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Le sclérotinia sur colza, une maladie à ne pas sous-estimer

Malgré sa grande discrétion ces dernières années, le sclérotinia sur colza reste une maladie dont les préjudices sur le rendement sont conséquents. L’efficacité des mesures prophylactiques varie selon la météo, et l’absence de modèle fiable rend risquée l’impasse de traitement.

Le stade G1 de chute des premiers pétales est celui à retenir pour intervenir contre le sclérotinia avec un fongicide. © J.- C. Gutner/Archives
Le stade G1 de chute des premiers pétales est celui à retenir pour intervenir contre le sclérotinia avec un fongicide.
© J.- C. Gutner/Archives

« Le champignon responsable du sclérotinia contamine les pétales dans des conditions d’humidité élevée et de températures optimales comprises entre 20 et 25 °C, explique Annette Penaud, chargée d’études en phytopathologie chez Terres Inovia. Un gel tardif, au moment de la pénétration du mycélium dans la feuille, ou des températures supérieures à 27 °C après la période de floraison, stoppe la propagation du champignon. Ces conditions météorologiques sont une solution curative extrêmement efficace. »

Même s’il n’est fortement présent qu’une année sur 10 en moyenne, le sclérotinia est la maladie la plus préjudiciable sur le colza. « Pour des faibles attaques, soit moins de 10 % des plantes atteintes, les pertes de rendement s’élèvent à environ 2 quintaux par hectare, mais il est difficile d’attribuer ces pertes uniquement à ce champignon », indique Annette Penaud. Selon les années, le préjudice peut être de 10 à 15 quintaux par hectare avec des infestations fortes.

D’autres maladies secondaires également pénalisantes

« Le sclérotinia donne le top départ de toutes les maladies de fin de cycle », souligne Julien Binet, sélectionneur colza chez Bayer Cropscience. D’autres maladies secondaires sont également pénalisantes pour le rendement si elles ne sont pas maîtrisées, comme le Mycosphaerella. Les observations en matière de génétique pour la sélection variétale se font sur l’ensemble de ce complexe infectieux et pas uniquement sur le sclérotinia. L’objectif est de trouver les bonnes solutions pour sécuriser le rendement jusqu’au bout. « Les souches évoluent quelle que soit la maladie considérée. Le champignon contournera la résistance variétale sur un laps de temps plus ou moins long que nous ne savons pas anticiper », convient le sélectionneur.

À ce jour, il n’existe pas de modélisation capable de prédire efficacement une attaque de sclérotinia. L’observation des premiers symptômes arrive bien souvent trop tard pour maîtriser cette maladie. « La pression du sclérotinia peut être mesurée à la parcelle grâce à l’utilisation de Kit pétales, explique Philippe Marion, conseiller à la chambre d’agriculture de la Marne. Mais en aucun cas cet indicateur n’est représentatif de tout un secteur. »

Une lutte chimique quasi incontournable

Faute de modèle fiable, l’agriculteur se trouve face à un dilemme au moment de décider s’il doit traiter ou non. « Les producteurs de colza craignent toujours l’humidité d’avril au stade G1, période où la plante met en place son nombre de siliques. L’application du produit doit se faire avant la chute des premiers pétales car il n’est pas possible de réparer des cellules végétales avec des produits, qu’ils soient préventifs ou curatifs », prévient Étienne Delerue, chef marché chez Bayer Cropscience. « Nous déconseillons l’impasse fongicide étant donné le préjudice significatif causé par la maladie, complète Philippe Marion. Les triazoles sont indispensables dans un programme. Associée à la famille des SDHI, la protection est davantage efficace. »

Des moyens alternatifs sont disponibles sur le marché pour lutter contre le sclérotinia. Le produit Contans WG, composé de spores du champignon Coniothyrium minitans, est un produit spécifique au sclérotinia appliqué au semis du colza. Son objectif est d’empêcher la libération d’ascospores dans le sol qui contaminent le colza à la floraison. « Dans nos essais, les résultats ont été décevants, explique Philippe Marion. Les conditions trop sèches au moment de l’application rendent l’efficacité du produit aléatoire. » En France, le Contans WG est utilisé sur 150 hectares de colza. « Le coût est de l’ordre de 40 euros par hectare au moment du semis, ce qui correspond plus ou moins à un investissement fongicide habituel, indique Étienne Delerue. Ce coût élevé est également un frein à son utilisation. »

Des solutions de biocontrôle en complément

D’autres produits de lutte biologique, à base de Bacillus, existent également sur le marché. « Utilisés seuls, ces produits de biocontrôle sont efficaces dans des situations à très faibles infestations, soit moins de 10 % d’attaques. Dans ces conditions, aucun traitement fongicide n’est habituellement nécessaire », précise Annette Penaud. Mais ces produits sont proposés en association avec des fongicides à demi-dose pour assurer une efficacité contre les maladies.

D’après les chercheurs, les agriculteurs manifestent une vraie attente pour les produits de biocontrôle, associés à un fongicide efficace. « Ce sont également des leviers intéressants pour moins exposer les produits de synthèse aux éventuelles restrictions d’emploi, puisqu’ils sont utilisés à doses réduites », souligne Étienne Delerue.

L’inoculation du sclérotinia, par les pétales, est dépendante de nombreux facteurs agro-environnementaux. Ce champignon est capable d’attaquer la plupart des dicotylédones. « Le coquelicot, par exemple, fait partie des quelque 500 espèces hôtes, signale Annette Penaud. Les cultures oléagineuses sont sensibles au sclérotinia. »

La diversification des rotations peut réduire la présence du champignon à condition d’intégrer deux céréales entre deux cultures oléagineuses, les monocotylédones étant beaucoup moins sensibles, voire très tolérantes, au sclérotinia. « Il faut remettre l’agronomie au centre des préoccupations de l‘exploitation, soutient Julien Binet. Des pratiques telles que la diversité au sein de la rotation limitent les risques liés au sclérotinia. Ce sont des facteurs qui font la durabilité d’un système. »

La recherche variétale planche sur le sclérotinia

Des travaux de recherche sont en cours pour obtenir des variétés moins sensibles au sclérotinia. « Face à cette maladie, il n’existe pas de gènes spécifiques mais des résistances partielles, plus difficiles à sélectionner, constate Annette Penaud, Terres Inovia. Nous devons aussi veiller à introduire ces résistances au sein de variétés productives. C’est un vrai défi ! » Les phénomènes de contournement des résistances compliquent encore la tâche des sélectionneurs.

Avis d’agriculteur - Denis Poncelet, 275 ha de cultures à Thillois, Marne

« L’utilisation du biocontrôle réduit les IFT sans baisse de rendement »

« Depuis quatre ans, j’utilise des produits de biocontrôle et de stimulation des plantes. Outre son intérêt dans le renforcement des défenses des plantes, Polyversum est un fongicide naturel. Composé de 100 g/kg de Pythium oligandrum, il attaque les maladies des plantes. Ces produits de biocontrôle sont efficaces, notamment contre le sclérotinia du colza.

De formulation solide, Polyversum s’applique à la dose de 100 g/ha dès le début de la floraison. Je l’ai déjà utilisé seul ou en association telle que 75 g/ha de Polyversum avec 0,4 l/ha de fongicide (Passerelle) et 2 l/ha d’un complément nutritif. L’ensemble coûte 40,50 euros/ha : c’est plus cher qu’un fongicide classique mais cela réduit les IFT. C’est tout un ensemble de charges et de critères environnementaux qu’il faut considérer.

Depuis que j’utilise ces produits de biocontrôle, je n’ai pas observé de différence de rendement par rapport à un itinéraire classique. Cependant, la pression en sclérotinia est faible depuis quelques années. Ces pratiques valorisent l’image de l’agriculture auprès du grand public. C’est de la communication positive, indispensable dans le contexte actuel. »

Blé, orge de printemps et d’hiver, colza, betterave, pois d’hiver, lentille, luzerne, pomme de terre de consommation.

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