Changement climatique : sans adaptation le revenu d’une exploitation céréalière vendéenne diminue de 21 % en 2050
Pour maintenir des exploitations viables à l’horizon 2050, l’adaptation des pratiques est incontournable. L’étude prospective réalisée par des agriculteurs et techniciens sur la plaine de Vendée, avec l’appui d’Arvalis, montre que pour préserver le revenu, il faudra optimiser l’utilisation de l’eau et diversifier les cultures.
Pour maintenir des exploitations viables à l’horizon 2050, l’adaptation des pratiques est incontournable. L’étude prospective réalisée par des agriculteurs et techniciens sur la plaine de Vendée, avec l’appui d’Arvalis, montre que pour préserver le revenu, il faudra optimiser l’utilisation de l’eau et diversifier les cultures.
Prenons une exploitation vendéenne de 125 ha sur des sols argilo-calcaires et des limons argileux (à forte réserve utile), composée aujourd’hui de 15 ha de blé tendre, 40 de blé dur, 10 de colza, 15 de tournesol, 20 de maïs grain et 15 de maïs semence irrigués. 80 ha sont irrigables et 35 ha sont irrigués en été avec un apport d’eau moyen de 1 000 m3/ha/an. Les simulations sur 20 années climatiques (1980 à 2000) réalisées avec le modèle Asalée d’Arvalis montrent une marge nette dégagée une année sur deux, de 79 439 €, soit 636 €/ha.
Quatre scénarios d’adaptation construits par des agriculteurs
Dans le futur proche (2040-2060), la température moyenne journalière croît en Vendée de 1,3 °C pour atteindre 14,3°C. La pluviométrie annuelle est assez stable (+ 5 mm) à 820 mm, mais avec plus de pluie en hiver et au printemps et un déficit hydrique estival qui augmente de 123 mm. Dans ces conditions, à structure et assolement constants, l’évolution du climat entraîne une baisse importante du résultat économique avec une réduction de 21 % de la marge nette dégagée par l’exploitation et une augmentation de la consommation en eau de 19 % qui ne permet pas de couvrir l’ensemble des besoins des cultures. « Il y a un impact bien plus important que ce que l’on pourrait imaginer sur le revenu de nos exploitations », estime Patrick Bluteau, membre du groupe et agriculteur à Jard-sur-Mer (85).
Quatre scénarios d’adaptation sont passés dans la moulinette de l’outil de modélisation Azalée, qui permet de « simuler la production de différentes cultures sous contrainte hydrique et avec les données météo du futur », explique Anne-Monique Bodilis, ingénieur régional Arvalis. Ces scénarios reposent tous sur un agrandissement de l’exploitation, passant de 125 ha à 200 ha de cultures (avec une forte hausse de la surface en blé tendre), à main-d’œuvre équivalente (1 UTH), et en adaptant le parc matériel.
Le premier scénario se base sur une ressource en eau réduite entraînant une baisse de 17 % de la consommation en eau et un arrêt du blé dur pour limiter les besoins en engrais azoté. Le second repose sur ce même postulat concernant l’irrigation mais intègre une diversification de l’assolement avec des légumineuses (pois d’hiver) pour renforcer l’autonomie en azote. Le troisième est basé sur une ressource en eau préservée avec une consommation en eau d’irrigation identique et un maintien du blé dur. Le quatrième repose sur le même scénario concernant l’irrigation, avec le maintien du blé dur et en plus l’intégration des pois.
L’irrigation permet de conserver les cultures plus rémunératrices
Sur les quatre scénarios, l’agrandissement permet d’améliorer le résultat économique, pour une consommation en eau d’irrigation par unité de surface inférieure, mais avec une augmentation du temps de travail pour le chef d’exploitation (+ 14 %). Sur les scénarios 1 et 2, la marge nette se maintient (+ 7 %) alors qu’elle augmente de 15 % sur les scénarios 3 et 4. Les stratégies d’adaptation les plus performantes reposent donc sur la possibilité de préserver la capacité d’irrigation à l’unité de surface proche du niveau actuel et de maintenir ainsi le blé dur irrigué.
Dans un scénario de réduction de la ressource en eau (scénarios 1 et 2), le résultat économique est préservé grâce à l’augmentation de la surface exploitée, en adaptant l’assolement au profit des oléo-protéagineux et en priorisant l’eau d’irrigation pour le maïs semence. Avec les scénarios qui intègrent des légumineuses, les marges nettes sont légèrement inférieures, car aux prix de vente actuels, leur rendement ne suffit pas à dégager une marge positive sans les aides spécifiques de la PAC.
Le niveau de production par hectare est globalement en baisse (de 3 à 9 %), notamment pour les cultures d’été, même en maintenant la ressource en eau d’irrigation. Les simulations 1 et 2 qui sont basées sur l’arrêt de la production du blé dur, entraînent une perte de valeur ajoutée à l’échelle d’un bassin de production traditionnel de la culture. Les simulations 2 et 4 supposent une valorisation possible des légumineuses à graines sur le territoire. Enfin, l’agrandissement envisagé suppose une restructuration des exploitations sur le territoire, corrélée à une baisse du nombre d’exploitations et de l’emploi agricole (agrandissement à main-d’œuvre constante). Pour Anne-Monique Bodilis, « ce travail prospectif peut aider les acteurs du monde agricole à s’adapter ».