PARLEMENT EUROPÉEN
Les eurodéputés attendus sur la PAC
Malgré une victoire de la droite, les positions
politiques du nouveau Parlement européen sont imprévisibles tant le fonctionnement de cette institution est particulière. Pourtant, son rôle législatif va être élargi si le traité de Lisbonne entre en vigueur.
Les urnes européennes ont rendu leur verdict : les députés du parti populaire européen (PPE), dont l’UMP est membre, sortent les grands gagnants du scrutin, face à des socialistes en fort recul. Les Verts, quant à eux, renforcent leur présence au sein de l’hémicycle. Pourtant, malgré ce rapport de force tranché, « difficile de prévoir quelle sera l’orientation politique du nouveau Parlement, notamment sur les questions environnementales, d’autant que les partis sont fractionnés par État membre », considère Pekka Pesonen, secrétaire général du Copa Cogeca, l’organisation représentant les syndicats agricoles et les coopératives à Bruxelles. L’assemblée devrait en effet rester un lieu de compromis avec ses jeux d’alliances.Chaque texte nécessitera d’être voté par trois groupes parlementaires pour avoir une chance de passer. Sans doute le groupe des Verts va-t-il plus régulièrement jouer les arbitres et influencer les textes finaux. Les équilibres dépendront aussi du futur pouvoir des eurodéputés, lié à la ratification du traité de Lisbonne par l’Irlande à l’automne prochain. « Le traité est aussi suspendu à la capacité du Britannique Gordon Brown à rester en place. Si les conservateurs prennent le pouvoir, ils ont promis d’organiser un référendum et le résultat sera certainement négatif », explique Hélène Cuisinier, attachée de presse du Parlement européen.
POUVOIR LÉGISLATIF ÉTENDU
Si le traité est ratifié, les députés européens obtiendraient enfin un pouvoir législatif sur l’agriculture. Étrangement, bien que le parlement soit l’unique institution élue au suffrage universel, contrairement à la Commission européenne et le Conseil de l’UE réunissant les ministres nationaux, il ne peut être seul à l’initiative d’un acte législatif. Sur l’agriculture, les eurodéputés sont seulement consultés pour les grands textes tels que le bilan de santé de la PAC, et totalement exclus des décisions concernant le budget de la PAC. Pour Corrado Pirzio Biroli, directeur de la fondation Rise(1), la raison est historique. « Le gros des dépenses de la PAC était destiné au soutien des marchés. Il s’agissait de dépenses obligatoires gérées par la Commission. Aujourd’hui, cela ne se justifie plus car les aides sont découplées et le soutien aux marchés est réduit. Avec le traité de Lisbonne, la codécision s’appliquera sur l’ensemble du budget européen. » Pour autant,même en cas de ratification du traité de Lisbonne, « la Commission restera au coeur de la décision car c’est elle qui sera à l’origine des propositions à partir desquelles il est possible de légiférer », tempère Pekka Pesonen.
INTÉRÊTS NATIONAUX
Tout le monde s’interroge aujourd’hui sur les positions politiques que prendront les députés européens. « Le Parlement a beau être dominé par les Conservateurs, il n’y a pas de majorité et d’opposition figées, explique Claude Turmes, député Vert du Luxembourg. Un libéral britannique ou même un conservateur scandinave est souvent plus écolo qu’un socialdémocrate allemand. » En fait, un député peut défendre la ligne de son parti quand il travaille en commission, puis celle de son pays lorsqu’il vote le texte en assemblée plénière,même lorsque les deux s’opposent. « Jusqu’alors, parce qu’il n’y avait pas de véritables enjeux législatifs, les propositions de la commission agriculture étaient quasiment toujours reprises telles quelles en assemblée plénière. Une fois la codécision adoptée, on peut s’attendre à davantage d’amendements, intégrant une approche plus environnementale », explique un observateur à Bruxelles. C’est ce qui s’est passé avec le règlement relatif à la mise en marché des produits phytopharmaceutiques, adopté début 2009. Jusqu’alors, avec son pouvoir étriqué, la commission agriculture du Parlement n’était pas très attractive pour les Michel Barnier préfère la commission du marché intérieur. Pour Pekka Pesonen, un problème n’a pas encore été réglé. « Il est nécessaire de doter le parlement d’une capacité d’expertise qui lui fait actuellement défaut, et qui n’existe qu’à la Commission ou chez les États membres, estime-t-il. Il faut disposer d’études indépendantes, comme c’est le cas pour le Congrès aux États-Unis, car il sera alors plus facile de travailler avec le Parlement, et le débat sera moins politisé. » Dans l’attente, le Parlement recrute pour renforcer son service administratif. ! Nicole Ouvrard et Gabriel Omnès (1) « Rural investment support for Europe » est un lobby à Bruxelles présidé par Franz Fischler. députés. Les choses vont peut-être changer.
RENDEZ-VOUS LE 14 JUILLET
À Strasbourg, le taux de renouvellement est très fort. Sur les 92 membres de cette commission, 52 ne sont plus eurodéputés, et les 40 restants seront peut-être tentés par d’autres responsabilités. L’arbitrage entre groupes est en cours pour composer les différentes commissions. Le nouveau parlement se réunira à Strasbourg le 14 juillet puis la réunion constitutive aura lieu le 20 juillet. Parmi les pressentis français pour la commission agriculture figurent José Bové (Europe écologie) ainsi que François Alfonsi (élu Vert en Corse). Pour l’UMP, Joseph Daul et Christophe Bechu sont candidats, ainsi que Michel Dantin en tant que suppléant. Michel Barnier préfère la commission du marché intérieur. Pour Pekka Pesonen, un problème n’a pas encore été réglé. « Il est nécessaire de doter le parlement d’une capacité d’expertise qui lui fait actuellement défaut, et qui n’existe qu’à la Commission ou chez les États membres, estime-t-il. Il faut disposer d’études indépendantes, comme c’est le cas pour le Congrès aux États-Unis, car il sera alors plus facile de travailler avec le Parlement, et le débat sera moins politisé. » Dans l’attente, le Parlement recrute pour renforcer son service administratif.
(1) « Rural investment support for Europe » est un lobby à Bruxelles présidé par Franz Fischler.
« Si on ne fait rien, il restera 30 % du budget actuel de la PAC »
Jean-Christophe Bureau, professeur et chercheur en économie à AgroParisTech.
« Il existe de très fortes divergences sur la PAC entre les États membres. L’exercice de révision budgétaire sera plus dur que jamais. Selon moi, la question du maintien ou non du budget de la Politique agricole commune ne se pose même plus. La véritable question est : qu’est-ce que l’on peut encore sauver ? À Bruxelles, nombreux sont ceux qui spéculent sur la façon dont on va pouvoir utiliser les milliards d’euros qui en sont issus. Si les organisations agricoles ne font pas des propositions recevables, il ne restera que 30 % du budget actuel. Trop de solutions simplistes sont proposées, comme celle de basculer le budget du premier pilier de la PAC vers le deuxième. Pour autant, Bruxelles ne reviendra pas sur la réduction de soutien au marché. La PAC sera défendable si l’on montre qu’elle apporte une plus-value européenne. C’est le cas avec une approche agro-environnementale. Nous proposons de faire évoluer les soutiens vers des contrats de service à plusieurs niveaux. »
Jean-Christophe Bureau est co-auteur, avec Louis-Pascal Mahé, d’un rapport intitulé « La réforme de la PAC au-delà de 2013 - une vision à plus long terme », gratuit sur internet sur www.notre-europe.eu.