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Sur colza, le sclérotinia impose vigilance et prévention

Même si le sclérotinia ne s’est pas signalé par de fortes attaques ces dernières années sur le colza, le traitement fongicide préventif est de mise le plus souvent. Le niveau d’attaque du pathogène est très difficile à prédire.

Il n'y a que des fongicides préventifs pour lutter contre le sclérotinia. Bien positionné au stade G1 "chute des premiers pétales", l'application protégera bien le colza.
© V. Marmuse

Plus de 5 q/ha de pertes lors de fortes attaques et plus encore dans les cas les plus graves. Sur colza, le sclérotinia vaut d’être pris au sérieux. « C’est un pathogène omniprésent car, en plus du colza, il s’attaque à diverses cultures de plein champ comme le soja, le tournesol, le pois mais aussi le haricot vert, la carotte, le melon, les laitues, présente Annette Penaud, spécialiste en pathologie végétale chez Terres Inovia. Il existe différentes souches de ce champignon mais un sclérotinia sur haricot vert ou sur carotte pourra se retrouver aussi sur colza. »

En plus d’être polyphage, le champignon présente la particularité de se conserver dans le sol plusieurs années durant sous formes de sclérotes, amas de mycélium noir ressemblant à des crottes de rat. En résumé, il y a peu de parcelles en France exemptes de sclérotinia. Pourtant, rares sont les années où le champignon s’est rendu responsable de fortes attaques sur colza. « On a coutume de dire qu’il y a une ou deux attaques sévères par décennie mais la dernière remonte à 2007. L’impact sur le rendement est de 1,5 q/ha par tranche de 10 % de tiges touchées », précise Annette Penaud.

Des conditions de maladie difficiles à prévoir

Le sclérotinia est insaisissable. Il est très difficile voire impossible de prévoir les conditions d’une forte attaque suffisamment tôt pour laisser à l’agriculteur le temps d’intervenir avec un traitement fongicide. « Réalisée par les partenaires du Bulletin de santé du végétal (BSV), la méthode de prévision du kit pétales donne une image du risque encouru au début de la floraison du colza, au stade F1 (50 % des plantes avec une fleur ouverte). Si le test est négatif (pas ou très peu de sclérotinia), il n’y aura pas de risque de contamination et donc pas besoin de traiter précisément contre cette maladie. Mais, il est exceptionnel qu’il y ait une année sans risque à ce stade, précise Annette Penaud. Dans la grande majorité des cas, le kit pétales indique un risque au stade F1. »

Les contaminations se déroulent quelques jours après, à la chute des premiers pétales (stade G1),. Ensuite, il est possible que les conditions climatiques ne soient pas propices à la maladie et que le sclérotinia ne se développe pas au final. « En mai 2018, un petit coup de gel après une période de sec a suffi à bloquer les contaminations », relate Annette Penaud.

Pour protéger le colza, il n’y a pas de produits curatifs pour bloquer la maladie. « Nous n’avons que des fongicides préventifs pour lequel le positionnement doit être le stade G1 pour obtenir la meilleure protection possible, remarque Annette Penaud. L’application protège à la fois les feuilles sur lesquelles les pétales vont tomber et les fleurs présentes. »

Associer des matières actives de famille différente

Nombreuses, les solutions de références sont des mélanges de fongicides ou des produits associant plusieurs matières actives de familles différentes (SDHI, triazole, strobilurine) parfois commercialisés en packs (1). « Dans la plupart des cas, une seule intervention suffit contre le sclérotinia, remarque Franck Duroueix, Terres Inovia, à condition de bien la positionner au stade G1. » Placée trop tôt ou trop tard, l’application montrera une efficacité moindre. Plusieurs de ces produits montrent une bonne efficacité avec une règle à respecter : ne pas utiliser de SDHI seul. Le sclérotinia a développé une résistance à cette famille de fongicide (boscalid, fluopyram…) dans plusieurs départements.

Deux nouveautés sont venues enrichir la panoplie antisclérotinia. Commercialisé par Belchim Crop Protection, Haregi (= Kenja, Zenby) est à base d’une nouvelle substance active, l’isofétamide, qui appartient à la famille chimique des SDHI. « Haregi est homologué à 0,8 l/ha. En l’utilisant à 0,4 l/ha en association avec une ou deux autres matières actives de famille chimique différente, on obtient alors une efficacité régulière et de haut niveau sur l’ensemble des maladies du colza », précise la société Belchim dans la fiche de présentation.

« Comme Haregi ne contient qu’un SDHI, nous conseillons son association (à demi-dose) avec d’autres substances actives efficaces pour combattre le sclérotinia, confirme Franck Duroueix. D’ailleurs, le fongicide est vendu avec d’autres spécialités à base d’azoxystrobine, de metconazole, de difénoconazole, d’azoxystrobine + tébuconazole (Custodia)… Nous émettons un petit bémol sur le difénoconazole, qui est un cran en dessous des triazoles traditionnels en termes d’efficacité sur sclérotinia. »

Des bactéries en guise de solution de biocontrôle

Le deuxième nouveau produit est à base d’une bactérie, Bacillus subtilis (souche QST173) sous formes de spores et de composés naturels secrétés à action fongicide. Commercialisé par Bayer, Rhapsody est le troisième produit de biocontrôle applicable en traitement foliaire contre les maladies après Ballad (de DuPont) et Polyversum (De Sangosse). Bayer recommande son utilisation en préventif à la dose de 2 l/ha avec un maximum de deux applications à cinq jours d’intervalle, entre le stade « premières fleurs ouvertes » et la fin floraison.

Terres Inovia a testé le produit à deux doses et avec double application. Dans un essai, l’efficacité atteint 50 % (40 % sur la moyenne de deux essais) sur des situations de fortes attaques. En situation de faible attaque de sclérotinia, l’efficacité est plus élevée (60 à 80 % selon les doses). Dans les deux types de situation, le fongicide Propulse à 0,8 l/ha est efficace à plus de 90 %.

Tout comme Ballad est associé à demi-dose à un fongicide dans le pack Acapela Soft Control, Rhapsody peut être mélangé à un fongicide conventionnel à demi-dose. Le pack Rhapsody Pro associe ainsi Rhapsody à 2 l/ha à Propulse 0,5 l/ha. « À cette dose, Propulse est déjà très performant contre le sclérotinia, observe Franck Duroueix. Nous ne voyons pas de différence d’efficacité dans nos essais avec le pack Rhapsody Pro. Nous constatons que le mélange d’un fongicide avec un Bacillus a du mal à valoriser l’action de ce dernier. Peut-être est-ce dû à une action du fongicide rapide qui agit sur la maladie avant la bactérie », essaie de comprendre le spécialiste de Terres Inovia.

Sur le plan économique le mélange proposé dans Rhapsody Pro ne présente pas d’intérêt pour l’agriculteur. Mieux vaut faire une demi-dose de Propulse seul pour le même résultat. Le seul intérêt réside dans l’utilisation d’une solution de biocontrôle pour les démarches qui veulent mettre en avant cette stratégie agroécologique. Si pour l’environnement, l’utilisation du biocontrôle peut être bénéfique, il ne faut pas que cela se transforme en biocontrôle de pacotille sur le plan technico-économique.

Une résistance stabilisée chez le sclérotinia

« Le suivi du sclérotinia a fait apparaître le développement d’une résistance au boscalid (SDHI) à une époque en 2011 où Pictor Pro qui contenait cette molécule en solo était un produit vedette, remarque Annette Penaud de Terres Inovia. Son utilisation importante a mené au développement de cette résistance en plusieurs points du territoire en France. » Le sclérotinia fait l’objet tous les ans d’une note commune Anses - Inra - Terres Inovia montrant l’évolution de la résistance.

« La fréquence d’identification de la résistance paraît stable depuis quelques années. Les associations de substances actives ont pris le leadership dans les solutions utilisées et cela porte ses fruits », selon Annette Penaud. Les spécialistes gardent un œil sur l’évolution du sclérotinia face aux triazoles et surtout aux strobilurines, molécules unisites comme les SDHI.

Des solutions efficaces en associant les molécules

Diverses solutions mélangeant plusieurs matières actives (Propulse, Pictor Pro associé, Haregi associé, Amistar Gold + Sunorg Pro…) montrent des niveaux d’efficacité élevée contre sclérotinia, pour peu que le traitement soit bien positionné au stade G1. Celui-ci n’a pas été optimal dans l’un des sites d’essais (64), ce qui explique les efficacités inférieures.

La nouveauté Haregi qui ne contient qu’une SDHI est conseillée en association avec d’autres substances actives pour obtenir une efficacité bonne et durable.

Un produit de BASF (codé BAS516F) est attendu pour les prochains mois. Il est composé de boscalid (SDHI) et de pyraclostrobine (strobilurine). Son efficacité est élevée, la meilleure parmi les solutions testées en 2018 dans les deux essais de Terres Inovia.

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