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Local et non OGM, le soja français est-il rémunérateur ?

Dans les zones de production historiques, le soja surfe sur le locavorisme et le non OGM grâce aux filières de qualité. Plus au nord, le modèle économique reste à construire.

Le soja produit dans le Sud-Ouest est valorisé grâce aux filières animales sous signe de qualité.
Le soja produit dans le Sud-Ouest est valorisé grâce aux filières animales sous signe de qualité.
© G. Omnès

Plan protéines, progrès génétique, quête de souveraineté alimentaire… les voyants semblent au vert pour la culture de soja en France. Mais pour que la légumineuse conquière durablement des hectares, encore faut-il que la rentabilité soit au rendez-vous pour les agriculteurs. La filière Soja de pays lancée au début des années 2000 n’avait ainsi jamais décollé, faute de valorisation. Mais les choses ont changé.

« Il y a cinq ans, les consommateurs se posaient moins la question de l’origine de leur alimentation, affirme Jérôme Candau, directeur des agro-chaînes animale, végétale et bio de la coopérative Vivadour. Depuis, on a vu monter la demande d’un produit local, y compris pour l’alimentation des animaux, qui est désormais mise en avant sur le packaging. » « Il y a globalement une tendance lourde à la re-territorialisation des approvisionnements en matières premières pour les produits bénéficiant de signes de qualité », confirme Vincent Lecomte, chargé d’études technico-économiques chez Terres Inovia.

Substituer les importations non OGM par de la production locale

Pour satisfaire cette demande, Vivadour s’est associé à Maïsadour pour créer Graine d’Alliance. Sa vocation : approvisionner le marché de l’alimentation animale en tourteaux de soja sans OGM et 100 % Sud-Ouest. L’objectif des deux coopératives est de substituer totalement la production locale aux importations de soja non OGM utilisées par leurs filières de qualité.

Une usine dédiée entrera en production en mars 2022 à Saint-Sever, dans les Landes. Elle démarrera en écrasant 20 000 tonnes de graines, soit à peu près la collecte actuelle des deux coops, pour passer à terme à 30 000 tonnes. La chaîne de valeur ainsi créée, de la production des semences au produit fini, fonctionnera dans un rayon de 150 kilomètres.

Structuration durable grâce aux contrats pluriannuels

Pour garantir cette montée en puissance, sécuriser le prix payé aux agriculteurs est indispensable. « Le prix du soja subit d’énormes fluctuations, rappelle Jérôme Candau. Il était payé certaines années 300 euros la tonne au producteur, qui ne s’en sortait pas, et les prix atteignent actuellement 550 euros/tonne, ce qui n’est pas tenable pour l’aval. Nous souhaitons construire une filière avec un stabilisateur et nous déconnecter des cotations mondiales de Chicago. Nous travaillons pour cela à une contractualisation pluriannuelle avec un prix autour de 400 euros/tonne. Cela correspond à un revenu cohérent pour l’agriculteur, avec un impact limité sur le prix des volailles label. »

L’approche est similaire pour Sojalim, usine de trituration inaugurée en 2017 à Vic-en-Bigorre (Hautes-Pyrénées) par la coopérative Euralis et le groupe Avril. L’usine écrase actuellement 25 000 tonnes de soja français, capacité qui sera doublée à partir de mai 2022. Pour Philippe Manry, directeur général de Sanders, filiale du groupe Avril spécialisée dans l’alimentation animale, le défi à relever pour pérenniser ces filières locales est double : installer dans la durée une production de soja suffisante pour sécuriser l’approvisionnement de l’aval, tout en restant compétitif. Il estime lui aussi que la structuration durable de la filière passe par la contractualisation pluriannuelle.

Un surcoût de l'aliment difficile à évaler pour les filières standards

Pour ces acteurs du sud de la France, il sera toutefois plus compliqué de mettre en œuvre une telle démarche pour des produits animaux conventionnels standards : sans certification bio ou de signe de qualité, le surcoût dans l’aliment pèsera lourd et sera difficile à répercuter.

Dans les nouvelles zones de production septentrionales, où le soja repose sur l’implication de groupes pionniers, l’absence de filière structurée à l’échelle régionale et d’outils de transformation complique la donne. Active dans l’Oise et la Seine-et-Marne, la coopérative Valfrance s’est lancée dans le soja, et collecte 1 500 tonnes. « Des agriculteurs ont voulu expérimenter cette culture, et nous avons donc développé un service pour les accompagner techniquement, collecter et trouver des débouchés », explique Hugues Desmet, responsable collecte. Une trentaine d’agriculteurs cultivent du soja sur 600 hectares, dont la totalité de la production est vendue à des fabricants d’alimentation animale en Belgique.

Ce débouché implique une connexion directe avec le marché mondial. Une aubaine cette année, compte tenu de l’affolement de la prime payée par les transformateurs pour mettre la main sur du soja non OGM. « Nous payons aujourd’hui le soja plus de 600 euros la tonne, mais le prix avoisinait 340 euros/tonne il y a un an et demi », précise Hugues Desmet. Selon Vincent Lecomte, au-delà de la flambée très conjoncturelle, « l’augmentation de la prime est tendancielle car il est de plus en plus difficile pour les fabricants de s’approvisionner en tourteau de soja non OGM d’importation ». Hugues Desmet, lui, est prêt : « Nous sommes encore loin d’une taille critique permettant d’envisager de monter une usine, mais le marché du Nord Europe est demandeur. Doubler la production ne serait pas un problème. »

Objectif : 250 000 hectares

La filière française vise un objectif de 250 000 hectares d’ici à 2025, contre environ 180 000 hectares ces deux dernières années. Cela permettrait d’approvisionner totalement les besoins des filières soja non OGM, notamment pour les filières animales sous signe de qualité. Pour Jérôme Candau, chez Vivadour, le potentiel de hausse est limité dans le Sud-Ouest en raison des contraintes agronomiques, dans une région qui a vu la sole augmenter ces dernières années. Dans les zones où le soja s’est installé récemment, c’est l’absence de structuration de filière, et donc de valorisation certaines années, qui est le principal facteur limitant.

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