Aller au contenu principal

Confort thermique : « Notre bâtiment est ouvert sur ses quatre faces »

Au Gaec de l’Agora, situé à 500 mètres d’altitude dans l’Ain, la stabulation ouverte sur toutes ses façades offre de bonnes conditions thermiques aux vaches en toutes saisons. Il s’avère très lumineux, mais pour autant, le rayonnement reste maîtrisé.  

Pas de doute possible, c’est bien là. Une stabulation ouverte sur ses quatre faces ne passe pas inaperçue dans la campagne ! Bonnets sur la tête, Louison et Frédéric Donier s’activent en ce petit matin de fin février. La neige vient de fondre et le froid pique encore à Izernore dans le Haut-Bugey, entre les Alpes du Nord et les contreforts du Jura. Les 75 montbéliardes du troupeau ne s’en plaignent pas. « Au contraire ! Le froid est l’allié de l’élevage du moment que le bâtiment reste sain et sans courant d’air, considèrent les éleveurs. Et l’été, les vaches apprécient tout autant le bâtiment tout ouvert. Il y fait 10 °C de moins qu’à l’extérieur. »

 

 
La stabulation, orientée Nord-Sud, a été placée entre deux courants froids et humides, en contrebas de la montagne. Les vents dominants Nord et Sud sont très présents et ont un effet positif sur la ventilation naturelle du bâtiment.
La stabulation, orientée Nord-Sud, a été placée entre deux courants froids et humides, en contrebas de la montagne. Les vents dominants Nord et Sud sont très présents et ont un effet positif sur la ventilation naturelle du bâtiment. © E. Bignon

Si elle répond avant tout à une logique économique, la conception originale de cette stabulation garantit en effet également le bien-être des animaux, en alliant ventilation et confort thermique pour passer au mieux les périodes estivales. Le projet, mûrement réfléchi, s’est inspiré du système tout ouvert Roundhouse que les éleveurs ont découvert lors d’une visite aux Pays-Bas. « Nous avons décliné le même principe mais en mode carré, en plaçant les tables d’alimentation en périphérie et les animaux au centre », décrit Louison. 

 

Un bâtiment lumineux qui rayonne peu

Construite en 2020, la stabulation dotée d’une charpente métallique et d’une toiture en fibrociment, mesure 42 mètres sur 42, sans débord de toit. Elle comporte 92 logettes sur six rangées, 106 cornadis et un robot de traite. L’été dernier, des mesures de température ressentie, d’humidité relative et de vitesse de l’air y ont été réalisées pour approcher l’indicateur de stress thermique (HLI). Avec une température extérieure de 34 °C à l’ombre, celui-ci s’est révélé léger à modéré dans 95 % du bâtiment.

 

 
Le bâtiment est ouvert sur ses quatre faces sur 5 m de haut. En toiture, un dôme éclairant en matériau translucide diffuse la lumière. Il est conçu avec fonction de ventilation, exactement comme une faitière ouverte. Large de 3 m, il rayonne légèrement (+1°C ressenti) malgré sa hauteur (13 m).
Le bâtiment est ouvert sur ses quatre faces sur 5 m de haut. En toiture, un dôme éclairant en matériau translucide diffuse la lumière. Il est conçu avec fonction de ventilation, exactement comme une faitière ouverte. Large de 3 m, il rayonne légèrement (+1°C ressenti) malgré sa hauteur (13 m). © E. Bignon
Plusieurs raisons expliquent ce bon résultat. À commencer par l’emplacement stratégique pour bâtir la construction. « Nous avons choisi un endroit sain à 100 mètres de l’ancienne stabulation, dans le pré où l’on trouvait toujours les vaches couchées en arrivant le matin, précise Frédéric. Un endroit relativement abrité, mais suffisamment loin des arbres et avec aucun obstacle autour. »

 

Les éleveurs ont aussi cherché à construire un bâtiment suffisamment haut et pentu. « Plus la toiture est haute, moins le rayonnement est fort et cela créé aussi du volume. » Comme la lumière entre par les côtés, il n’y a pas de plaques translucides en toiture. Par contre, un dôme central éclairant rayonne légèrement (+1 °C ressenti, mesuré au thermomètre à globe noir). L’impact reste limité car il se trouve à 13 mètres de hauteur, mais il pourrait être envisagé d’aménager un voile d’ombrage sous le dôme l’été.

 

 
Les laitières passent sept mois par an dans la stabulation, dont l’été. La première rangée de logette à 10 m du bord du bâtiment, présente un retrait suffisant pour bénéficier d’un flux d’air ralenti et d’un rayonnement moindre.
Les laitières passent sept mois par an dans la stabulation, dont l’été. La première rangée de logette à 10 m du bord du bâtiment, présente un retrait suffisant pour bénéficier d’un flux d’air ralenti et d’un rayonnement moindre. © E. Bignon
Le couchage se situe à 10 mètres du bord du bâtiment, soit suffisamment en retrait par rapport à la façade pour éviter le rayonnement. Les cornadis, quant à eux, sont positionnés à seulement 5,50 mètres du bord, mais ce n’est pas problématique. « Dès que le soleil passe de l’autre côté de la montagne, le rayonnement est cassé. Vu notre site, nous avons une heure de soleil en moins le matin et le soir », dépeint le jeune éleveur.

 

De l’air mais sans courant d’air

En pointe de pignons, des translucides ont été installés en partie haute. Un choix pertinent au Nord pour ramener de la clarté, mais pas au Sud où l’apport de soleil direct occupe une partie de la dernière travée. « À l’avenir, il n’est pas exclu de rajouter une travée en vue d’automatiser l’alimentation, ce qui permettrait en même temps de casser ce rayonnement. »

 

 
Un robot collecte le lisier. L'idéal serait qu'il puisse humifier aussi le béton et éviter la création d'une croûte glissante en été, du fait de la ventilation naturelle du bâtiment.
Un robot collecte le lisier. L'idéal serait qu'il puisse humifier aussi le béton et éviter la création d'une croûte glissante en été, du fait de la ventilation naturelle du bâtiment. © E. Bignon
Seul regret des éleveurs, l’assèchement des couloirs en raison de la ventilation naturelle. « L’été, nous sommes contraints d’humidifier le sol pour éviter l’effet beurrage », regrette Louison en espérant que le robot collecteur de lisier se verra bientôt pourvu de cette fonction. Hormis cette contrainte, les éleveurs apprécient les multiples atouts qu’offre leur bâtiment : la luminosité, la vision panoramique du paysage, la bonne santé des animaux, l’absence d’odeur, de mouches… sans oublier l’aspect économique. « L’évolution climatique couplée à la flambée du prix des matériaux a de quoi faire réfléchir, mais beaucoup d’éleveurs se montrent réticents aux bâtiments ouverts, craignant de mauvaises conditions de travail. »

 

Dans la configuration du Gaec pourtant, le vent traverse le bâtiment sans créer de courant d’air. L’air entrant ralentit rapidement avant de ressortir par les côtés. C’est impressionnant, au bout d’une dizaine de mètres, on ne ressent plus le flux d’air et le cœur du bâtiment est agréable. « C’est du bonheur toute l’année hormis quinze jours par an où le vent souffle fort », concède Louison. « Ceci dit, il n’y a pas de grand froid, il n’y a que des hommes mal habillés ! », conclut Frédéric en esquissant un sourire.

 

Côté éco

Coût final du bâtiment 92 places (subventions déduites) : 650 000 €

Économie réalisée par l'absence de filets et rideaux : 70 000 €

Avis d'expert : Tanguy Morel de l'Institut de l'élevage

 

 
Tanguy Morel de l'Institut de l'élevage.
Tanguy Morel de l'Institut de l'élevage. © Idele
« Un bâtiment pensé en priorité pour les vaches »

« Ouvrir un bâtiment sur ses quatre faces est un pari osé, surtout à 500 mètres d’altitude sur un plateau froid et venté, équivalent à 800 mètres d’altitude en termes de climat. Mais ce concept fonctionne ici parfaitement. Été comme hiver, les animaux se répartissent partout dans le bâtiment, preuve que l’ambiance y est homogène. La ventilation se fait naturellement, le vent pouvant entrer par les quatre faces selon l’orientation du jour. Aucun obstacle dans le bâtiment n’entrave le passage de l’air. Cette solution est transposable ailleurs à condition de bien prendre en compte l’environnement global : orientation, vents dominants, obstacles éventuels à la ventilation (talus, bâtiments annexes…), ensoleillement. Il faut chercher à se protéger un minimum mais sans se couper complètement du vent non plus. Demain, encore plus qu’aujourd’hui, l’ouverture des stabulations s’avère pertinente. Cela suppose d’adhérer à l’idée que le bâtiment réponde au bien-être des animaux avant celui des éleveurs. »

Un local hors-gel pour la machinerie de traite

 

 
Ce container isotherme qui transportait initialement des légumes, a été recyclé pour mettre hors gel la machinerie de traite.
Ce container isotherme qui transportait initialement des légumes, a été recyclé pour mettre hors gel la machinerie de traite. © E. Bignon
Un container isotherme de 12 m de long sur 2,50 m de large (acheté d’occasion1 800 € en 2020) stocke la machinerie de traite (compresseur, pompe à vide, adoucisseur, cumulus, etc.) et les produits d’entretien. La partie traite et refroidissement du lait se situe au Nord.

 

 

 
Confort thermique : « Notre bâtiment est ouvert sur ses quatre faces »
© E. Bignon

 

 

Les plus lus

<em class="placeholder">Nathalie et Michel Daguer, éleveurs en Mayenne avec leurs vaches</em>
Pâturage hivernal : « Nous ne voyons que des bénéfices dans notre élevage en bio et en monotraite en Mayenne »

Le Gaec du Ballon en Mayenne, en bio et en monotraite, profite de conditions pédoclimatiques privilégiées pour pâturer en…

<em class="placeholder">Daniel Rondeau (à gauche) est beaucoup plus serein depuis qu’il s’est réassocié avec Amaury Bourgeois et Raymond Papin (absent sur la photo). </em>
« Je me suis réassocié avec deux voisins, après avoir délégué l'alimentation et les cultures en Vendée »

Le Gaec Les 3 B, en Vendée, s’est constitué le 1er avril 2024. Daniel Rondeau s’est de nouveau associé, après…

<em class="placeholder">guillaume rivet, éleveur dans les deux-sèvres</em>
Organisation du travail : « Nous avons robotisé la traite pour anticiper le départ à la retraite de mon père dans les Deux-Sèvres »

Le Gaec Privalait, dans les Deux-Sèvres, tourne entre mère et fils depuis bientôt deux ans. La robotisation de la traite, en…

<em class="placeholder">« L’herbe pâturée est la plus économique car, plus il y a de stock, plus les charges de mécanisation augmentent », soulignent Sébastien Le Goff et Julie Sylvestre.</em>
Diagnostic de système fourrager : « Nous avons prouvé la résilience de notre élevage face aux aléas climatiques dans le sud du Morbihan »

Au Gaec de Coët Cado, dans le Morbihan, pour s’assurer de la résilience de leur système fourrager aux aléas, les associés ont…

Carte de la zone régulée FCO3, en date du 19 décembre 2024.
FCO 3 : fin décembre, la maladie continue de progresser

À date de jeudi 19 décembre 2024, le ministère de l'Agriculture annonce 8 846 cas de fièvre catarrhale ovine sérotype 3.…

<em class="placeholder">Brice Minot, Vincent Colas et Cyrille Minot, trois des quatre associés du Gaec des forges, en Côte-d&#039;Or</em>
Élevage laitier : « Nous cherchons de la productivité et de l’autonomie pour rentabiliser nos installations en Côte-d’Or »

Au Gaec des forges, en Côte-d’Or, les associés ont robotisé pour mieux organiser le travail. La recherche d’un bon prix du…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir lait
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière Réussir lait
Consultez les revues Réussir lait au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière laitière