Connaître son sol : ce que vous disent (vraiment) les plantes bio-indicatrices
Pour mieux connaître ses sols, les adventices apportent des informations en tant que plantes bio-indicatrices. Mais on ne peut pas leur faire tout dire sur un défaut de fonctionnement du sol.
Pour mieux connaître ses sols, les adventices apportent des informations en tant que plantes bio-indicatrices. Mais on ne peut pas leur faire tout dire sur un défaut de fonctionnement du sol.
C’est à la mode. L’utilisation des plantes comme indicateurs de l’état de son sol est en vogue dans les milieux de la biodynamie, de la permaculture, et maintenant en agriculture biologique ou de conservation des sols. Quelle pertinence en situation de grandes cultures ? « À la demande de plusieurs agriculteurs, nous avons organisé une formation au printemps dernier, en faisant appel à Jean-Pierre Scherer, formateur intervenant en agronomie, botanique et écologique à la MFR de Chauvigny dans la Vienne, raconte Frédéric Berhaut, conseiller cultures biologiques à la chambre d’agriculture de Haute-Marne. L’idée était de voir comment associer les relevés floristiques avec d’autres méthodes apportant des éléments sur l’état de son sol : profils, analyses, pratiques de l’agriculteur, historique cultural… »
La méthode de Jean-Pierre Scherer repose sur un principe : la levée de dormance des graines d’adventices est dépendante de certaines caractéristiques du sol propres à chaque espèce. Ces graines se comptent parfois en milliers par mètre carré. Certaines plantes pourront indiquer un problème de structure du sol, d’autres une forte présence d’azote ou un sol acide, d’autres encore une faible réserve utile…
Une méthode en complément des autres analyses du sol
La méthode de Jean-Pierre Scherer s’inspire de celle mise en avant par l’organisme Promonature qui œuvre sur la question depuis de nombreuses années et qui a publié des ouvrages. Mais elle n’en retient pas tous les points et elle est gratuite. Pour Frédéric Berhaut, la méthode est utile en complément d’autres types de diagnostic de sol. « Diagnostiquer l’état de son sol avec les seules plantes bio-indicatrices n’est pas pertinent. Par exemple, on ne pourra pas expliquer un problème de structure seulement par les plantes présentes. Dans ce cas, une analyse de sol est indispensable. » Mais pour le conseiller agricole, c’est un élément de plus aidant à comprendre ce qu’il se passe. « La méthode apporte des arguments supplémentaires pour expliquer un fonctionnement du sol et révéler certains problèmes. C’est à prendre comme un outil d’aide à la réflexion, avec des plantes que l’agriculteur peut voir concrètement. »
Sans remettre en cause l’intérêt de la bio-indication, certains experts en botanique et adventices appellent à la prudence, avec des diagnostics jugés parfois abusifs. « Dans la composition floristique d’une parcelle, l’historique des pratiques est parfois plus important que le type de sol, souligne Guillaume Fried, ingénieur spécialisé en botanique au Laboratoire de la santé des végétaux de l’Anses. À l’origine, le vulpin était surtout associé aux sols limono-argileux et calcaires. Maintenant, il est présent sur une plus large gamme de sols dans diverses conditions, favorisé par les cultures céréalières. D’ailleurs, on se retrouve de plus en plus avec des espèces généralistes, les espèces typiques de certains sols ayant disparu. Le pâturin annuel et le séneçon vulgaire font partie des espèces généralistes : ils germent toute l’année sur n’importe quel type de sol. Leur présence n’indique pas grand-chose sur celui-ci. »
Les plantes ne peuvent pas indiquer le blocage d’oligoéléments dans le sol
Chaque espèce occupe une niche écologique, que l’on peut caractériser par plusieurs facteurs du milieu (sol et climat entre autres) mais qui dépend aussi des interactions avec les autres espèces. « La présence d’une espèce dans une parcelle peut être éphémère car elle a pu y être dispersée sans être toutefois bien adaptée aux conditions locales. Il y a donc une évolution dynamique de cette flore sur plusieurs années à prendre en compte dans le diagnostic », ajoute Guillaume Fried.
Le spécialiste de l’Anses énumère certains éléments du sol que des plantes peuvent caractériser : le pH, la texture (part d’argiles et de sables), l’humidité, la richesse en éléments nutritifs, le tassement… « Pour ce faire, on ne peut se baser sur une seule espèce. Il faut prendre en compte toute la communauté de plantes présentes pour dresser un diagnostic, conseille Guillaume Fried. Mais attention aux idées faciles. Les plantes peuvent difficilement renseigner sur le niveau d’activité microbienne, la distinction des matières organiques d’origine animale ou végétale ou encore montrer le blocage ou l’excès d’azote, de phosphore, de potassium ou d’oligoéléments. Des personnes vont trop loin dans leurs diagnostics sur ces facteurs car cela ne repose sur aucune preuve scientifique. »
Guillaume Fried prend pour exemple l’ambroisie à feuilles d’armoise. « Dans un ouvrage, cette adventice est présentée comme indicatrice de sol mort, stérile. En réalité, l’ambroisie pousse sur une très large gamme de sols en matière de pH, de MO, de texture… et ce aussi bien en agriculture intensive que biologique, comme l’indique une étude faite sur 48 sites de présence de l’adventice. » Beaucoup d’autres facteurs que le sol expliquent le développement invasif de l’ambroisie.
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Un diagnostic à consolider avec une observation du sol
La méthode de Jean-Pierre Scherer, MFR de Chauvigny, pour réaliser un diagnostic fiable inclut un relevé floristique notant la fréquence de chaque espèce spontanée en plusieurs points de la parcelle. Un tableau indique les conditions de levée de dormance de chaque espèce. Une note de fréquence de l’adventice est rapportée dans la ou les colonnes correspondant à ces caractéristiques. L’addition des notes pour chacune de ces conditions donne une hypothèse du comportement du sol à partir de tous les indices émanant des plantes. Cette hypothèse doit être étayée par une observation directe du sol.