Aller au contenu principal

En chiffres
L’expérimentation démultipliée grâce aux capteurs connectés

S’ils ont encore du mal à trouver leur place dans les fermes, les capteurs connectés ouvrent des horizons en expérimentation, particulièrement dans le domaine de la sélection. La plateforme de phénotypage à haut débit Phéno3C en laisse entrevoir le potentiel.

Située en bordure de routes fréquentées, à deux pas de l’aéroport et du centre de Clermont-Ferrand, la plateforme Phéno3C(1), entourée d'un double grillage, ne passe pas inaperçue. «Au début, le dispositif était appelé 'les serres sans murs'!", se souvient Thierry Langin, directeur de l’unité de recherche « Génétique, diversité, écophysiologie des céréales » en charge de la plateforme. Bien terminés, les quatre abris mobiles, qui totalisent 4800 m2 de toiture, sont en fait prévus pour protéger les parcelles des pluies. L’objectif est d’analyser les effets du changement climatique, à savoir réduction des précipitations et augmentation de la concentration en CO2 de l’atmosphère, sur les performances du blé cultivé en plein champ.

Bricoler des capteurs "low-cost" robustes et efficaces

En fonctionnement depuis un an, la plateforme n’est pas encore complètement équipée mais le déplacement des abris est calé. « Les toits sont reliés à des systèmes de contrôle automatique alimentés par les données de notre station météo locale ainsi que par les prévisions d’une société privée basée à Clermont, Weather Mesures, indique Thierry Langin. Le but est d’anticiper suffisamment le déplacement pour que l’abri se positionne avant l’arrivée de la pluie. » Les capteurs sont au cœur du dispositif. Les données recueillies permettent entre autres de qualifier précisément l’environnement des 800 micro-parcelles de 2 m². « Nous avons placé des sondes qui recueillent en continu les paramètres du sol à différentes profondeurs, explique Vincent Allard, chercheur en charge de la plateforme. Les plus profonds restent à demeure et nous démontons les sondes installées dans la zone de labour. » L’installation peut paraître simple. Dans les faits, il n’en est rien car il s’agit d’un équipement en nombre. Pour réduire les coûts, les équipes de l’Inra ont transformé du matériel filaire vendu en série en capteurs semi-démontables fonctionnant sans fil. Un professeur d’électronique a mis au point un système de transmission des données à l’intérieur du champ, qui fonctionne grâce à des boîtiers à piles classiques très peu consommateurs d’énergie. Ceux-ci collectent en wifi les données d’une dizaine de capteurs puis les transmettent par fibre optique à un serveur. « Ces informations vont permettre de caractériser le micro-climat de la parcelle, indique Vincent Allard. Ce qui va compter, ce sera moins la valeur à l’instant T que la comparaison des dynamiques d’évolution. » Et dans les développements à venir, il y aura également le contrôle de la concentration en CO2, mesurée en permanence par des capteurs.

Des mesures en continu pour capter des variations dans le temps

À ces informations, s’ajoutent bien sûr celles liées directement au couvert, le but de la plateforme étant de mesurer des réponses à des stress abiotiques. L’Inra est à la recherche de données facilement accessibles pour bien les caractériser. La température de la canopée en surface mesurée à l’aide d’un thermomètre infrarouge connecté est regardée : « un couvert qui va bien est plus froid que l’air car les stomates sont ouverts pour permettre les échanges gazeux », souligne Vincent Allard. Les résultats sont comparés aux mesures d’indice de végétation de type NDVI (indice de végétation par différence normalisée) ou PRI (indice de réflexion photochimique), obtenus par différents systèmes (capteurs sur barre au sol, sur drone, capteurs portés…). Au rayon low-cost, le scientifique a d'autres idées : « nous allons également testé un système imaginé par un collègue italien, basé sur une mesure de fluorescence à l’aide d’une webcam, d’un filtre et de leds ». Vincent Allard attend par ailleurs l’arrivée de la phénomobile version 2. L’engin équipé d’un bras portera des capteurs classiques, des caméras hyperspectrales, mais également du Lidar (Light detection and ranging). Cet outil de détection et de mesure à distance par laser servira à analyser l’architecture de la canopée. L’idée : trouver la variable qui permettra de mesurer facilement les réponses des plantes à un changement de leur environnement tel que l'humidité ou la concentration en CO2 et cela, sans attendre l'évaluation du rendement, qui reste la mesure clé des performances de la plante. Pour Vincent Allard, "l'un des intérêts de ce type de plateforme est de pouvoir mesurer des grandeurs en continu pour en capter les variations ». Car c'est grâce à l'analyse de ces variations que pourraient apparaître les indicateurs clés. Un projet ambitieux, inconcevable sans capteur.

(1) La plateforme fait partie du projet Phénome, réseau français de phénotypage à haut débit lancé en 2013.

Phénotyper plus et mieux

5 plateformes de phénotypage à haut débit dans le projet Phénome.

3 d'entre elles sont "aux champs" et se situent dans des climats différents (océanique du Sud-Ouest à Toulouse, continental à Époisses, méditerranéen à Montpellier).

2000 microparcelles sont suivies en moyenne dans chacune des stations aux champs.

2 plateformes sont en conditions semi-contrôlées avec au moins un contrôle des pluies : Ouzouer-Le-Marché (Phénofield, gérée par Arvalis) et Clermont-Ferrand (Phéno3C, gérée par l’Inra).

6 millions d’euros ont été investis dans Phéno3C.

Des innovations de rupture au CEA tech

Plus proche de la valorisation et des industriels que le CEA (Centre d’énergie atomique), le CEA Tech s’intéresse désormais lui aussi aux capteurs connectés pour le monde agricole.

« Nous sommes partie d’une activité de diagnostic médical à partir de laquelle nous avons développé des briques pour le monitoring de l’environnement, explique Claude Vauchier, chef du service « Biosystems on chip » du CEA Tech. Et nous constatons aujourd’hui qu’il y a de plus en plus de connexions avec le monde agricole et agro-industriel. » Exemple avec cette carotte en céramique connectée qui permettrait de mieux suivre le pH et la conductivité des sols. « Aujourd’hui, il s’agit d’une carotte poreuse fabriquée par SDEC dans laquelle passe un fluide prélevé manuellement puis envoyé à un laboratoire pour analyse, explique Claude Vauchier. Nous travaillons sur un système intégré qui extrairait et analyserait le liquide sur site puis enverrait le résultat à l’intéressé, en bluetooth par exemple si celui-ci passe à côté. » À l'origine de ces travaux : des recherches visant à suivre en temps réel la teneur en sodium de la sueur des pompiers afin de les rappeler à temps pour éviter les cas de déshydratation.

Un fil muni de capteurs miniaturisés

Une autre équipe de recherche du CEA Tech a finalisé le projet Diabolo, qui consite à intégrer des fonctions miniaturisés (puces rfid, leds, par exemple) dans des matériaux plastiques ou des tissus. « Au départ, cette technologie a été développée sous forme de fil pour une société de rideaux », signale Claude Vauchier. Le rideau s’éclairait lorsque l’on passait la main devant, grâce à des capteurs de contact reliés à des leds et placés dans le tissu. En agriculture, le Diabolo se pose directement sur des plantes. Il accueille des capteurs fournissant des mesures de croissance sur les premières feuilles, ou permettant d’identifier une plante. Pour Claude Vauchier, « la nouveauté tient dans la miniaturisation d’un certain nombre de procédés ». Les recherches n’en sont probablement qu’à leur début. Il faudra toutefois que le secteur s’organise mieux : « En France, nous n’avons pas beaucoup de société d’instrumentation qui fabriquent les équipements et les consommables, observe le chercheur. Une fois que le produit est développé, on n’a pas celui qui le fabrique. Or c’est un saut négligé mais essentiel : avoir le bon prototype ne suffit pas pour passer au stade industriel. »

Les plus lus

Valère Ricard, agriculteur à Saint-Fuscien (Somme)"Pour l'entretien de la clôture et pour le rang de maïs qui a été sacrifié, je touche une indemnité de la part de la ...
Dégâts de gibier : « Des dégâts de sangliers limités voire nuls dans mes maïs grâce à une clôture »

Agriculteur à Saint-Fuscien dans la Somme, Valère Ricard protège ses parcelles de maïs contre les dégâts de gibier, notamment…

Corentin Denis, agriculteur à La Celle-Saint-Cyr (Yonne)
Orge de printemps : « J'obtiens une marge brute plus élevée en la semant à l'automne »

Agriculteur à La Celle-Saint-Cyr (Yonne), Corentin Denis compte semer toutes ses orges de printemps à l'automne avec l'espoir…

Gabriel Colombo, chef de cultures au lycée agricole Vesoul Agrocampus"Nous avons obtenu un rendement de 68,9 q/ha avec un bon calibrage (93) de même qu’un taux de ...
Orge de printemps : « un semis à l’automne est une option après tournesol à la place d'une orge d'hiver »
Chef de cultures au lycée agricole Vesoul Agrocampus, Gabriel Colombo a testé l'orge de printemps semée à l'automne, avec un gain…
Livraison de la récolte de céréales à la coopérative Agralys.
Moisson 2024 : des coopératives en difficulté mais aux côtés des céréaliers

La forte baisse des volumes collectés en 2024 impacte très négativement la santé des exploitations céréalières mais aussi…

Semis de blé.
Semis de blé tendre : les recommandations pour réussir cette étape en 2024

Après un automne 2023 qui a bouleversé les repères, Jean-Charles Deswarte, ingénieur chez Arvalis, rappelle les fondamentaux…

Récolte du tournesol : accepter de récolter humide dès qu'une opportunité se présente

Matthieu Abella, qui suit les conditions de récolte du tournesol chez Terres Inovia, conseille de récolter dès qu’une…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Grandes Cultures
Consultez les revues Réussir Grandes Cultures au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Grandes Cultures