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EN CHIFFRES
Les GIEE en manque de visibilité financière

Institués en 2014, les Groupements d’intérêt écologique et économique (GIEE) semblent s’essouffler en dépit des efforts du ministère de l’Agriculture qui met en avant « la force du collectif » pour s’engager dans l’agroécologie. Les financements manquent.

Plus de 400 GIEE créés en deux ans. La progression a été forte, semble-t-il. Ces Groupements d’intérêt écologique et économique ont été lancés en grande pompe par Stéphane Le Foll en 2015 avec une officialisation des six premiers dossiers lors du Salon de l’agriculture en présence de François Hollande. Leur principe est de regrouper des agriculteurs sur un projet pluriannuel de modification ou de consolidation de leurs pratiques visant à la fois des objectifs économiques, environnementaux et sociaux. « On mise sur la force du collectif pour relever ces défis, en raisonnant sur les principes de l’agroécologie avec l’environnement comme facteur de compétitivité », appuie Rik Vandererven, sous-directeur adjoint à la DGPE(1). Les GIEE ont été institués dans la Loi d’avenir agricole adoptée en septembre 2014. Ils font partie des mesures pour engager l’agriculture française sur la voie de l’agroécologie chère à Stéphane Le Foll. Ils sont sélectionnés à partir d’appels à projets régionaux.

Comment les GIEE prennent-ils localement ? Ce n’est pas le gros engouement, aux dires de quelques structures régionales, même si le ministère affiche avec fierté ses 400 GIEE atteints début mars. Force est de constater que le nombre de GIEE est très variable selon les secteurs : plus de 80 dans chacune des grandes régions Nouvelle Aquitaine et Occitanie, mais 2 en Ile-de-France. Certes, la région est très urbanisée et de petite taille mais elle a quand même près de la moitié de sa surface consacrée à l’agriculture. Il y a plus ou moins de volonté politique à investir dans ce type de dispositif selon l’endroit où l’on se trouve.

Des aides à l’accompagnement des GIEE

Beaucoup de groupes pré-existants d’agriculteurs se sont établis en GIEE, d’autres se sont créés de rien. « Pour certains agriculteurs, ce dispositif a été une opportunité de structuration en groupement alors que pour les groupes déjà constitués antérieurement, le passage en GIEE répondait à un besoin de redynamisation », remarque Anne Brunet, de la chambre régionale d’agriculture du Centre Val-de-Loire.

C’était clairement annoncé à la création des GIEE. Les producteurs ne doivent pas en attendre une quelconque aide financière. « Nous ne voulions pas relier les GIEE à des aides directes. L’objectif de la démarche est de miser sur l’initiative portée par un collectif, celui-ci donnant sens au projet avec un autofinancement », explique Rik Vandererven.

Un financement existe néanmoins mais il va aux structures qui accompagnent les GIEE, comme les chambres d’agriculture entre autres. « Au sein de ces structures, des conseillers chargés d’animer et d’accompagner ces GIEE sont financés pour cela », précise Anne Brunet. Il existe une enveloppe annuelle distribuée par région aux Draaf. « En 2016, 2 millions d’euros ont permis de financer l’accompagnement de 150 GIEE, précise Rik Vandererven. Pour 2017, il y aura 1,9 million d’euros pour les nouveaux appels à projet, avec une aide de 20 000 à 50 000 euros par GIEE. »

Ouvertures facilitées à certaines aides

« Ces aides restent limitées et c’est certainement un frein au développement du dispositif, analyse Anne Brunet. Notre région Centre compte 13 GIEE mais en 2018, les appels à projets lancés par la Draaf seront restreints, faute de moyens suffisants. La demande de labellisation d’un groupement en GIEE ne donne pas droit d’office à une aide financière à l’accompagnement. Il faut faire une autre démarche administrative pour cela », ajoute la spécialiste de la chambre d’agriculture qui espère que, dans le futur, toute labellisation pourra s’accompagner systématiquement de financement.

Si les agriculteurs ne touchent pas d’argent, ils peuvent bénéficier en revanche d’une attribution préférentielle de certaines aides et d’une majoration de celles-ci. « Sur le PCAE(2), les exploitations gagnent 20 points dans la grille de sélection à cette aide et celle-ci peut être majorée de 15 %, précise Anne Brunet. Cette aide majorée peut s’appliquer à l’acquisition d’équipement contribuant aux objectifs du GIEE, comme celle d’une bineuse si cet objectif est la réduction de produits phytosanitaires. »

Qu’apportent les GIEE par rapport à d’autres démarches agroécologiques mises en œuvre telles les fermes Dephy ? « Il faut voir les GIEE comme un cadre permettant de formaliser un projet contribuant à l’agroécologie en groupe. Les fermes Dephy, qui concernent des exploitations agricoles, sont spécifiquement orientées sur la réduction des phytos avec un objectif environnemental. Dans le GIEE, il y a la triple performance environnementale, économique et sociale à atteindre, rappelle Anne Brunet. Si la dimension environnementale peut être facile à trouver, celles sociales et économiques le sont moins. » La spécialiste de la chambre d’agriculture donne quelques exemples : « Un de nos GIEE met en œuvre une revalorisation de la luzerne. On crée du lien social dans cette démarche à l’échelle du territoire avec des échanges entre céréaliers et éleveurs sur cette production. » Quant à la dimension économique, elle peut être tout simplement de baisser les charges via la réduction d’intrants.

Il y a une vraie attente des agriculteurs dans l’accompagnement de leurs démarches mais des voix s’élèvent du terrain pour signifier que les moyens ne sont pas à la hauteur (voir page suivante). La dynamique agroécologique est lancée malgré tout. Les prochaines élections présidentielles diront si un nouvel élan sera insufflé aux GIEE.

(1) Délégation générale de la performance économique et environnementale des entreprises.(2) Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles.
Dans le GIEE, il y a la triple performance environnementale, économique et sociale à atteindre

Près de 700 000 ha en GIEE

407 GIEE étaient constitués en France 

677 000 ha concernés par les GIEE

7350 exploitants agricoles sont engagés dans des GIEE.

3 GIEE comptent plus de 100 agriculteurs, le maximum étant de 143 producteurs.

Des engagements sur plusieurs années : certains GIEE ont élaboré un projet courant sur plus de 10 ans, avec un maximum à 16 ans !

Données au 1er mars 2017 selon le ministère de l’Agriculture.

Des GIEE répartis inégalement (avec les graphiques)

- La répartition du nombre de GIEE est déséquilibrée entre régions. Le Sud-Ouest (Nouvelle Aquitaine et Occitanie) en compte plus de 40 %. Mais les données sont à rapporter à la taille de chaque région.

- Les exploitations spécialisées en grandes cultures pèsent assez peu : 16 %. Mais il faut ajouter des fermes de polyculture élevage et de polyculture où les grandes cultures sont présentes. Les orientations principales sur les exploitations de grandes cultures sont la conservation des sols (la moitié d’entre elles) devant la diversification des assolements et la réduction d’intrants.

- Les chambres d’agriculture ont été mises fortement à contribution pour accompagner les GIEE dans leurs constitution et animation. Elles en suivent 165 sur les 397 pour lesquels les informations sont connues.

Un fonctionnement bancal parmi d’autres

Dans l’Aude, il y a cinq GIEE dont deux seulement bénéficient d’un véritable accompagnement. Espoirs déçus…

Avec les GIEE, on a créé des espérances dans les campagnes. La constitution des groupes et l’élaboration des dossiers ont pris du temps. Cinq GIEE ont été labellisés dans notre département de l’Aude mais deux seulement ont pu être financés dans leur accompagnement. Nous ne pensions pas, au départ, que le budget serait aussi restreint. » Conseiller à la chambre d’agriculture de l’Aude, Loïc Doussat est dépité. « Pour animer malgré tout certains de ces GIEE, on fait du bricolage en interne avec du financement pris sur celui des groupes Dephy. Heureusement, certaines structures, comme l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, nous soutiennent. Personnellement, j’anime ponctuellement le GIEE de mon territoire grâce notamment au financement de mon groupe Dephy. »

D’un GDA au GIEE sans aide supplémentaire

Le conseiller cite l’exemple du GDA de Naurouze. « Après la constitution d’un groupe de travail de 9 agriculteurs autour des problématiques portées par Dephy Écophyto, ce GDA a décidé d’étendre sa démarche avec la labellisation en GIEE. Pour ce faire, il l’a ouverte à un groupe plus important d’agriculteurs, 46 au total. Le projet a été reconnu en juillet 2015, avec comme principale thématique le développement des pratiques agricoles plus vertueuses adaptées à notre terroir et l’amélioration de la qualité de l’eau du bassin versant du Fresquel. Depuis 2012, la chambre d’agriculture a mis à disposition un conseiller à mi-temps (grâce à un financement à hauteur de 75 %) pour le GDA dans le cadre des fermes Dephy. Mais le GDA n’a pas reçu d’aides supplémentaires au travers de son GIEE. » Loïc Doussat assure du mieux qu’il peut l’animation pour les 46 agriculteurs.

« Les GIEE, c’est derrière nous ! »

« Des groupes d’agriculteurs volontaires sont prêts à s’engager dans une démarche d’évolution des pratiques mais il y a peu de visibilité sur les moyens financiers, signifie-t-il. Nous avons la sensation d’avoir perdu beaucoup de temps car il n’y a quasiment plus d’appels à projet. Les GIEE, c’est derrière nous. On n’en parle plus politiquement dans notre région mais on met en avant maintenant les 30 000 fermes à accompagner au niveau national dans leur transition vers l’agroécologie, avec le réseau Dephy comme pivot. » La priorité pour le conseiller reste de travailler avec les 12 fermes que compte aujourd’hui son groupe Dephy et de partager les résultats obtenus.

Pas d’obligations de résultat

Constituer un dossier de candidature à un GIEE nécessite de dresser un argumentaire pour prétendre à ce groupement, décrire le projet, apporter des informations sur toutes les exploitations agricoles et s’engager à renseigner des indicateurs. Ce dernier point est très variable d’un groupe à l’autre selon la thématique. « Dans notre région, il n’y a pas d’indicateurs imposés par la Draaf au contraire des groupes Dephy. Il n’y a donc pas d’obligations de résultat mais on s’engage collectivement à améliorer ses pratiques », mentionne Anne Brunet, chambre régionale d’agriculture du Centre. Les membres du GIEE doivent renseigner des éléments chaque année et un bilan est effectué au bout de trois ans. La capitalisation des expériences et des résultats est assurée par l’organisme de développement agricole choisi par le GIEE. Sur la région, la coordination de ces actions de capitalisation est réalisée par la chambre régionale d’agriculture.

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