activité qui représente 70 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Ici, la carotte bénéficie de la plus haute technologie en matière de production (semis gérés par ordinateur et assistance GPS, suivi parcellaire par sondes informatisées de l’humidité du sol, modélisation des maladies…), les process de production étant garantis par des certifications officielles (ISO 9001 et 14001, HACCP, certification CriTerres et GlobalGap). Pas moins de vint-neuf cahiers des charges différents sont gérés simultanément au service de la qualité et de l’environnement.
L’aventure a débuté en 1985. En arrivant sur l’exploitation, Vincent et Antoine Schieber ont cherché à y amener de la valeur ajoutée.
Une concurrence vive sur le marché européen
Pour se diversifier du maïs, les entrepreneurs ont profité de conditions pédoclimatiques favorables et de la croissance du marché de la carotte en Europe portée par le développement de la grande distribution et par les exportations de carottes primeurs sur le marché britannique. « En dix ans, nous sommes passés de 0 à 23 000 tonnes. Cette croissance très rapide nous a permis de prendre des parts de marchés », précise Vincent Schieber.
Depuis, la production de la SCA de l’Ombrière est restée stable, même après la crise du début des années 2000 liée à la croissance de la production française et à la concurrence de la carotte écossaise sur le marché anglais. « La zone de production d’Aquitaine s’est retrouvée en surcapacité avec plus de 230 000 tonnes. Grâce à notre organisation interne, notre management par la qualité et les performances commerciales du groupe Primco, nous avons pu maintenir notre niveau d’activités », explique le responsable, également président de l’association Carottes de France.
Aujourd’hui, la région produit 180 000 tonnes et se positionne sur le marché national de plus en plus concurrencé notamment par les « carottiers » belges et hollandais. L’Espagne et le Portugal, pays importateurs de carottes françaises, ont aussi développé leur production nationale. « Nous sommes dans une situation atypique. La carotte bénéficie d’une bonne image auprès des consommateurs, elle est un des légumes les plus consommés par tous les ménages en Europe. Tous les autres pays développent leur production en bénéficiant de cette demande, sauf la France », remarque le directeur commercial.
Selon lui, l’emblavement français semble minimaliste afin de garantir un prix, mais sans saturer le marché, ce qui laisse des opportunités d’importation à prix faible. D’autant que les zones de production du Benelux sont toutes proches des grands bassins de consommation du Nord de la France. « Il faut tendre vers un juste équilibre et aller vers une légère progression des volumes. Mais qui veut prendre le risque ? », se demande Vincent Schieber.
Car la carotte reste un produit basique, acheté à 75 % en supermarché. En plus d’une qualité standard, certifiée par la kyrielle de normes et de cahiers des charges, elle exige aussi « le prix le plus bas ».
La compétitivité des entreprises peut donc rapidement être mise à mal. D’autant que les investissements dans les outils de production sont lourds. Pour Vincent Schieber, la compétitivité de son entreprise est plus à rattacher à la capacité à innover et à investir qu’à celle de percevoir les aides du prochain plan de compétitivité aux entreprises. C’est ce qui est fait au travers de l’association Carotte de France et du soutien des producteurs à la recherche et l’expérimentation.
Accompagner la recherche et le développement
Depuis vingt ans, Carottes de France a participé au financement de chercheurs mis à disposition par l’Inra, notamment en pathologie et nématologie à Rennes pour faire face à certains problèmes sanitaires. « Aujourd’hui, les orientations de recherche de l’Inra sont discutables pour un producteur et notre implication s’est reportée vers des stations régionales d’expérimentation comme le Sileban en Normandie et Invénio en Aquitaine », commente-t-il, en espérant toujours trouver des compétences dans la recherche fondamentale auprès de l’Inra. « Les producteurs doivent prendre conscience de l’importance d’accompagner la stratégie de recherche et développement. Pour aboutir, les objectifs, les actions et les budgets doivent être collectifs », considère-t-il. À l’image du symposium international de la carotte qui se déroulera en septembre 2014 à Angers.
Chiffres clés de la SCA de l’Ombrière
. 8 à 10 millions d’€ de chiffre d’affaires
. 1300 ha de cultures
. 23 000 t de carottes ; 1 500 t de haricots verts ; 6 000 t de maïs
. 60 collaborateurs dont 4 ingénieurs et 15 techniciens
. 1 station de lavage et conditionnement (15 millions d’€)
. 2,5 millions d’€ de matériels pour la culture (arracheuses…)
. 18 tracteurs de 110 à 220 ch ; 2 automoteurs de traitement ;
20 véhicules légers