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Élevage d'insectes : des agriculteurs de Limagne se lancent dans la production

En Limagne, l’entreprise Invers a lancé des bâtiments d’élevage d’insectes à la ferme. Objectif : créer une filière basée sur l’économie circulaire pour produire des protéines localement et diversifier l’activité des agriculteurs.

Un élevage d'insectes en plein coeur de la Limagne, dans le Puy-de-Dôme ! Depuis septembre 2021, Jean-Paul Vivier (1), agriculteur à Artonne, s’est lancé dans une diversification pour le moins originale. Le bâtiment flambant neuf attire tout de suite le regard quand on arrive sur son exploitation. Il laisse penser que l’agriculteur s’est lancé dans un atelier de poules pondeuses. Pourtant, quand on y entre, point de plumes ni de fientes, c’est le calme qui règne à l’intérieur.

Un calme apparent, car en réalité 20 milliards d’êtres vivants peuplent les lieux en permanence. En se rapprochant, on peut les apercevoir, grouillant dans des bacs en plastique, alignés sur plusieurs rangées, dans le hangar qui s’étend sur 1 500 m2 ; ce sont des vers de farine, aussi appelés ténébrions. « C’est une diversification intéressante car elle permet de sécuriser le revenu avec une production décorrélée des aléas climatiques », explique Jean-Paul Vivier.

Un partenariat noué avec Limagrain

Une filière insectes est peu à peu en train de se structurer en région Auvergne-Rhône-Alpes sous l’impulsion de l’entreprise Invers basée à Saint-Ignat (63) et fondée en 2018 en Auvergne par Sébastien Crépieux, ingénieur agronome. « Après plusieurs années de tests pour mettre au point le processus de production, nous lançons progressivement des élevages à la ferme », explique le président d’Invers. Actuellement, trois bâtiments sont en fonctionnement en Limagne. Ils produisent chacun entre 15 et 20 tonnes de larves fraîches par mois, soit environ sept tonnes de protéines.

Jean-Paul Vivier, agriculteur à Artonne, Puy de Dôme, et son salarié, élevage d'insectes, avril 2022

 

Dès le début du projet, Invers s’est rapproché de Limagrain à la fois pour trouver des agriculteurs susceptibles d’accueillir des bâtiments, mais aussi pour trouver un partenaire pour l’alimentation des larves. La coopérative, grâce à son activité de meunerie (moulin de Saint-Ignat), est en effet en mesure de fournir du son de blé, un coproduit adapté aux besoins nutritionnels des larves.

Le retour de l’élevage sur l’exploitation

Le choix de se tourner vers le monde agricole ne doit rien au hasard. Sébastien Crépieux en est convaincu, « il n’y a pas de meilleurs éleveurs que les agriculteurs ». Il avance aussi des raisons sanitaires dans le choix de la multiplication des lieux d’élevages.

À quelques encablures de là, l’agriculteur Rémy Petoton (2) s’est aussi lancé dans l’aventure. Installé sur une exploitation de grandes cultures, à Saint-Clément-de-Régnat, il a démarré la production d’insectes fin 2021. L’exploitation a récemment arrêté l’élevage de bovins allaitants qui apportait un revenu et du fumier pour fertiliser les terres. « J’ai vu dans ce projet l’opportunité de faire revenir l’élevage sur l’exploitation mais avec moins de contraintes », témoigne l’agriculteur de 29 ans également maire de son village. L’atelier insectes lui fournit 300 tonnes d’engrais organique par an. Ce dernier contient 40 unités d’azote par tonne, 35 de phosphore et 25 de potasse avec un taux de matière organique de 85 %.

Rémy Peteton compte prochainement embaucher un salarié à temps partiel pour assurer une régularité dans le suivi de l’atelier, la récolte des larves et les opérations de nettoyage du bâtiment. Jean-Paul Vivier, lui, emploie déjà un salarié pour s’occuper de l’élevage d’insectes. Le groupe d’agriculteurs pionniers a permis de tester le temps de travail nécessaire à cet atelier. Leur retour d’expérience montre qu’il faut compter en moyenne entre 25 à 28 heures de travail hebdomadaire.

35 000 euros de revenu annuel minimum

Le modèle économique s’inspire du fonctionnement intégré de la filière volailles. Ce sont les agriculteurs qui investissement dans le bâtiment. Il faut compter 900 000 euros pour un bâtiment de 1 500 m2 qui comprend l’espace pour faire croître les larves, la machine pour les nettoyer et une cellule froide. Invers fait office d’accouveur pour les agriculteurs en leur fournissant des « bébés » larves d’une dizaine de milligrammes à engraisser. Elles restent dans le bâtiment pendant quatre semaines, le temps de multiplier leur poids par 15 ou 20, avant d’être « récoltées » vivantes et mises en caisse. Lors de cette étape, elles sont tamisées pour être nettoyées de leurs restes de nourriture et de leurs déjections. Les larves riches en protéines sont ensuite rachetées par la société qui abat les insectes, les transforme, les conditionne et les distribue.

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Sur le plan de la rémunération, Invers et l’agriculteur signent un contrat de 10 ans, basé sur le temps d’amortissement de l’investissement. Le contrat est censé garantir un revenu minimum à l’agriculteur de 35 000 euros par an. « Un prix est fixé au départ, mais cela peut varier dans le temps, notamment en fonction du prix de l’alimentation », souligne Sébastien Crépieux qui précise que le but est de sécuriser au maximum le revenu agricole. « On doit trouver un équilibre entre le prix du son et celui du rachat des larves », précise Rémy Petoton. L’amélioration de la rémunération peut aussi se faire grâce à de meilleures performances zootechniques.

Les produits proposés par Invers sont destinés au marché de l’alimentation animal, en particulier celui des animaux domestiques (larves entières déshydratées pour la basse-cour, croquettes pour chiens et chats, granulés pour poissons). Ils sont vendus dans un réseau de plus de 500 points de vente et sur son site internet. « Nous avons souhaité être marque finale pour être au contact des clients », explique Sébastien Crépieux. Sur le marché des professionnels, la marque est pour le moment présente sur le marché de la pisciculture mais compte se développer en volaille et en porc.

Les perspectives de développement

« Notre stratégie est de lancer des nouveaux bâtiments quand nous avons des débouchés en face », assure Sébastien Crépieux. Le projet semble en tout cas susciter l’intérêt des investisseurs. La société a réalisé une levée de fonds de 15 millions d’euros en septembre 2022 avec l’entrée au capital de Idia Capital investissement et de Agri-Impact, aux côtés de ses actionnaires historiques UI Investissement, Crédit agricole Centre France et Limagrain qui réinvestissent. Invers prévoit de lancer cinq nouveaux bâtiments d’ici la fin de l’année ou le premier trimestre 2024 sur la zone Limagrain. « L’objectif est ensuite d’être à un rythme de déploiement de 1 à 2 bâtiments par trimestre », précise Sébastien Crépieux. En partenariat avec deux autres coopératives, Eurea et Oxyane, la société compte développer son activité sur la zone du Lyonnais avec l’objectif de construire une dizaine de bâtiments dans les trois ans.

Enfin, pour approvisionner les élevages à la ferme, l’entreprise doit inaugurer en juin un site de production de jeunes larves de 4 000 m2 sur son site de Saint-Ignat. « Pour l’avenir, notre ambition est de se développer dans d’autres régions qui auraient des besoins de protéines durables que ce soit pour les filières piscicoles ou pour l’alimentation des volailles ou des porcs », assure Sébastien Crépieux.

(1) Installé en SCEA avec sa sœur sur 140 ha en conventionnel. Production de semences : maïs, tournesol, concombre, pois, courgettes ; production de colza, lin protéagineux, blé et 50 ha en conversion bio (luzerne, blé, triticale, tournesol et maïs).
(2) Installé sur 60 ha : semences de maïs et blé, pommes de terre, luzerne et féverole. Il doit rejoindre l’EARL (160 ha) de son père en 2024.

Insectes : qui peut manger quoi ?

Les insectes entiers sont autorisés pour la nourriture des animaux familiers.

Les protéines animales transformées (PAT) à base d’insectes peuvent être autorisées en aquaculture depuis juillet 2017, à condition d’être issus de sept espèces (2 mouches, 2 ténébrions, 3 grillons). Depuis septembre 2021, il est également possible d'utiliser les PAT pour l’alimentation des porcs et des volailles.

Les graisses d’insectes, elles, sont autorisées pour tous les animaux d’élevage.

Côté alimentation humaine, les autorisations se font au compte-goutte au niveau européen. Pour l’heure, seuls le ver de farine jaune séché, congelé ou en poudre, le criquet migrateur entier ou sans ailes ni pattes, congelé, séché ou en poudre, le grillon domestique surgelé, séché ou en poudre, et la poudre de grillon domestique sont autorisés.

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