Crise du bio en grandes cultures : « Je perds plus de 20 000 € de trésorerie sur l’exercice 2023 »
Christophe Garroussia est exploitant bio à Marciac, dans le Gers. Il ne souhaite pas se déconvertir et cherche à commercialiser au mieux sa production. Il juge par ailleurs les aides au bio insuffisantes.
Christophe Garroussia est exploitant bio à Marciac, dans le Gers. Il ne souhaite pas se déconvertir et cherche à commercialiser au mieux sa production. Il juge par ailleurs les aides au bio insuffisantes.
Certifié depuis 2009, je n’ai jamais connu une telle crise en agriculture bio. Mon blé livré à la coopérative a été payé 220 €/t, prime qualité incluse. Cela ne couvre pas mes charges. Je stocke une partie du soja. Pour celui que je livre à la coopérative, je vais recevoir 480 € en avance de trésorerie : l’an passé c’était le double. Il me faudrait 800 €/t pour rentrer dans mes frais. Il y aura peut-être un complément de prix, mais qui sait ?
En plus, les rendements sont compliqués en soja bio. L’an passé, semé tardivement, il s’est pris de plein fouet la sécheresse. Cette année il y a eu des pyrales, héliotis et punaises : j’ai perdu la moitié de ma récolte. Mais ce qu’on vit le plus mal, ce sont les importations de soja bio par les ports méditerranéens : on ne peut pas lutter car ils sont 200 € moins chers… Une trentaine de producteurs s’est rassemblée dans un collectif informel pour mettre en place une filière de soja français tracé depuis le champ. On se donne trois ans pour se structurer et formaliser des partenariats commerciaux. J’ai déjà trouvé un acheteur cette année pour 100 tonnes.
Un retour à l’agriculture conventionnelle difficile à envisager
Je perds plus de 20 000 € de trésorerie sur l’exercice 2023. Or en agriculture, la trésorerie, c’est de l’argent difficilement gagné et mis de côté pendant 25 ans.
J’ai pensé à revenir au conventionnel mais les risques pour la santé liés aux phytos m’inquiètent. Et puis il faudrait racheter un pulvé à 30 000 € et des intrants : j’avais 50 000 € d’engrais et phytos en conventionnel contre 5 000 € en bio. Par contre, je vais me battre sur la commercialisation.
Les aides de crise sont insuffisantes et les trois quarts des agriculteurs n’ont droit à rien. Elles créent des distorsions de concurrence et de la jalousie - comme les « aides au maintien », que la Région réserve aux agriculteurs bio depuis 5 à 10 ans. Cela nous divise alors qu’on a besoin d’être unis.