La France leader en semences grâce à ses agriculteurs multiplicateurs
La France se classe premier exportateur mondial de semences et le chiffre d'affaires de cette activité se monte à plusieurs milliards d'euros. Les agriculteurs multiplicateurs sont un maillon essentiel du succès de la semence "made in France".
" Les semences tricolores sur toute la planète". En mars dernier, le quotidien Le Monde titrait ainsi un des chapitres d'un article montrant "dix classements dans lesquels la France arrive en tête ". En effet, avec 3,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires dont la moitié à l'exportation, cette activité place la France au premier rang mondial des exportateurs de semences. Si l'Hexagone se situe à ce niveau, c'est grâce à ses entreprises semencières, ses stations de semences et la qualité de travail des agriculteurs multiplicateurs. Ces derniers sont plus de 19 000 pour une surface de multiplication ayant approché les 400 000 hectares en 2014.
Les surfaces ont augmenté ces dernières années. Mais le nombre d'agriculteurs multiplicateurs tend à décroître. Ils étaient plus de 25 000 en 2000 avant de passer sous la barre des 20 000 en 2005. Président de la Fnams, Jean-Noël Dhennin ne s'en alarme pas. "La tendance suit celle de la démographie agricole. Pour les céréales à paille notamment, les surfaces de multiplication augmentent, ce qui se traduit par des contrats de production plus importants par exploitation agricole. En céréales, nous sommes passés ainsi de 13 hectares en 2000 à 21 hectares en 2014 de surface de multiplication en moyenne par contrat. Ce qui est important, c'est de maintenir un noyau stable d'agriculteurs multiplicateurs prenant des contrats tous les ans, qui sont des spécialistes garants de la maîtrise de la qualité."
Technicité et rigueur exigées
Trouver les candidats fiables et performants n'est pas toujours chose facile pour les établissements semenciers. "Un producteur se doit d'être rigoureux dans le respect du cahier des charges, dans la transmission des informations techniques, dans la livraison de la récolte à temps. Les exploitations qui sont dans une logique d'assolement très simplifié et dans une politique de diminution des charges ne répondent pas forcément à ces exigences", remarque Jean-Albert Fougereux, qui dirige le service technique de la Fnams. En outre, un prix de vente élevé des cultures de consommation peut détourner les agriculteurs des productions de semences. "L'impact des fortes augmentations de prix des céréales de consommation après juillet 2007 a fait perdre de l'attractivité à certaines productions de semences, notait Philippe Silhol, du Gnis, dans une étude parue à cette époque... Pour le blé tendre, la prime de multiplication et donc la rémunération de l'agriculteur sont dorénavant indexées sur le Matif qui intègre l'évolution des cours. Mais cette prise en compte quasiment en temps réel des cours n'est pas le cas pour toutes les productions. Pour certaines, on reste encore sur un calcul prenant les prix de l'année N-1, en décalage avec les réalités économiques du moment.
Ce facteur prix pèse en particulier sur les productions exigeantes sur le plan technique. C'est le cas pour les semences de colza hybride nécessitant plusieurs centaines de mètres d'isolement et une rotation culturale exempte de crucifères pendant plusieurs années. Directeur de l'Anamso, Patrick Marie en est conscient. "Nous sommes très vigilants à conserver nos agriculteurs multiplicateurs même quand l'on est confronté à une baisse des surfaces de multiplication comme nous le connaissons cette dernière campagne par rapport à la précédente (- 25 %). Nous les accompagnons dans ces réductions de contrats. Il nous faut conserver les situations d'isolement, de rotation longue et de technicité. Un agriculteur qui ne prend pas de contrat de multiplication et qui se met à cultiver du colza de consommation rend impossible la production de semences pour plusieurs années sur ses parcelles ", prévient-il.
De fortes fluctuations chez certaines espèces
Pourquoi la France tient-elle une place majeure dans la multiplication de semences ? "La diversité de ses sols et de ses climats rend le pays particulièrement propice à cette activité : 139 espèces y ont été produites en 2014", précise le Gnis. "C'est un atout que nous reprenons pour produire les semences de variétés aussi bien précoces que tardives, précise Matthieu Çaldumbide, chef de la section spécialisée maïs semences à l'AGPM. Les entreprises reconnaissent en plus que la France apporte régularité et sécurité dans l'approvisionnement et la production." Le maïs a atteint un plafond de 93 500 hectares en 2014 avec une hausse de 19 % en un an ! Cette espèce est un bon exemple d'une production qui fluctue en fonction de la demande du marché européen. La France exporte la majorité de sa production aux autres pays de l'Europe, Allemagne en tête. La surface de multiplication de semences avait atteint ce niveau record en 2014 (47 % de la surface de l'UE) pour reconstituer des stocks trop bas et répondre à une forte demande du marché. Retour de bâtons en 2015 : la surface est retombée à 70 000 hectares environ après les stocks reconstitués et un plan de production revu à la baisse.
Les semences de céréales à paille produites en France alimentent, quant à elles, essentiellement le marché intérieur (5 % à l'export) et il y a peu d'importations. Avec des surfaces de production qui augmentent, celles de multiplication sont en hausse également. Le taux d'utilisation de semences certifiées est déterminant dans les tendances. Celui-ci est compris entre 57 et 58 % ces trois dernières années, un niveau élevé, et le marché des semences certifiées a progressé de 3,2 % en un an avec l'augmentation des surfaces de culture du blé tendre de 150 000 hectares. Les protéagineux connaissent également une hausse de leurs surfaces de multiplication se chiffrant à plusieurs dizaines de pourcents. Comme le blé, c'est clairement lié à l'augmentation des surfaces cultivées. Mais cette tendance est conjoncturelle avec les politiques de soutien : aides du plan protéines, protéagineux éligibles aux SIE...
Des exigences d'isolement
Les contraintes techniques de production peuvent compliquer le développement d'une production de semences, notamment avec des distances d'isolement importantes. Ce n'est pas trop le cas d'espèces autogames comme les blés, orges et protéagineux. Cela l'est plus pour le maïs ou pour le colza. La multiplication de semences d'hybrides de colza se concentre surtout sur des départements du Sud-Ouest pour bénéficier du climat chaud. Les semences sont produites assez tôt pour être disponibles suffisamment rapidement pour les semis suivants qui commencent à la mi-août. Et les abeilles doivent trouver des conditions climatiques idéales pour la pollinisation. La collaboration entre agriculteurs et apiculteurs est primordiale pour la bonne pollinisation des espèces entomophiles : colza, tournesol, carottes... Pour les oléagineux, le site web Beewapi met en relation agriculteurs et apiculteurs pour la mise à disposition de ruches avec des engagements et cahiers des charges à respecter. Le développement de productions exigeantes en isolement peut nécessiter la prospection de nouvelles zones de multiplication comme cela a été le cas pour le maïs en 2014 ou pour le colza en 2012-2013. On peut donc parler de plafond de surfaces de production sur un département ou une région mais pas encore à l'échelle du territoire français. Heureusement, la France possède une vaste surface agricole.
La France, 1er exportateur mondial et 1er producteur européen(1)
19 085 agriculteurs multiplicateurs de semences, dont plus de 7600 en céréales et protéagineux et plus de 5000 en maïs et sorgho.
396 725 hectares de production de semences, plants de pomme de terre compris dont plus de 175 000 en céréales à paille et protéagineux et près de 100 000 en maïs et sorgho. La surface baisse de 10 000 hectares environ sur 2014-2015.
3,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour la filière semences et plants en France dont 1,47 milliard à l'export (80 % grandes cultures) et un excédent commercial de 736 millions d'euros.
145 pays où les semences françaises sont exportées (selon le Gnis) mais les exportations se font essentiellement vers les pays européens.
(1) Sur la campagne 2013-2014.