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Multiplication semences : Une rentabilité à installer dans la durée

Après un trou d’air, la rentabilité en multiplication de semences est tirée à la hausse par la flambée des prix des cultures alimentaires. Une reprise qu’il reste à pérenniser pour retrouver de la visibilité.

La rentabilité en multiplication de semences varie fortement selon les filières et les secteurs, et dépend notamment du coût de l'eau d'irrigation.
La rentabilité en multiplication de semences varie fortement selon les filières et les secteurs, et dépend notamment du coût de l'eau d'irrigation.
© G. Omnès

Les producteurs de semences respirent : la rémunération de leur travail, malmenée depuis trois ans, retrouve des couleurs. Mieux, cela devrait se poursuivre, au moins sur la campagne suivante, principalement en raison de la flambée des cours des matières premières agricoles. Les contrats de production de semences, souscrits de gré à gré entre semenciers et agriculteurs, s’appuient sur un couple rendement par produit brut, lequel est indexé sur le prix de leurs équivalents alimentaires, tous en forte hausse.

Ainsi, pour 2021, la marge brute d’un maïs semence a augmenté de plus de 30 % par rapport à 2020. Elle a atteint 2 710 €/ha, contre 2 038 €/ha, selon les chiffres publiés par la chambre d’agriculture des Landes, établis à partir d’un échantillon d’exploitations du département. Par rapport à la moyenne 2016-2020, la progression est de 25 %. En 2021, les charges augmentaient déjà mais ont été largement compensées par la hausse plus importante du produit brut.

Pour la récolte à venir, la hausse des charges fait toutefois craindre une nouvelle inversion des rémunérations pour certains. « Les prix des engrais et du GNR ont été multipliés par deux. Ceux qui n’ont pas pu se couvrir sur le marché des engrais pourraient connaître des difficultés », alerte Benoît Laborde, président de l’AGPM maïs semence, qui veut éviter « une année blanche ».

Désintérêt de certains producteurs face aux marges

L’enjeu est donc de pérenniser les rémunérations afin de soutenir les investissements et attirer de nouveaux producteurs. Car pour l’instant, si les surfaces augmentent sensiblement (+ 6 % en 2020), le nombre de producteurs ne cesse de baisser. « Les agriculteurs sont de moins en moins intéressés par la production de semences », observe Romain Filiol, animateur à l’Anamso, l’association des producteurs de semences d’oléagineux. En particulier lorsque l’écart de marge entre une production de semences et une production alimentaire classique est trop réduit.

« Nous espérons que la revalorisation des prix va arrêter l’hémorragie. En production de semences, les contraintes de production sont de plus en plus fortes et les impasses techniques font grimper les charges », rappelle Romain Filiol. Le durcissement de la réglementation phyto incite par exemple un grand nombre d’agriculteurs à s’équiper de bineuses pour désherber sans produits phyto. Ces investissements, coûteux, nécessitent de la visibilité sur les prix.

Même si le rebond de la rentabilité apporte de l’oxygène, le sujet de la répartition de la valeur au sein de la filière production de semences suscite des tensions. La question a notamment été au cœur des débats du dernier congrès du maïs, en novembre 2021.

« La balance commerciale des semences de maïs françaises est la meilleure de ces dernières années, avec une hausse des exportations de 5 %. Donc la valeur y est, le problème est au niveau de sa répartition », a lancé Pierre Vincens, représentant des agriculteurs multiplicateurs. Et d’alerter : « il y a eu un sursaut en 2021 alimenté par le prix du maïs conso, mais depuis quelques années les gens abandonnent cette culture alors que l’on pouvait en vivre auparavant ».

Pour la filière maïs, un audit a été réalisé pour objectiver l’évolution de la répartition de la valeur au fil des ans. Selon plusieurs acteurs, celle-ci se serait concentrée au niveau de la distribution. « La distribution est un sujet depuis longtemps, car c’est le maillon dans lequel se retrouve une grande partie de la valeur, a ainsi affirmé Pierre Pagès, président de la Fédération nationale de la production des semences de maïs et de sorgho (FNPSMS) lors de l’assemblée générale de sa structure, au congrès du maïs. Maintenant que l’état des lieux est fait, il faut discuter. »

Ces discussions vont s’ouvrir au sein de Semae, l’interprofession des semences et plants (ex-Gnis). « L’un des objectifs de la filière est d’avoir autant de transparence que possible sur les prix, explique son directeur, Jean-Marc Bournigal. Il faut prendre en compte la totalité des éléments, comme la différence de marge entre la production de semences et les cultures de consommation, mais les situations sont très diverses entre les espèces et entre les zones, ce n’est donc pas facile à appréhender. » Pour le maïs, par exemple, les tensions se cristallisent dans la vallée du Rhône, où le coût de l’eau d’irrigation est élevé, ce qui grève les marges. C’est l’un des facteurs qui explique le déplacement des zones de production vers la façade atlantique.

Pour mener à bien ces échanges, « la capacité de négociation des acteurs est un aspect important, estime Jean-Marc Bournigal. L’organisation des agriculteurs multiplicateurs, par exemple à travers la construction d’organisations de producteurs, est un axe de réflexion ». Quelle que soit l’issue de ces tractations, l’enjeu pour la filière est de conserver ses producteurs et ses surfaces.

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