« Dans les mois à venir, il va y avoir du tri »
Pour Christian Germain, enseignant spécialisé dans le traitement des images à Bordeaux Sciences Agro et professeur titulaire de la toute nouvelle chaire AgroTIC (numérique), les capteurs connectés ont un avenir en grandes cultures… Mais pas partout ni pour tout.
En grandes cultures, la météo constitue aujourd'hui le premier champ d'application des capteurs connectés. Les stations s’inspirent fortement des modèles grand public que peut proposer pour le loisir une société comme Oregon Scientific, par exemple. Pour d'autres productions, on commence à trouver des pièges connectés, qui fonctionnent avec de petits capteurs de sons ou d’images. Mais dans cette dernière catégorie en particulier, il reste encore beaucoup de choses à inventer.
De fait, ce que l’on sait bien mesurer aujourd’hui, c’est une vigueur, un indice de végétation. En dehors de l’azote, cela pourrait déboucher sur des prévisions de rendement. Mais envisager la détection précoce de maladies grâce à des capteurs spectraux ou hyperspectraux, ça reste du domaine de la recherche. Aujourd’hui, il est possible de détecter des symptômes mais pas des maladies. De même, on aimerait donner le statut hydrique des plantes grâce à une caméra infrarouge thermique, qui n’est plus si cher que cela. Mais c’est extrêmement complexe : à chaque léger courant d’air, la température du couvert change de 2 à 3 °C. Une mesure instantanée peut paraître aléatoire car elle dépend de nombreux paramètres. Il faut se poser, mais cela devient alors beaucoup plus compliqué.
Quand une nouvelle technologie arrive, c’est à chaque fois la même chose. On passe d’abord par la partie montante de la « courbe du hype », qui correspond à une progression exponentielle des attentes jusqu’à un pic. Elle est suivie par une période de déception puis une stabilisation à un niveau intermédiaire, correspondant aux utilisations réellement efficaces de la technologie. Pour l’instant, concernant les capteurs connectés, on monte vers le pic… Un pic que l’on a déjà bien redescendu, par exemple, si l’on évoque les drones. Les capteurs connectés constituent une technologie prometteuse, mais dans les mois qui viennent, il va y avoir du tri.
Nous nous heurtons à une vraie difficulté : ils peuvent être facilement détruits lors d’intervention aux champs. Il faut donc les déporter un peu, en bordure de champ ou sur un pivot d’irrigation, par exemple. Si les capteurs sont embarqués, certains problèmes sont résolus, dont celui de la consommation électrique. L’information peut être stockée puis recueillie a posteriori. Quel que soit le type de capteur, fixe ou mobile, le problème tient ensuite dans l’interopérabilité des systèmes, qui n’est pas évidente car les concepteurs de capteurs souhaitent aujourd’hui recueillir les infos des autres sans donner les leurs. Le frein n’est pas technologique : un logiciel de cartographie de parcelles peut aujourd’hui recevoir des informations de n’importe quelle source sous réserve qu’elles soient au bon format. Les normes sont implantées dans les logiciels, les opérateurs sont prêts à accueillir des données externes, mais ils sont rarement disposés à partager leurs données avec d'autres plateformes, qui de ce fait se multiplient. L’agriculteur devrait pouvoir choisir son logiciel de traitement de données indépendamment de celui qui lui fournit ces données.
30 millions d'euros pour une recherche collaborative
Nom de code : IOF2020, pour Internet of food and farm 2020. Ce grand projet financé à hauteur de 30 millions d'euros sur quatre ans par l'Union européenne vient de commencer au 1er janvier 2017. Coordonné par l'université de Wageningen, aux Pays-Bas, il regroupe 73 organisations (entreprises, instituts techniques, universités...) provenant de 16 pays différents. Le but est de favoriser le développement à grande échelle de l'internet des objets dans le monde agricole et agroalimentaire. Cinq domaines d'applications sont visés, dont les grandes cultures.