Méthanisation : cinq conseils pour bien intégrer ses Cive d’hiver dans la rotation
La production de Cive d’hiver (culture intermédiaire à vocation énergétique) pour approvisionner son méthaniseur nécessite une réflexion à l’échelle de la rotation. L’enjeu est de définir un itinéraire technique qui ne compromettra pas les autres cultures.
La production de Cive d’hiver (culture intermédiaire à vocation énergétique) pour approvisionner son méthaniseur nécessite une réflexion à l’échelle de la rotation. L’enjeu est de définir un itinéraire technique qui ne compromettra pas les autres cultures.
« Pour optimiser l’énergie produite par les Cive d’hiver pour approvisionner le méthaniseur, il faut maximiser la biomasse, introduit Virginie Metery, chargée du projet ADMétha (approvisionnement durable des méthaniseurs) à la chambre d’agriculture Hauts-de-France. Quel que soit le mélange ou l’espèce, la valeur méthanogène des Cive d’hiver varie peu et est supérieur à celui des effluents d’élevage. » L’important reste le rendement en matière sèche. Et pour cela, il faut réfléchir à la rotation avec trois cultures en deux ans car les impacts peuvent s’avérer lourds pour la culture suivante.
Réfléchir à la rotation
« Cultiver une Cive d’hiver ne nécessite pas forcément de changer la rotation », constate Nicolas Dagorn, référent Cive d’Arvalis. Dans le Sud-Ouest et l’Ouest de la France, ou dans les systèmes polyculture élevage, la Cive prend souvent la place d’une Cipan (culture intermédiaire piège à nitrates) après une céréale et avant un maïs grain ou ensilage. Parfois, elle s’inscrit avant un tournesol. Toutefois, dans les systèmes colza/blé/orge, une diversification de l’assolement s’impose (introduction de tournesol, de maïs…).
Dans les Hauts-de-France, les essais menés dans le cadre du projet ADMétha montrent qu’il est possible d’obtenir plus de biomasse avec des systèmes en rupture. « Par rapport à une rotation typique des polyculteurs éleveurs laitiers picards (colza/blé-Cipan/maïs ensilage/blé), le remplacement de la Cipan par une Cive (céréales immatures) permet d’obtenir 8 % de biomasse supplémentaire », assure Virginie Metery (essais 2020-2023).
Choisir la bonne espèce
Les céréales immatures obtiennent souvent les meilleurs rendements biomasse. Les rendements sont très proches selon les espèces. Les différences s’apprécient selon les zones géographiques. « Dans le Sud-Ouest, le triticale et l’avoine diploïde ont la préférence des agriculteurs, suivis par le seigle », précise Nicolas Dagorn. En Bourgogne et sur le plateau de Langres, le seigle arrive en tête des essais Arvalis. Freiné par le gel, il verse moins que dans le Sud. Le triticale domine légèrement sur les essais de Boigneville (91) dans des terres à haut potentiel.
Dans les Pays de la Loire, Fabien Guérin, conseiller agronomie à la chambre d’agriculture régionale, apprécie le seigle pour sa rusticité. Quant à Virginie Metery, elle note peu de différences selon les céréales dans les Hauts-de-France. Seigle, triticale et escourgeon immatures apparaissent comme le meilleur compromis mais ont des dynamiques de pousse différentes. L’escourgeon couvre plus vite le sol en automne, mais le seigle pousse très vite au printemps. L’orge est souvent évité, à cause de sa sensibilité à la jaunisse nanisante de l’orge (JNO) pour certaines variétés. Les variétés précoces sont à privilégier pour une épiaison précoce ainsi que celles tolérantes à la JNO. Pour l’avoine diploïde, il faut opter pour une variété résistante au froid.
Arvalis expérimente aussi les mélanges céréales/légumineuses afin de capter de l’azote sur la rotation. L’institut préconise de limiter à 20 %, voire 30 % les légumineuses pour maintenir le rendement. Soit 40 grains par mètre carré pour la vesce, 30 pour les pois et 20 pour la féverole. La densité de 300 grains par mètre carré conseillée pour la céréale seule diminuera à 240 grains. La vesce semble la mieux adaptée, le manque de lumière pénalisant plus le pois et la féverole.
Semer la Cive d’hiver tôt et soigneusement
Autre impératif, soigner le semis pour un démarrage rapide et une production de biomasse suffisante. La Cive se gère comme une culture à part entière, si ce n’est l’absence d’emploi de produits phytosanitaires, souvent inutiles. Les adventices n’ont pas le temps d’épier et terminent dans le méthaniseur qui valorise leur biomasse.
Les semis fin septembre et les récoltes début mai pour le seigle, le triticale et l’escourgeon apparaissent comme le meilleur compromis. Jusqu’à début octobre, la date de semis influe peu sur le rendement.
Les Cive d’hiver répondent très bien à l’apport d’azote constate Nicolas Dagorn, avec généralement 70 à 100 unités d’azote par hectare en février, souvent apporté sous forme de digestat.
Trouver un compromis pour la date de récolte
La date de récolte demeure un compromis entre le rendement de la Cive d’hiver, les contraintes de chantiers et l’impact sur la culture suivante. Chaque semaine, en avril et mai, la Cive gagne une tonne de matière sèche par hectare (MS/ha) d’après Arvalis. Le taux de matière sèche à la récolte doit être supérieur à 25 %.
« Dans les essais Recital (1), nous obtenons 7 à 7,5 t de MS/ha (récolte du 20 avril au 10 mai) avec de grosses variations selon les conditions pédoclimatiques », résume Nicolas Dagorn. Dans le Sud-Ouest, les récoltes débutent mi-avril, avec un potentiel de 8 t de MS/ha (10 t/ha début mai). Les Hauts-de-France tablent sur le même rendement, contre 5 à 6 t/ha dans le Nord-Est et 7 t/ha pour les Pays de la Loire (récolte début mai).
Être vigilant sur les pertes de productivité pour les cultures suivantes
Les pertes de rendement de la culture suivant la Cive varient beaucoup. Dans le Béarn (2), le maïs grain semé après une Cive récoltée le 25 avril ne perdrait que 10 %, mais aurait un point d’humidité de plus. Les mêmes résultats sont obtenus à Boigneville avec du maïs irrigué (Cive récoltée début mai). Virginie Metery constate une diminution de rendement de 40 % dans les Hauts-de-France, dans les parcelles d’essai et le réseau d’agriculteurs. Avec des baisses importantes pour le tournesol, le soja et les betteraves fourragères en cas de sécheresse. Les baisses sont d’autant plus importantes que le sol est superficiel. La pluviométrie est un facteur déterminant.