Collectifs d’agriculteurs : s’organiser pour maintenir la dynamique de groupe
Le maintien d’une dynamique de groupe tient beaucoup à l’implication de ses membres et au bon fonctionnement du duo président-technicien. Illustration avec le Geda de Calais – Saint-Omer dans le Pas-de-Calais
Le maintien d’une dynamique de groupe tient beaucoup à l’implication de ses membres et au bon fonctionnement du duo président-technicien. Illustration avec le Geda de Calais – Saint-Omer dans le Pas-de-Calais
Les groupes de développement agricole (Geda) rassemblent des agriculteurs qui ont tous un point commun : celui de vouloir évoluer dans leur métier et leurs pratiques en s’appuyant sur le collectif. « Ce sont souvent des profils d’agriculteurs qui ont la fibre de l’échange et n’hésitent pas à se remettre en question », confirme Patricia Bouclet, installée en polyculture élevage sur une centaine d’hectares à Louches, dans le Pas-de-Calais. Elle copréside depuis 2017 le Geda de Calais – Saint-Omer avec son confrère agriculteur dans le même secteur Frédéric Sterckeman. Ils ont mis en place une coprésidence pour alléger la tâche de chacun.
Échanges entre pairs et autonomie de décision
La structure est née au début des années 1980 avec l’objectif d’accompagner les agriculteurs sur le plan technique. Elle a déjà vu défiler sept présidents. Faire perdurer une structure nécessite de maintenir la cohérence du projet dans le temps. Les agriculteurs sont en attente d’une information neutre avec une approche économique. « Il faut coller aux préoccupations du moment, explique Patricia Bouclet. Les messages techniques doivent également être adaptés car les agriculteurs attendent de l’information ultra-locale en fonction des conditions pédoclimatiques de leur secteur. »
Les agriculteurs peuvent être simples adhérents - le Geda en compte une centaine - mais il est possible d’aller plus loin en participant à un groupe technique spécialisé en cultures, bovins lait et bovins viande. Ils sont chacun dotés d’un technicien de la chambre d’agriculture du Nord-Pas de Calais.
Le groupe cultures rassemble une trentaine d’agriculteurs. Il est présidé par Charles-Antoine Calais, polyculteur éleveur à Nielles-les-Ardres, administrateur depuis 2011 et vice-président du Geda auquel il a adhéré dès son installation. « Je viens chercher les échanges entre pairs, avance-t-il. J’adhère complètement à la devise des Geda qui dit que tout seul, on va plus vite mais qu’ensemble, on va plus loin. » Il cherche surtout à garder son « autonomie de décision » et considère que le collectif est un espace qui permet de « lancer des expérimentations que l’on n’oserait pas faire tout seul ».
Des thématiques de travail élaborées collectivement
Sur le plan technique, chaque groupe organise son programme de rencontres et de visites en bout de champ. Les thématiques annuelles de travail sont élaborées collectivement à l’occasion d’un conseil d’administration ouvert à tous les adhérents en juin. Trois groupes de travail sont formés pour chaque spécialisation avec le technicien concerné afin de réfléchir aux thématiques à aborder en prenant en compte les remarques. Charge ensuite aux techniciens d’élaborer le programme et le choix du format en fonction des thématiques (réunion d’information avec un expert, visite de terrain, formation…). Le programme est validé lors du conseil d’administration qui se tient en septembre.
Entre deux rendez-vous, les échanges se poursuivent via des conversations sur l’application Whatsapp pour chaque groupe. « Les échanges sont centrés sur la technique, les agriculteurs peuvent partager entre eux et le technicien du groupe apporte son éclairage », précise Thomas Froidure, chargé de développement territorial à la chambre d’agriculture Nord-Pas-de-Calais. En complément, une lettre hebdomadaire est envoyée par mail avec un point sur les problématiques du moment et des préconisations d’intervention.
Maintenir le nombre d’adhérents
Pour maintenir la dynamique du groupe, il faut aussi assurer le renouvellement des hommes et des femmes qui le compose. « Cinq à six agriculteurs quittent en moyenne le Geda chaque année, souvent après un départ en retraite », avance Thomas Froidure. Manque de temps, de main-d’œuvre, fermes qui s’agrandissent… Différentes raisons expliquent pourquoi il est parfois difficile d’impliquer les gens dans une démarche collective. « Ce n’est pourtant pas perdre son temps que de se former et de rencontrer ses pairs sur le terrain, souligne Patricia Bouclet. On prend conscience que les autres ont des problématiques similaires aux siennes et cela permet de progresser dans son métier et ses pratiques. » Sans oublier la dimension de convivialité. « C’est aussi positif pour le moral ! », assure Patricia Bouclet.
Le nombre d’adhérents se maintient depuis quelques années même si en attirer de nouveaux nécessite d’y consacrer du temps. « Cela fait partie de notre rôle d’administrateur, considère Patricia Bouclet. Quand on entend parler d’un jeune qui s’installe, on va le rencontrer avec le technicien du groupe en fonction de l’orientation de l’exploitation, puis on l’invite à une visite terrain pour lui montrer ce que l’on fait. »
Le recrutement de nouveaux administrateurs est aussi un enjeu important. Le Geda est en effet composé d’un conseil d’administration de seize membres et d’un bureau de huit membres. Chaque instance se réunit trois ou quatre fois par an. « Difficile de trouver des volontaires, constate la présidente. Il faut repérer ceux qui sont souvent présents et voir si cela peut les intéresser de s’impliquer un peu plus dans la structure. » Le Geda propose le statut d’administrateur stagiaire qui permet de se familiariser avec cette fonction. Grâce à cela, cinq nouveaux élus ont rejoint le conseil d’administration en novembre 2021.